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19/06/2020 | FRANCE | N°19NT00241

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 19 juin 2020, 19NT00241


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier Mémorial France-Etats-Unis à lui verser la somme de 26 434,97 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'une erreur de diagnostic commise par cet établissement.

La caisse de mutualité sociale agricole des Côtes normandes a pour sa part demandé la condamnation de l'établissement hospitalier à rembourser les frais exposés pour son assurée.

Par un jugement n°1701358 du 16 no

vembre 2018, le tribunal administratif de Caen a partiellement fait droit à ces demandes...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier Mémorial France-Etats-Unis à lui verser la somme de 26 434,97 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'une erreur de diagnostic commise par cet établissement.

La caisse de mutualité sociale agricole des Côtes normandes a pour sa part demandé la condamnation de l'établissement hospitalier à rembourser les frais exposés pour son assurée.

Par un jugement n°1701358 du 16 novembre 2018, le tribunal administratif de Caen a partiellement fait droit à ces demandes en condamnant le centre hospitalier à verser à

Mme C... la somme de 10 528,20 euros et à la caisse de mutualité sociale agricole des Côtes normandes la somme de 1 143,81 euros au titre de ses débours, le remboursement des frais futurs sur justificatifs et la somme de 381,27 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 janvier 2019 Mme C..., représentée par

Me E..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 16 novembre 2018 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il n'a pas fait droit à la totalité de ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner le centre hospitalier Mémorial France Etats-Unis à lui verser la somme totale de 26 434,97 euros ;

3°) de mettre à la charge de cet établissement la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le centre hospitalier a commis une faute engageant sa responsabilité en ne diagnostiquant pas dès le 6 mars 2013, jour de sa chute, la fracture du rachis dont elle était atteinte ;

- cette faute a entraîné le retard d'une prise en charge médicale adaptée qui a réduit le bénéfice de l'intervention de vertébroplastie qui a été réalisée tardivement ;

- elle a subi de ce fait plusieurs préjudices dont elle est fondée à obtenir une réparation intégrale ;

- le déficit fonctionnel temporaire qu'elle a subi doit être évalué à compter du

6 mars 2013 et non du 3 juin 2013 comme l'ont indiqué par erreur l'expert puis le tribunal ; l'indemnisation de ce préjudice doit être portée à 2 278,30 euros ;

- il en va de même s'agissant de l'estimation du préjudice relatif au besoin d'assistance par tierce personne, dont l'indemnisation doit être portée à 3 080 euros ;

- le tribunal administratif s'est mépris dans l'estimation du préjudice né des souffrances endurées, qui doit être portée à 5 000 euros ;

- le retard de diagnostic a eu pour conséquence une majoration de son déficit fonctionnel permanent, qui n'a pas été estimée correctement par l'expert, et qui doit être indemnisée à hauteur de 12 000 euros ;

- il en va de même de son préjudice d'agrément, qui doit être indemnisé à hauteur de 3 000 euros, ainsi que de son préjudice esthétique, qui doit être indemnisé à hauteur de 1 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 mars 2019 le centre hospitalier Mémorial France Etats-Unis, représenté par Me B..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné au remboursement des débours exposés par la caisse de mutualité sociale agricole des Côtes normandes ;

3°) à ce que soit mise à la charge de Mme C... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens invoqués par Mme C... ne sont pas fondés ;

- en ce qui concerne la caisse de mutualité sociale agricole, les documents produits au soutien de sa demande de remboursement des débours sont insuffisamment précis en ce qui concerne l'imputabilité des frais supportés du seul fait du retard de diagnostic dont

Mme C... a été victime ; aucune dépense de santé future n'est imputable à sa seule faute ; la demande de la caisse a été accueillie à tort et le jugement doit être réformé dans cette mesure.

