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05/03/2020 | FRANCE | N°19NT02025

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 05 mars 2020, 19NT02025


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 22 août 2018 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1802658 du 1er février 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mai 2019, Mme D..., représ

entée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 22 août 2018 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1802658 du 1er février 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mai 2019, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif de Caen a commis une erreur de droit en lui attribuant la charge de la preuve de l'existence d'un traitement approprié à sa pathologie au Gabon alors que cette charge incombait au préfet du Calvados ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'un détournement de pouvoir et de procédure dès lors qu'elle a été maintenue sous récépissé pendant deux années alors qu'elle bénéficiait d'un avis favorable du médecin de l'agence régionale de santé du 23 septembre 2016 ; elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est abstenu de faire usage de son pouvoir d'appréciation en s'estimant lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ; elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne peut bénéficier du traitement requis par sa pathologie au Gabon ; elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'absence de traitement dans le pays de destination constitue un traitement inhumain et dégradant ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de l'ancienneté de son séjour en France et de ses liens familiaux sur le territoire français ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de la décision de refus de séjour.

Par un mémoire, enregistré le 20 juin 2019, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'il s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante gabonaise née le 30 janvier 1985, a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 22 août 2018 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour pour raisons de santé, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Elle relève appel du jugement du 1er février 2019 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue du 3° de l'article 13 de la loi du 7 mars 2016, prévoit que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Le VI de l'article 67 de la loi du 7 mars 2016 dispose que " le 3° de l'article 13 (...) s'applique aux demandes présentées après son entrée en vigueur ", soit après le 1er janvier 2017.

3. D'une part, il est constant que Mme D... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons médicales le 9 août 2016 et que le médecin de l'agence régionale de santé a rendu un avis le 23 septembre 2016, selon lequel l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié dans son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de cet avis, le préfet du Calvados n'a pas adopté une décision expresse de rejet de la demande de la requérante et l'a maintenue sous récépissé, tandis qu'une décision implicite de rejet de cette demande naissait au terme d'un délai de quatre mois. Le préfet fait valoir, sans être contredit, que Mme D... a produit de nouvelles ordonnances ou attestations médicales durant l'instruction de son dossier, ce qui pouvait effectivement induire des investigations complémentaires ou une actualisation de l'examen de sa situation. Il ressort également des pièces versées au dossier que la requérante a déposé une seconde demande de titre de séjour pour raisons médicales le 15 novembre 2017. Dans ces conditions, le dépôt de cette nouvelle demande de titre, postérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions citées ci-dessus issues de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, imposait au préfet de soumettre l'examen de l'état de santé de Mme D... au collège de médecins de l'OFII. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée portant refus de titre de séjour aurait été rendue au terme d'une procédure irrégulière ou est entachée d'un détournement de pouvoir doit être écarté.

4. D'autre part, il ne ressort pas de la décision contestée que le préfet du Calvados ne se serait pas livré un examen particulier des circonstances de l'espèce et se serait cru lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII.

5. Enfin, s'appropriant les termes de l'avis du collège de médecins de l'OFII du 8 juillet 2018, le préfet du Calvados a rejeté la demande de titre de séjour au motif que, si l'état de santé de Mme D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... souffre d'hypertension artérielle et d'un état de stress post-traumatique qui nécessitent une surveillance médicale régulière ainsi qu'un traitement médicamenteux. Alors que le préfet du Calvados fait valoir que le traitement principal suivi par la requérante peut être substitué par le levomepromazine, qui est disponible au Gabon, les certificats médicaux produits par Mme D..., peu circonstanciés et émanant de médecins généralistes, sont insuffisants pour remettre en cause l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII sur la disponibilité du traitement au Gabon. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet a, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En deuxième lieu, Mme D... est entrée en France le 27 juillet 2015 sous couvert d'un visa d'entrée de court séjour délivré par les autorités italiennes. Célibataire et sans enfant, elle ne justifie pas de la réalité et de l'intensité des liens qu'elle entretiendrait avec les membres de sa famille présents sur le territoire français. Elle ne se prévaut, par ailleurs, d'aucune intégration professionnelle ou sociale particulière. Dans ces conditions, le préfet n'a pas, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et fait obligation de quitter le territoire français, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts dans lesquels cet arrêté a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

9. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt que la requérante peut bénéficier d'un traitement adapté à sa pathologie au Gabon. Par suite et en tout état de cause, elle n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En dernier lieu, la décision de refus de séjour n'étant pas annulée, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi doivent être annulées par voie de conséquence.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Geffray, président,

- M. Brasnu, premier conseiller,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 mars 2020.

Le rapporteur,

F. C...Le président,

J. -E. Geffray

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°19NT02025

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02025
Date de la décision : 05/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SCP OMNIA LEGIS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-03-05;19nt02025 ?
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