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03/07/2020 | FRANCE | N°19NT01512

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 03 juillet 2020, 19NT01512


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 avril et 14 novembre 2019, l'association " Non aux Eoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et l'association " Société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France ", représentées par Me C..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de saisir, par une décision avant-dire droit, le Conseil national de protection de la nature afin qu'il puisse compléter son instruction au regard des nouvelles informations apportées en réponse à son avis défavorable

;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2018 du préfet de la Vendée accordant...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 avril et 14 novembre 2019, l'association " Non aux Eoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et l'association " Société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France ", représentées par Me C..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de saisir, par une décision avant-dire droit, le Conseil national de protection de la nature afin qu'il puisse compléter son instruction au regard des nouvelles informations apportées en réponse à son avis défavorable ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2018 du préfet de la Vendée accordant à la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier une autorisation de destruction et de perturbation intentionnelle de spécimens d'espèces animales protégées, dans le cadre de l'aménagement et de l'exploitation d'un parc éolien en mer au large des îles d'Yeu et de Noirmoutier ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vendée de prendre toutes les mesures nécessaires à l'arrêt des travaux ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- leur requête est recevable ; elles ont procédé aux notifications requises ;

- le préfet de la Vendée n'était pas compétent pour instruire et délivrer l'autorisation attaquée ; l'arrêté du 9 juillet 1999 fixant la liste des espèces de vertébrés protégées menacées d'extinction en France et dont l'aire de répartition excède le territoire d'un département mentionne deux espèces visées par l'arrêté litigieux : le guillemot de Troïl et le pingouin Torda ; ces espèces sont identifiées par cette autorisation en raison de leur perturbation intentionnelle ; la demande de dérogation aurait dû être instruite et accordée par le ministre, en application des dispositions de l'article R. 411-8 du code de l'environnement ;

- le dossier de demande d'autorisation est insuffisant en ce qu'il ne prend en compte qu'une partie du projet, ainsi que l'a relevé le Conseil national de protection de la nature dans son avis défavorable ; la demande de dérogation demandée par la société RTE ne concernait que la partie terrestre ; aucune demande n'a été faite concernant la partie maritime du raccordement ; l'ensemble de cette opération dépend du même maître d'ouvrage, lequel parait être l'Etat plus que la société pétitionnaire ; le découplage du dossier de demande d'autorisation a pour conséquence de sous-évaluer les impacts totaux ;

- le dossier de demande d'autorisation ne procède pas à l'évaluation des enjeux concernant les mammifères marins et la tortue luth ; l'étude minimise la présence d'espèces de mammifères marins ; l'appréciation des impacts a également été minimisée ; le principe de précaution appliqué au domaine des dérogations impose l'analyse du dossier compte tenu des meilleures connaissances scientifiques en la matière ; la société pétitionnaire aurait dû présenter une demande de dérogation pour les mammifères marins et la tortue luth ; dans la zone de masquage, le rayon d'interaction entre spécimens est réduit, ce qui perturbe leurs activités de chasse, de communication, de socialisation ou d'évitement des prédateurs ; de tels effets relèvent de la perturbation intentionnelle des spécimens d'espèces protégées ; la méthodologie utilisée par le pétitionnaire en ce qui concerne les études sur les oiseaux est contestable ; le puffin des Baléares aurait également dû faire l'objet d'un demande de dérogation ; l'étude chiroptérologique est insuffisante en ce que le pétitionnaire a minimisé la présence et l'impact du projet sur la pipistrelle de Nathusius ; il serait opportun de saisir à nouveau le Conseil national de protection de la nature d'une demande d'avis ;

- l'analyse d'un dossier de demande de dérogation ne saurait s'analyser autrement que par le prisme du principe de précaution ; le dossier du pétitionnaire ne permet pas de lever tous les doutes raisonnables compte tenu des meilleures connaissances scientifiques en la matière, relatives à l'absence d'effets préjudiciables d'une activité humaine sur la conservation des habitats et des espèces protégées, comme l'impose la directive 92/43/CEE qui doit être appréciée conformément au principe de précaution " consacré à l'article 191, paragraphe 2, TFUE " ;

- la procédure de participation et d'information du public est entachée d'irrégularité ; c'est lors de l'enquête publique organisée dans le cadre de la demande d'autorisation " loi sur l'eau ", et des demandes d'occupation du domaine public, du 4 avril au 23 mai 2018, que le public a été informé de la demande de dérogation et a formulé ses observations ; le public a ainsi été induit en erreur quant au moment de la réelle participation ;

- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions du 4° du I de l'article

L. 411-2 du code de l'environnement ; il appartient au porteur du projet de démontrer qu'il existe une raison impérative d'intérêt public majeur et qu'il a envisagé des alternatives au projet ; aucune alternative n'a été prise en compte, qu'il s'agisse d'alternatives à l'éolien en mer, d'alternatives à l'éolien posé ou d'alternatives à la zone propice retenue ; le projet nuit au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées par la demande ; l'ensemble des impacts totaux du projet, prenant en compte le raccordement maritime et terrestre du projet, de même que les impacts sur certaines espèces protégées pour lesquels le porteur de projet n'a pas présenté de demande, n'ont pas été appréciés par le porteur de projet ;

- les mesures de compensation et de réduction sont insuffisantes alors que les trois conditions cumulatives requises par les dispositions du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement s'analysent au regard de l'efficacité des mesures compensatoires ; certaines mesures recommandées par le Conseil national de protection de la nature ont été omises alors même qu'elles seraient de nature à limiter les impacts sur certaines espèces ;

- au regard des raisons qui justifient l'annulation à prononcer et du fait que la phase

" travaux " du projet est toute aussi préjudiciable à la conservation des espèces protégées précédemment rappelées, elles sont fondées à demander à la Cour d'enjoindre au préfet de la Vendée de prendre toutes les mesures de nature à stopper les travaux.

Par des mémoires enregistrés les 19 juillet et 20 décembre 2019, la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'association " Non aux Eoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et de l'association " Société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France " le versement d'une somme de 13 000 euros, chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête n'est pas recevable ;

- les moyens soulevés par l'association " Non aux Eoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et l'association " Société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France " ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 octobre et 23 décembre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête de l'association " Non aux Eoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et de l'association " Société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France ".

Il soutient que :

- la requête n'est pas recevable faute pour les requérantes d'avoir procédé à la notification du recours contentieux dirigé contre la décision attaquée dans les délais impartis ;

- les moyens soulevés par l'association " Non aux Eoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et l'association " Société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France " ne sont pas fondés ;

- il est demandé à la cour de mettre en oeuvre les dispositions de l'article 4-II du décret

n° 2016-9 du 8 janvier 2016 et de fixer une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne pourront plus être invoqués par les requérantes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;

- le code de l'énergie ;

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- l'arrêté du 9 juillet 1999 fixant la liste des espèces de vertébrés protégées menacées d'extinction en France et dont l'aire de répartition excède le territoire d'un département ;

- l'arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., pour l'association " Non aux Eoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et l'association " Société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France ", de Me B..., pour la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier et de Mme D..., pour le ministre de la transition écologique et solidaire.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 19 décembre 2018, le préfet de la Vendée a accordé à la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier une autorisation de destruction et de perturbation intentionnelle de spécimens d'espèces animales protégées dans le cadre de l'aménagement et de l'exploitation d'un parc éolien en mer au large des îles d'Yeu et de Noirmoutier. L'association

" Non aux Eoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et l'association " Société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France " demandent l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 susvisée, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales, relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont (...) contestées (...) ; 5° Lorsqu'une demande d'autorisation de projet d'activités, installations, ouvrages et travaux prévus par l'article L. 181-1 du code de l'environnement est formée entre le 1er mars et le 30 juin 2017, le pétitionnaire peut opter pour qu'elle soit déposée, instruite et délivrée : a) Soit en application des dispositions du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V de ce code, et, le cas échéant des dispositions particulières aux autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code qui lui sont nécessaires, dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance ; le régime prévu par le 1° leur est ensuite applicable (...) ".

3. La société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier a opté, en application du a) du 5° de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, pour que la demande d'autorisation d'exploiter qu'elle a sollicitée au titre des articles L. 214-1 et suivants du code de l'environnement et que la demande d'autorisation qui lui est nécessaire en application du I de l'article L. 411-2 du même code, formées le 9 mai 2017, soient déposées, instruites et délivrées selon les dispositions de ce code, dans leur rédaction antérieure à cette ordonnance.

4. L'article L. 411-1 du code de l'environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d'espèces animales non domestiques, l'interdiction de " 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat / (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...). " Le I de l'article L. 411-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment : " 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...). ".

