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13/02/2020 | FRANCE | N°18NT00310

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 13 février 2020, 18NT00310


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Baudreville Energie a demandé au tribunal administratif de Caen la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre de l'années 2015.

Par un jugement n° 1601850 du 18 octobre 2017, le tribunal administratif de Caen a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la SARL Baudreville Energie à concurrence du dégrèvement des cotisations foncières des entreprises prononc

é au titre de l'année 2015 par le directeur départemental des finances publiques du Cal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Baudreville Energie a demandé au tribunal administratif de Caen la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre de l'années 2015.

Par un jugement n° 1601850 du 18 octobre 2017, le tribunal administratif de Caen a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la SARL Baudreville Energie à concurrence du dégrèvement des cotisations foncières des entreprises prononcé au titre de l'année 2015 par le directeur départemental des finances publiques du Calvados (article 1er), réduit les bases d'imposition aux cotisation foncière des entreprises au titre de cette année (article 2), déchargé des cotisations foncières des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015 correspondant à la réduction de la base d'imposition (article 3), mis à la charge de l'Etat une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4) et rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 5).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée les 24 janvier 2018 et 23 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 de ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de la SARL Baudreville Energie la somme de 12 705 euros.

Il soutient que :

- les terrains d'assises des éoliennes, employés à un usage industriel, sont imposables à la taxe foncière sur les propriétés bâties en application des dispositions du 5° de l'article 1381 du code général des impôts ;

- les travaux effectués par la société Mastelloto, qui constituent des travaux d'aménagement, de terrassement, de déboisement, de nivellement et de déblaiement sur ces terrains d'assises non cultivés, sont à intégrer dans le prix de revient des terrains d'assise des éoliennes ; en contrepartie, les terrains d'assise ne sont pas soumis à la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2019, la SARL Baudreville Energie, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- par un jugement devenu définitif du 25 janvier 2017, le tribunal administratif de Caen a considéré que les travaux effectués par la société Mastelloto devaient être exclus de la valeur locative imposable à la taxe sur les propriétés bâties dès lors que les terrains d'assise des éoliennes ne constituent pas des ouvrages en maçonnerie ; ces travaux ne peuvent ainsi être pris en compte dans la valeur locative du terrain d'assiette en matière de cotisation foncière des entreprises sans méconnaître les dispositions de l'article 1467 du code général des impôts, l'autorité de la chose jugée et le principe fondamental de sécurité juridique ;

- les travaux réalisés par la société Mastelloto concernent soit des travaux sans lien avec son activité professionnelle, soit des travaux sur lesquels la société n'a aucun contrôle et qu'elle n'utilise pas ; certains travaux, comme le terrassement des chemins d'accès et le traitement des virages, ne sont pas réalisés sur les terrains d'assiette ; elle se prévaut du paragraphe 30 du BOI-IF-CFE-20-20-10-10 du 12 septembre 2012.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Baudreville Energie a conclu un bail emphytéotique de trente ans avec la commune de Baudreville pour la location d'un terrain d'une contenance totale de 78 ares et 18 centiares, sur lequel elle exploite cinq éoliennes. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a imposé la SARL Baudreville Energie à des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2015 au motif que le prix de revient des immobilisations servant de base à ces cotisations ne prenait pas en compte, notamment, les travaux réalisés par la société Mastelloto pour un montant total de 336 169 euros. Après le rejet, par décision du 2 août 2016 de sa réclamation préalable, la SARL Baudreville Energie a sollicité du tribunal administratif de Caen la réduction de cette imposition. Par un jugement du 18 octobre 2017, le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la SARL Baudreville Energie à concurrence du dégrèvement des cotisations foncières des entreprises prononcé au titre de l'année 2015 par le directeur départemental des finances publiques du Calvados (article 1er), réduit les bases d'imposition aux cotisation foncière des entreprises au titre de cette année (article 2), déchargé des cotisations foncières des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015 correspondant à la réduction de la base d'imposition (article 3), mis à la charge de l'Etat une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4) et rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 5). Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel des articles 2 à 4 du jugement.

