La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/02/2020 | FRANCE | N°19NT03080

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 21 février 2020, 19NT03080


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 28 août 2018 par lequel le préfet d'Ille et Vilaine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1805690 du 1er mars 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2019 Mme C... D..., représentée par Me G...

, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er mars 2019 du tribunal administratif de Re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 28 août 2018 par lequel le préfet d'Ille et Vilaine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1805690 du 1er mars 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2019 Mme C... D..., représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er mars 2019 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler la décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du 28 août 2018 du préfet d'Ille et Vilaine ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Elle soutient que :

- la décision litigieuse a été prise en méconnaissance des dispositions de l'arrêté ministériel du 27 décembre 2016, l'autorité préfectorale ne produisant aucun élément permettant d'établir que le médecin de l'OFII ayant rédigé le rapport au vu duquel le collège devait rendre l'avis la concernant n'était pas membre de ce collège, alors que ce point a été expressément soulevé dans le cadre du débat contentieux de première instance ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que les éléments qu'elle a produits constituent un commencement de preuve de ce qu'elle ne pourrait pas continuer à bénéficier de son traitement en cas de retour dans son pays d'origine et que celui-ci se caractérise par des équipements de santé insuffisants et défaillants, en particulier en ce qui concerne la prise en charge des pathologies psychiatriques.

La requête de Mme C... D... a été transmise au préfet d'Ille et Vilaine, lequel n'y a pas répondu.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D..., ressortissante de la République démocratique du Congo (RDC), est entrée irrégulièrement en France en novembre 2013. Sa demande d'asile a été rejetée par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 mai 2015, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 25 janvier 2016. Elle a formé le 20 juillet 2016 une demande de titre de séjour sur le fondement de son état de santé qui a fait l'objet d'un rejet implicite. Elle a renouvelé sa demande le 29 novembre 2017. Le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de faire droit à cette demande le 28 août 2018, en assortissant sa décision d'une obligation de quitter le territoire français. Par un second arrêté du 19 novembre 2018, ce même préfet a assigné Mme C... D... à résidence. Cette dernière a contesté la légalité de ces deux arrêtés. Par un jugement du 26 novembre 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de la requérante et la décision fixant le pays de destination. Par un jugement du 1er mars 2019, dont Mme C... D... relève appel, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...)". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...)". Selon l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...). Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...). ".

3. Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant:/ a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. (...) L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la régularité de la procédure implique, pour respecter les prescriptions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que, préalablement à l'avis rendu par le collège de médecins, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin de l'OFII, doit être transmis à ce collège et que le médecin auteur du rapport médical ne siège pas au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. Il appartient à ce dernier de s'assurer que cet avis a été rendu conformément à ces règles procédurales.

5. En cas de contestation sur ce point devant le juge administratif, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport au vu duquel le collège de médecins a émis son avis et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins.

6. En l'espèce, Mme C... D... a soutenu en première instance et soutient en appel qu'il n'était pas établi que le médecin ayant rédigé le rapport au vu duquel l'avis du collège des médecins de l'OFII a été rendu n'appartenait pas à ce collège. Alors qu'il détient seul les éléments probants de nature à établir l'identité du médecin ayant rédigé le rapport initial, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a produit, malgré une demande expresse de la cour en ce sens, aucun document permettant d'identifier ce médecin et de vérifier qu'il n'a pas siégé dans le collège de médecins qui a émis un avis sur la situation médicale de Mme C... D.... Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions rappelées aux points 2 et 3 doit être accueilli, et la décision de refus de séjour prise à l'encontre de Mme C... D... annulée.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

8. L'annulation du jugement du tribunal administratif, eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt, n'implique pas la délivrance à Mme C... D... d'un titre de séjour temporaire, mais uniquement qu'il soit enjoint au préfet de réexaminer, dans un délai de deux mois, la demande de l'intéressée.

Sur les frais liés au litige :

9. Mme C... D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Son avocat peut, par suite, se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sous réserve que Me G... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, le versement d'une somme de 1 000 euros à cette dernière au titre des dispositions précitées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1805690 du tribunal administratif de Rennes du 1er mars 2019 et la décision du 28 août 2018 du préfet d'Ille-et-Vilaine refusant de délivrer à Mme C... D... un titre de séjour sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder à un nouvel examen de la demande de Mme C... D....

Article 3 : L'Etat versera à Me G..., avocat de Mme C... D..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me G... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 6 février 2020, où siégeaient :

- Mme E..., présidente,

- M. A..., premier conseiller,

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 février 2020.

Le rapporteur

A. A...Le président

I. E...Le greffier

M. F...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19NT03080 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03080
Date de la décision : 21/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LE BOURHIS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-02-21;19nt03080 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award