5. Aux termes de l'article R. 411-6 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 sont accordées par le préfet, sauf dans les cas prévus aux articles R. 411-7 et R. 411-8. (...). ". Aux termes de l'article R. 411-8 de ce code : " Lorsqu'elles concernent des animaux appartenant à une espèce de vertébrés protégée au titre de l'article L. 411-1, menacée d'extinction en France en raison de la faiblesse, observée ou prévisible, de ses effectifs et dont l'aire de répartition excède le territoire d'un département, les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 sont délivrées par le ministre chargé de la protection de la nature, pour les opérations suivantes : enlèvement, capture, destruction, transport en vue d'une réintroduction dans le milieu naturel, destruction, altération ou dégradation du milieu particulier de l'espèce. "

6. Par l'arrêté du 19 décembre 2018 attaqué, le préfet de la Vendée a accordé à la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier une autorisation de perturbation intentionnelle du guillemot de Troïl et du pingouin Torda et une autorisation de destruction du goéland marin, du goéland brun, du goéland argenté, du goéland cendré, de la mouette tridactyle, de la mouette pygmée, du fou de Bassan, du grand labbe, de la sterne Caugek, du cormoran huppé et de la pipistrelle de Nathusius.

7. En premier lieu, le guillemot de Troïl et le pingouin Torda font partie des espèces de vertébrés protégées au titre de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, menacées d'extinction en France en raison de la faiblesse observée ou prévisible de leurs effectifs et dont l'aire de répartition excède le territoire d'un département, énumérées par l'arrêté du 9 juillet 1999, dans sa rédaction applicable au litige, pour lesquelles l'enlèvement, la capture, la destruction, le transport en vue d'une réintroduction dans le milieu naturel, ainsi que la destruction, l'altération ou la dégradation du milieu particulier de l'espèce ne peuvent être autorisés, à titre dérogatoire, en application des dispositions ci-dessus de l'article R. 411-8 du code de l'environnement, que par le ministre chargé de la protection de la nature. Toutefois, l'arrêté préfectoral du 19 décembre 2018, qui a été pris en application de l'article R. 411-6 cité ci-dessus, n'autorise, à titre dérogatoire, que la perturbation intentionnelle de ces deux espèces. Par ailleurs, les autres espèces dont il autorise, par dérogation, la destruction ne sont pas au nombre de celles qui sont visées par l'arrêté du 9 juillet 1999. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées, dans sa rédaction applicable au litige: " La demande de dérogation est, sauf exception mentionnée à l'article 6, adressée, en trois exemplaires, au préfet du département du lieu de réalisation de l'opération. Elle comprend : Les nom et prénoms, l'adresse, la qualification et la nature des activités du demandeur ou, pour une personne morale, sa dénomination, les nom, prénoms et qualification de son représentant, son adresse et la nature de ses activités ; La description, en fonction de la nature de l'opération projetée : - du programme d'activité dans lequel s'inscrit la demande, de sa finalité et de son objectif ; - des espèces (nom scientifique et nom commun) concernées ; - du nombre et du sexe des spécimens de chacune des espèces faisant l'objet de la demande ; - de la période ou des dates d'intervention ; - des lieux d'intervention ; - s'il y a lieu, des mesures d'atténuation ou de compensation mises en oeuvre, ayant des conséquences bénéfiques pour les espèces concernées ; - de la qualification des personnes amenées à intervenir ; - du protocole des interventions : modalités techniques, modalités d'enregistrement des données obtenues ; - des modalités de compte rendu des interventions. ".

9. Les requérantes soutiennent que le dossier de demande d'autorisation de la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier est insuffisant en ce qu'il ne prend pas en compte les impacts de la partie maritime du raccordement électrique du projet de parc éolien, en ce qu'il est incomplet et ne porte pas sur certaines autres espèces protégées telles que, notamment, les mammifères marins, la tortue luth et le puffin des Baléares, ainsi que l'a relevé le Conseil national de protection de la nature qui a émis un avis défavorable à cette demande.