Par un courrier du 11 février 2020 la MSA Côtes Normandes a été mise en demeure de produire ses observations dans le délai d'un mois.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., alors âgée de 58 ans, a été victime d'une chute le 6 mars 2013 sur son lieu de travail. Souffrant de violentes douleurs au dos, elle s'est faite conduire aux urgences du centre hospitalier de Saint Lô, où un examen radiologique a été pratiqué. Selon l'interne de garde, cet examen ne révélait aucune fracture. Mme C... a repris son travail mais, souffrant toujours du dos, a consulté son médecin généraliste qui a prescrit une nouvelle radiographie, réalisée le 5 juin 2013. Cet examen a mis en évidence une fracture vertébrale, confirmée par un scanner réalisé le 10 juin suivant. Mme C... a subi une intervention de vertébroplastie au CHU de Caen le 24 septembre 2013. Estimant avoir fait l'objet d'une prise en charge fautive par l'hôpital de Saint Lô, l'intéressée a formé une demande préalable d'indemnisation auprès de cet établissement, que celui-ci a rejetée. Elle a alors formé un recours indemnitaire devant le tribunal administratif de Caen. La caisse de mutualité sociale agricole (MSA) des Côtes normandes est intervenue à l'instance pour demander le remboursement de ses débours. Par un jugement du

16 novembre 2018, le tribunal a accordé à Mme C... une indemnisation d'un montant de 10 528,50 euros et a fait droit aux conclusions de la caisse. Mme C... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande. Par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier de Saint Lô demande l'annulation du jugement en tant qu'il a fait droit aux conclusions de la caisse de mutualité sociale agricole.

Sur les conclusions indemnitaires de Mme C... :

2. Il n'est pas contesté par les parties que l'erreur de diagnostic commise par le centre hospitalier de Saint Lô, qui n'a pas mis en évidence lors du passage de

Mme C... aux urgences le 6 mars 2013 la fracture de vertèbre dont était pourtant atteinte l'intéressée, a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de cet hôpital.

3. En premier lieu, si le rapport d'expertise judicaire du Dr Roussignol indique que les suites ordinaires de l'intervention chirurgicale que l'intéressée aurait dû subir immédiatement si sa fracture vertébrale avait été diagnostiquée dès le 6 mars 2013 auraient pris la forme d'un déficit fonctionnel temporaire de classe II pendant une période d'environ trois mois, au cours de laquelle Mme C... aurait dû bénéficier d'une assistance par tierce personne à raison de cinq heures par semaine, il résulte de l'instruction que, du fait du diagnostic erroné posé le 6 mars 2013, l'intéressée n'a finalement subi l'opération de vertébroplastie que requérait son état que près de six mois plus tard, le 24 septembre 2013. Par suite, le besoin d'assistance par tierce personne de Mme C... imputable à la faute de l'établissement hospitalier et non à l'accident dont avait été victime l'intéressé s'étend sur six mois, soit du 6 mars au 23 septembre 2013, seule la période de trois mois postérieure à cette dernière date étant imputable à la chute subie. Il y a lieu, par suite, en procédant à un calcul à partir du taux horaire chargé de

13 euros, sur la base d'une année de 412 jours afin de tenir compte des jours fériés et des congés payés, de porter à la somme arrondie de 2 950 euros l'indemnisation de ce chef de préjudice.

4. S'agissant de l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, en deuxième lieu, Mme C... est également fondée à soutenir, eu égard à ce qui précède, que la durée d'indemnisation retenue par les premiers juges était erronée, ce chef de préjudice devant être estimé à partir d'une même période de six mois. Il sera ainsi procédé à une plus exacte estimation de ce chef de préjudice, compte tenu des restrictions de capacité dont a souffert Mme C..., en portant son indemnisation à 1 800 euros.

5. En fixant à 2 000 euros l'indemnisation des souffrances endurées par la requérante, le tribunal administratif, en troisième lieu, a procédé à une juste estimation de ce chef de préjudice, dont le montant doit ainsi être confirmé.