10. D'une part, la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier a présenté, conformément aux dispositions citées aux points 4 et 8 ci-dessus, une demande d'autorisation de destruction, à titre dérogatoire, d'espèces protégées qui se rapporte au parc éolien de production d'électricité en mer, composé de 62 aérogénérateurs, localisé sur le domaine public maritime au large des îles d'Yeu et de Noirmoutier qu'elle a été autorisée à exploiter par un arrêté du 1er juillet 2014 du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, pris sur le fondement de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, et par un arrêté du 29 octobre 2018 du préfet de la Vendée, pris sur le fondement de l'article L. 214-3 du code de l'environnement. La société Réseau de Transport d'Electricité (RTE) a, pour sa part, présenté une demande d'autorisation de destruction, à titre dérogatoire, d'espèces protégées concernant la partie terrestre du raccordement du parc éolien en mer des îles d'Yeu et de Noirmoutier au réseau public de transport d'électricité électrique qu'elle a été autorisée à exploiter par un arrêté du 19 décembre 2018 du préfet de la Vendée, pris sur le fondement de l'article L. 214-3 du code de l'environnement. Dans ces conditions, les associations requérantes ne peuvent sérieusement soutenir que ces deux opérations, qui relèvent, l'une, de la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier, l'autre, de la société RTE, devraient être regardées comme dépendant " du même maître d'ouvrage, lequel parait être l'Etat ". Si elle soutiennent que " la partie maritime du raccordement " exploitée par la société RTE imposait qu'une demande de dérogation soit, également, déposée pour examiner l'ensemble des impacts maritimes des deux opérations, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier et à la société RTE de présenter une demande commune au titre d'opérations présentant des caractéristiques et donc, notamment, des impacts différents, alors au surplus que le ministre soutient sans être contredit que la société RTE " n'a pas eu à déposer de dossier de demande d'autorisation ", pour la partie maritime du raccordement, " au regard des inventaires environnementaux et de l'étude d'impact ".

11. D'autre part, les associations requérantes font valoir que la demande de dérogation présentée par la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier aurait dû porter, également, sur les mammifères marins tels que le marsouin commun, le dauphin commun et le grand dauphin, la tortue luth et le puffin des Baléares, en se fondant sur les insuffisances, relevées par le Conseil national de la protection de la nature, du dossier de cette demande en ce qui concerne les impacts du projet de parc éolien sur ces espèces protégées.

12. S'agissant des mammifères marins, le dossier de demande procède, avec précision, à un état des lieux, pages 402 et suivantes. Il précise que l'état initial des mammifères marins a été établi à partir de la " synthèse de trois démarches complémentaires " : " la compilation et la synthèse des connaissances existantes et données disponibles ", qui prennent en compte, notamment, les résultats de suivis scientifiques, issues, en particulier, des inventaires réalisés lors des campagnes de Suivi Aérien de la Mégafaune Marine avion (SAMM) menées pour le compte de l'Agence des aires marines protégées, au cours de l'hiver 2011/2012 et de l'été 2012, ainsi que des campagnes PELGAS de l'IFREMER menées d'avril à juin, chaque année, au printemps, entre 2004 et 2014, de programmes de recherche et l'exploitation des bases de données associatives, " l'acquisition de données de terrain lors de campagnes d'observations en mer (bateau et avion) " menées spécifiquement dans le cadre de l'étude, entre 2014 et 2016, et, enfin, " l'acquisition de données d'acoustique sous-marine dans l'aire d'étude immédiate et à proximité " qui a permis de mesurer la fréquentation du site par les mammifères marins. Il précise, également, les limites de détection inhérentes aux inventaires en mer. Les observations formulées par le Conseil national de la protection de la nature dans le cadre de l'examen de la demande de dérogation et reprises par les requérantes, selon lesquelles " les méthodes de prospection en bateau n'ont pas été menées jusqu'au bout pour fournir des estimations statistiques d'abondance ", " les estimations de densité (...) établies par un sous-traitant à partir de recensements aériens (programme SAMM) ou en bateau ( prospections Pelgas) ne proviennent pas de prospections dédiées visant spécifiquement la zone de PEO [ parc éolien] et son aire élargie " et " ne sont pas exprimées de façon claire et engageante pour la suite et le futur suivi " ou encore selon lesquelles les enregistrements et le traitement des données recueillies lors de l'étude acoustique sont limités, ne sont pas suffisantes pour remettre en cause l'état initial des lieux réalisé dans le dossier de demande de dérogation à partir de la synthèse des divers inventaires, données et prospections décrits ci-dessus. S'agissant des impacts, notamment acoustiques, durant la phase de construction du parc éolien, ils font l'objet de développements importants, pages 219 et suivantes du dossier de demande, et sont qualifiés de faibles pour le marsouin commun, le dauphin commun et le grand dauphin. Si le Conseil national de la protection de la nature souligne, dans son avis auquel les associations requérantes se bornent à se référer, des erreurs méthodologiques quant à la durée d'une seconde d'exposition au bruit retenue, en soulignant que " l'exposition aux bruits de forage dure des heures ", celles-ci ne contestent pas les affirmations du pétitionnaire selon lesquelles un " individu ne reste pas exposé au bruit du forage sans bouger pendant une heure ", compte tenu de sa mobilité, et ne remettent pas en cause les méthodes utilisées issues des recommandations faisant l'objet d'un consensus international. Enfin, aucune des pièces du dossier ne permet d'établir que les mammifères marins seraient victimes de perturbations intentionnelles dans la zone dite " de masquage " par les bruits anthropiques, zone dans laquelle, selon les analyses du dossier de demande auxquelles se réfèrent les requérantes elles-mêmes, " les niveaux de bruit ne causent plus de réaction comportementale ". Dans ces conditions, les seules allégations des associations requérantes sur ces points ne suffisent pas à faire regarder l'appréciation des impacts sur ces mammifères marins comme ayant été " minimisée ".

13. S'agissant de la tortue luth, le dossier de demande précise que l'état des lieux a été réalisé à partir d'une synthèse fournie, notamment, par le centre d'études et des soins pour les tortues marines de l'aquarium de La Rochelle et des observations en mer et conclut à des impacts faibles pour la tortue luth. Aucun élément probant n'est apporté par les requérantes à l'appui de sa contestation de l'état des lieux présenté par le dossier et de ses conclusions quant à l'impact du parc éolien sur cette espèce protégée.

14. Le dossier de demande consacre des développements importants à l'état initial de l'avifaune, en particulier des oiseaux marins, pages 132 et suivantes, qui résulte d'une synthèse des connaissances existantes et des données bibliographiques disponibles, notamment des données issues de l'enquête menée au niveau national entre 2009 et 2012 par le groupement d'intérêt scientifique " oiseaux marins ", de comptages annuels, organisés à la mi-janvier au niveau international par Wetlands International, menés en France depuis 1967 et analysés sur la période 2005-2014, de programmes de suivi récents, tels que le programme d'acquisition de connaissances sur les oiseaux et les mammifères marins et les programmes qui y sont liés, notamment les campagnes de Suivi Aérien de la Mégafaune Marine avion menées pour le compte de l'Agence des aires marines protégées, ainsi que des campagnes PELGAS de l'IFREMER. De nombreuses campagnes d'inventaires par observations en mer ont également été effectuées afin de collecter des données complémentaires sur les mouvements migratoires de ces espèces à l'échelle locale, dans le secteur des îles d'Yeu et de Noirmoutier. Le Conseil national de la protection de la nature précise, d'ailleurs, dans son avis, que des moyens importants ont été consacrés par la société Eoliennes en mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier à la réalisation de l'état des lieux et qu'un " effort de prospection conséquent a été mis oeuvre dans le but de déterminer quantitativement la présence des oiseaux marins dans l'aire du parc éolien et un secteur élargi ". Les impacts sont analysés pages 166 et suivantes et font apparaitre un niveau d'impact faible, moyen, ou fort pour les seules espèces protégées faisant l'objet d'une demande de dérogation. Dans ces conditions, en se fondant sur les observations du Conseil national de protection de la nature précisant qu'un " effort de prospection supplémentaire aurait été nécessaire " ou que " la tendance de l'étude à se situer en météo calme minimise les risques de collision ", les associations requérantes n'apportent pas d'éléments suffisants pour remettre en cause les énonciations du dossier de demande présenté par la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier.

15. S'agissant de la situation particulière du puffin des Baléares, qui représente l'oiseau marin le plus menacé en Europe, si le dossier précise que le sud Bretagne, notamment le secteur de la baie de Vilaine, les îles de Houat et Hoëdic, la presqu'île guérandaise et l'estuaire de la Loire jouent un rôle pour l'estivage de cette espèce, il relève toutefois, que, dans la zone du projet, " l'ensemble des jeux de données compilés indique une faible présence de l'espèce (observée en faibles effectifs toutes expertises confondues), sans zone de stationnement ou regroupement " et que l'aire d'étude immédiate et ses abords ne semblent pas accueillir de stationnements ou regroupements de cette espèce et seraient principalement fréquentés par des individus en transit. Les associations requérantes n'apportent pas d'éléments suffisants pour remettre en cause les énonciations du dossier de demande quant à la fréquentation du puffin des Baléares de la zone d'implantation du parc éolien et, par voie de conséquence, quant aux effets de l'installation sur cette espèce protégée.