6. En quatrième lieu, s'agissant du déficit fonctionnel permanent en lien avec l'erreur de diagnostic commise par le centre hospitalier de Saint Lô, Mme C... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert, qui a fixé à 5% la majoration de la restriction de capacité de l'intéressée imputable à la faute du centre hospitalier. En fixant à 5 000 euros le montant de l'indemnisation de ce chef de préjudice, le tribunal administratif en a fait une exacte estimation, qui devra être confirmée.

7. En cinquième lieu, il n'y a pas lieu d'accroître le montant de l'indemnisation accordée par les premiers juges à Mme C... au titre de son préjudice d'agrément.

8. Enfin, compte tenu de l'altération tout à fait minime portée à son apparence physique, le montant d'indemnisation accordé à Mme C... au titre de son préjudice esthétique, soit 500 euros, devra également être confirmé.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est seulement fondée dans la mesure rappelée aux points 3 et 4 à demander la réformation du jugement attaqué.

Sur l'appel incident du centre hospitalier de Saint Lô :

10. Le centre hospitalier de Saint Lô relève appel incident du jugement du tribunal administratif en ce que celui-ci, en son article 2, l'a condamné à rembourser à la caisse de mutualité sociale agricole (MSA) des Côtes normandes une somme de 1 143,81 euros au titre de ses débours et à lui rembourser pour l'avenir, dans la limite de 1 687,15 euros par an, et sur présentation de justificatifs, les frais de santé futurs engagés pour Mme C.... Le centre hospitalier soutient que les justificatifs fournis par la caisse ne permettaient pas d'établir un lien d'imputabilité entre les frais dont elle demandait le remboursement et les seules conséquences de l'erreur de diagnostic dont avait été victime Mme C... lors de sa prise a en charge aux Urgences, le 6 mars 2013.

11. Il résulte de l'instruction que la caisse a produit devant le tribunal administratif une attestation d'imputabilité signée par un de ses médecins conseils et un état des débours, datés du 5 septembre 2017, qui indiquent, pour un montant total de 1 687,15 euros, les dépenses engagées par elle au profit de Mme C... et précisent que ces frais se rapportent seulement à la faute médicale commise par le centre hospitalier de Saint Lô. Il incombe donc à ce dernier d'assurer la réparation de ces frais, sauf à établir qu'ils ne seraient pas en lien avec l'erreur de diagnostic qui lui est reprochée. Si le centre hospitalier soutient par ailleurs que le tribunal administratif ne pouvait pas le condamner à rembourser les débours futurs exposés au profit de Mme C... sans que soit établi leur lien avec la faute commise, un tel remboursement, dès lors qu'il sera conditionné par les justificatifs devant être, le cas échéant, produits par la caisse, n'est pas infondé et ne peut ainsi qu'être confirmé.

12. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Saint Lô n'est pas fondé à demander, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a fait droit aux conclusions de la caisse de mutualité sociale agricole.

Sur les frais de l'instance :

13. Il y a lieu de mettre définitivement à la charge du centre hospitalier Mémorial France- Etats-Unis de Saint Lô les frais d'expertise taxés et liquidés par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Caen du 11 janvier 2017 à la somme de 1 500 euros.

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier Mémorial France- Etats-Unis de Saint Lô une somme de 1 000 euros à verser à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La somme que le centre hospitalier Mémorial France- Etats-Unis de Saint Lô a été condamné par le tribunal administratif de Caen à verser à Mme C... est portée à 12 750 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1701358 du tribunal administratif de Caen du 16 novembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par le centre hospitalier Mémorial France-Etats-Unis de Saint Lô devant la cour sont rejetées.

Article 4 : Le centre hospitalier de Saint Lô versera 1 000 euros à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., au centre hospitalier Mémorial France Etats-Unis de Saint-Lô et à la Mutualité sociale agricole des Côtes normandes.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président,

- M. A..., premier conseiller,

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 juin 2020.

Le rapporteur

A. A...

Le président

I. Perrot Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00241
Date de la décision : 19/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LABRUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-19;19nt00241 ?
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