16. S'agissant de la pipistrelle de Nathusius, au titre de laquelle la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier a présenté une demande de dérogation, l'avis du Conseil national de protection de la nature dont se prévalent les associations requérantes mentionne que " des incertitudes fortes demeurent " quant à la fréquentation et aux couloirs de migration des chiroptères et les difficultés de l'évaluation des impacts réels des éoliennes en la matière. Par suite, et alors que le dossier de demande consacre des développements particuliers aux impacts du parc éolien sur cette espèce protégée, pages 262 à 265, ces impacts ne peuvent être regardées comme ayant été " minimisés ", contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes.

17. Eu égard à ce qui vient d'être dit aux points 12 à 16 ci-dessus, les moyens tirés de ce que le dossier de demande d'autorisation est insuffisant et de ce que d'autres espèces protégées, notamment le puffin des Baléares, les mammifères marins et la tortue luth auraient dû faire l'objet d'une demande de dérogation, ne peuvent qu'être écartés. Pour les mêmes motifs, doit être écarté le moyen selon lequel l'insuffisance du dossier de demande " ne permet pas de lever (...) tous doutes raisonnables compte tenu des meilleures connaissances scientifiques en la matière, relatives à l'absence d'effets préjudiciables d'une activité humaine sur la conservation des habitats et des espèces protégées, comme l'impose la directive 92/43/CEE qui doit être appréciée en respect et conformément au principe de précaution consacré à l'article 191, paragraphe 2, TFUE ".

18. En troisième lieu, si le dossier de demande de dérogation présenté par la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier au titre des dispositions du 4° du I de l'article

L. 411-2 du code de l'environnement a été porté à la connaissance du public lors de l'enquête publique diligentée du 4 avril au 23 mai 2018 dans le cadre de la procédure, distincte, d'autorisation prévue par l'article L. 214-3 de ce code, cette circonstance s'avère sans incidence sur la régularité de la procédure de consultation qui s'est déroulée du 22 octobre au 18 novembre 2018, en application des dispositions de l'article L. 123-19-2 du même code, préalablement à la délivrance de l'autorisation attaquée, dont il n'est pas soutenu par les associations requérantes qu'elle aurait été mise en oeuvre selon des modalités qui n'auraient pas permis l'information et la participation du public dans de bonnes conditions. Par suite, les moyens tirés de ce que la procédure de consultation du public est entachée d'irrégularité et de ce que " le public a été induit en erreur quant au moment de la réelle participation " doivent être écartés.

19. En quatrième lieu, il résulte des dispositions citées au point 4 ci-dessus qu'un projet de travaux, d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leur habitat ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur. En présence d'un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et, d'autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. L'intérêt de nature à justifier, au sens du c) du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, la réalisation d'un projet doit être d'une importance telle qu'il puisse être mis en balance avec l'objectif de conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvage poursuivi par la législation, justifiant ainsi qu'il y soit dérogé. Ce n'est qu'en présence d'un tel intérêt que les atteintes portées par le projet en cause aux espèces protégées sont prises en considération, en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, afin de vérifier s'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et si la dérogation demandée ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

En ce qui concerne la condition relative à l'existence d'une raison impérative d'intérêt public majeur :

20. Le paquet " énergie-climat ", adopté par le Parlement européen, le 17 décembre 2008, s'est traduit pour la France par l'adoption de l'objectif contraignant de 23% d'énergie renouvelable dans la consommation d'énergie finale à l'horizon 2020. La Commission européenne a présenté un nouveau cadre stratégique en janvier 2014 et le " paquet énergie-climat 2030 ", approuvé le 23 octobre 2014 par le Conseil européen, a porté à 27 % la part des énergies renouvelables en 2030. Par ailleurs, l'arrêté du 15 décembre 2009 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité a fixé, pour les énergies éolienne et marines, en termes de puissance totale installée, à 25 000 MW au 31 décembre 2020, dont 19 000 à partir de l'énergie éolienne à terre et 6 000 MW à partir de l'énergie éolienne en mer et des autres énergies marines, les objectifs de développement de la production électrique à partir d'énergies renouvelables en France. A cette fin, les pouvoirs publics ont sélectionné à l'échelle nationale des zones propices au développement de la production de l'énergie éolienne en mer et décidé de lancer des appels d'offres. A la suite d'une procédure d'appel d'offres portant sur deux lots en vue de la sélection des opérateurs chargés de répondre aux objectifs de développement de la production électrique à partir de l'énergie éolienne en mer, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a, par une décision du 2 juin 2014, attribué le lot n° 2 relatif à l'implantation d'un parc éolien sur le domaine public maritime au large des îles d'Yeu et de Noirmoutier à la société Eoliennes en Mer de Vendée, devenue la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier. Ainsi qu'il a été dit au point 10, par un arrêté du 1er juillet 2014, le ministre a autorisé cette société, sur le fondement de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, à exploiter ce parc éolien. Enfin, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte fixe la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d'énergie à 23 % en 2020 et à 32 % en 2030. Il n'est pas contesté que le parc éolien en mer des îles d'Yeu et de Noirmoutier participe, également, à la réalisation du programme Vendée Energie mis en place en 2012 qui a pour objectif de doubler la production d'électricité de ce département à l'horizon 2020 et permettrait de couvrir 8 % de la consommation régionale. Ainsi, et alors que les associations requérantes se bornent à soutenir que la France est un pays " exportateur d'énergie électrique et n'a pas de besoin spécifique sur ce point " et que " l'énergie nucléaire ne produit pas de gaz à effet de serre ", la réalisation de ce parc éolien, d'une puissance de 496 MW, participe, ainsi que la société pétitionnaire en justifie avec précision dans sa demande de dérogation, à la mise en oeuvre des politiques publiques menées aux niveaux européen, national et local, en vue de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, de la lutte contre le réchauffement climatique et, plus globalement, de la préservation de l'environnement et répond, eu égard à sa nature et aux intérêts économiques et sociaux qu'il présente, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

En ce qui concerne la condition relative à l'absence d'autre solution satisfaisante :

21. Il ressort, notamment, du dossier de la demande d'autorisation, qui porte précisément, pages 106 et suivantes, sur la justification de cette condition, et n'est pas contesté que le projet de parc éolien, dont la maîtrise d'ouvrage a été attribuée par appel d'offres à la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier, a été précédé d'un processus de concertation mené au niveau local entre 2009 et 2011, sous l'égide des préfets de région et des préfets maritimes, lequel a permis de définir " des zones pour lesquelles tout projet éolien est a priori exclu, des zones à fort enjeu, où les contraintes sont importantes et des zones d'enjeu modéré qui s'apparentent, à un stade préliminaire d'examen, aux zones propices à l'implantation de parc éolien ", la zone au large des îles d'Yeu et de Noirmoutier ayant été identifiée par l'État comme étant une " zone d'enjeu modéré ". Une carte de synthèse relative à l'éolien planté au large des Pays de la Loire est présentée page 109 du dossier de demande. La société pétitionnaire a, également, étudié différentes variantes et conçu un projet de moindre impact environnemental. Elle a défini la zone d'implantation au sein de la zone délimitée dans l'appel d'offres, en évitant la zone située à l'Ouest du " Toran15483 ", réduisant ainsi l'emprise de son projet à 88,42 km2 au lieu de 112 km2, soit 78,9 % de la zone déterminée par l'État, afin de prévenir ou de limiter certains impacts, notamment environnementaux, engendrés par l'installation puis l'exploitation des éoliennes. A la suite du débat public, elle a modifié l'implantation, l'espacement et l'orientation des éoliennes afin de prendre en compte les impacts paysagers et les enjeux de sécurité du projet. La société a, en outre, opté pour l'installation d'éoliennes de 8 MW, de grande puissance, et une conception des fondations de type Jacket qui ont pour effet de réduire le nombre d'aérogénérateurs, le nombre d'obstacles en mer et le risque de collision associé ainsi que l'emprise et les impacts sur les fonds marins. Plusieurs mesures préventives de conception ont aussi été prises afin d'éviter les zones de décrochement rocheux (failles) présentant un intérêt halieutique. Si les associations requérantes évoquent d'autres alternatives qui, selon elles, n'auraient pas été prises en compte, notamment des alternatives à l'éolien en mer, à l'éolien " posé " alors que l'éolien flottant présenterait de moindres impacts ou des alternatives à la zone propice retenue, elles n'apportent pas de précisions suffisantes à l'appui de ces allégations.

22. Enfin, plusieurs mesures de réduction des impacts potentiels du projet sont prévues par le maître d'ouvrage, qui concernent notamment les oiseaux, les mammifères marins et les chiroptères, dont les associations requérantes n'établissent pas qu'elles seraient insuffisantes. L'arrêté d'autorisation attaqué est ainsi assorti de prescriptions destinées à la protection des colonies d'oiseaux marins nicheurs sur les îles et îlots de l'aire d'étude éloignée et à la restauration écologique de milieux favorables à la reproduction, à l'alimentation d'oiseaux côtiers et de chiroptères (mesures MC5 et MC6). Il comporte, également, un dispositif de suivi et de collecte d'informations ( mesures SE1 à SE5 ) et met en place, dans son article 12, un comité de gestion et de suivi scientifique, associant les services de l'État, divers établissements publics de l'État tels que l'Agence française de la biodiversité (AFB), le Centre d'études et d'expertise sur le risques l'environnement la mobilité et l'aménagement (CEREMA) et l'IFREMER, plusieurs associations de défense de l'environnement, le comité régional des pêches maritimes, le comité régional de conchyliculture et les collectivités territoriales, qui est chargé " d'expertiser les protocoles détaillés de mise en oeuvre du programme de suivi environnemental, la bonne mise en oeuvre de ce suivi, l'efficacité du programme de suivi et l'efficacité des mesures environnementales sur la base des données récoltées dans le cadre des mesures de suivi ". L'article 13 de cet arrêté prévoit, en outre, que, sans préjudice des missions de police de l'environnement confiées aux services de l'État, ce comité veille à la bonne mise en place et à l'application de l'ensemble des mesures d'évitement, de réduction, de compensation, d'accompagnement et de suivi relatives à l'environnement et à la biodiversité et peut proposer toute adaptation de ces mesures au vu de l'évaluation de leur efficacité ou en fonction de l'évolution des connaissances et des techniques. En se bornant à faire valoir que le préfet de la Vendée aurait dû prescrire les mesures de bridages des éoliennes ou " de gestion adaptative " préconisées par le Conseil national de la protection de la nature, les requérantes n'établissent pas que ces prescriptions, qui pourront être adaptées, ainsi qu'il vient d'être dit, en fonction des résultats des études de suivi prévues, seraient insuffisantes. Par suite, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que ne serait pas remplie la condition relative à l'absence d'autre solution satisfaisante.

En ce qui concerne la condition relative à l'absence de nuisance au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle :

23. Les associations requérantes se bornent à soutenir que la condition susmentionnée ne serait pas satisfaite aux motifs que le contenu du dossier de demande d'autorisation est insuffisant quant à la pipistrelle de Nathusius et que la demande aurait dû porter sur le puffin des Baléares, les mammifères marins tels que le marsouin commun, le dauphin commun et le grand dauphin, et la tortue luth. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit aux points 11 à 17 ci-dessus, cette branche du moyen ne peut qu'être écartée.

24. Il résulte des développements qui précèdent que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ne peut être accueilli.

25. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la requête et de saisir de nouveau pour avis le Conseil national de protection de la nature, que l'association " Non aux Eoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et l'association " Société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France " ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2018 du préfet de la Vendée accordant à la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier, à titre dérogatoire, une autorisation de destruction et de perturbation intentionnelle de spécimens d'espèces animales protégées, dans le cadre de l'aménagement et de l'exploitation d'un parc éolien en mer au large des îles d'Yeu et de Noirmoutier.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

26. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par les associations requérantes n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions de la requête à fin d'injonction doivent, dès lors, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à l'association " Non aux Eoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et à l'association " Société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France " de la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'association " Non aux Eoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et de l'association " Société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France " le versement à la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier de la somme que celle-ci demande au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association " Non aux Eoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et de l'association " Société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France " est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Non aux Eoliennes entre Noirmoutier et Yeu ", à l'association " Société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France ", à la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Vendée.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme A..., présidente-assesseur,

- Mme Picquet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 juillet 2020.

Le rapporteur,

C. A... Le président,

T. CELERIER

La greffière,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01512


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SELAS DE BODINAT ECHEZAR AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 03/07/2020
Date de l'import : 28/07/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19NT01512
Numéro NOR : CETATEXT000042092202 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-03;19nt01512 ?
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