2. Aux termes de l'article 1478 du code général des impôts : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due pour l'année entière par le redevable qui exerce l'activité le 1er janvier. / II. - (...) / Pour les deux années suivant celle de la création, la base d'imposition est calculée d'après les biens passibles de taxe foncière dont le redevable a disposé au 31 décembre de la première année d'activité. / (...) / III. - Pour les établissements produisant de l'énergie électrique la cotisation foncière des entreprises est due à compter du raccordement au réseau. Ces établissements sont imposés, au titre de l'année du raccordement au réseau, d'après la valeur locative de cette année, corrigée en fonction de la période d'activité. Pour les deux années suivant celle du raccordement, leurs bases d'imposition sont calculées dans les conditions définies au deuxième alinéa du II. / (...) ". Aux termes de l'article 1467 du même code : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. / (...) ". Aux termes de l'article 1381 du même code " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / 1° (...) les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions (...) / (...) / 5° Les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel (...) / (...) ".

3. Pour prononcer la décharge partielle des cotisations foncières des entreprises au titre de l'année 2015, le tribunal administratif a retenu qu'une somme de 336 169,20 euros, facturée à la SARL Baudreville Energie par la société Mastellotto, ne devait pas être incluse dans le prix de revient des immobilisations passibles de taxe foncière sur les propriétés bâties. Il a en effet estimé que cette facturation portait sur des travaux réalisés sur les terrains d'assise des éoliennes dont il s'agit, lesquels n'étaient, contrairement à ce que soutenait devant lui l'administration, pas soumis à la taxe foncière en application des dispositions du 1° de l'article 1381 du code général des impôts, faute de constituer des ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de constructions.

4. Le ministre ne critique pas en appel le bien-fondé des motifs du jugement du tribunal administratif de Nantes mais estime que les travaux effectués par la société Mastelloto sont à intégrer dans le prix de revient des terrains d'assises des éoliennes qui sont employés à un usage industriel et sont ainsi imposables à la taxe foncière sur les propriétés bâties en application des dispositions du 5° de l'article 1381 du code général des impôts. L'administration doit être regardée comme demandant à la cour de substituer, pour fonder l'imposition, le 5° au 1° de l'article 1381 du code. Toutefois, il résulte de l'instruction et n'est au demeurant pas sérieusement contesté que, sur ces terrains, demeurés non cultivés, est réalisée une activité de production d'électricité nécessitant d'importants moyens techniques, pour laquelle le rôle des installations techniques, à savoir les éoliennes terrestres et leurs supports, est prépondérant. C'est donc à tort que le tribunal administratif a retenu que ces terrains, sur lesquels est exercée une activité industrielle, n'étaient pas soumis à la taxe.

5. Il appartient dès lors à la cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens soulevés par la SARL Baudreville Energie devant le tribunal administratif et la cour.

6. En premier lieu, alors que l'administration avait estimé que l'intégralité des sommes facturées par la société Mastellotto, soit une somme globale de 336 169 euros selon elle, correspondait à des travaux à soumettre à la taxe foncière sur les propriétés bâties, la SARL Baudreville Energie fait valoir qu'une partie de cette somme ne concernait pas des travaux réalisés sur les terrains d'assise pris à bail et ne pouvait donc être incluse dans son prix de revient, ni ne se rapportait à d'autres immobilisations utilisées pour les besoins de son activité au sens de l'article 1467 du code général des impôts. Parmi ces dépenses, elle mentionne l'aménagement de la " base de vie " nécessaire à l'exécution des travaux, la signalisation du chantier, le nettoyage de fin de chantier, la " mobilisation " et la " démobilisation " du matériel de chantier, le terrassement des " chemins d'accès ", " l'enduit tri-couche " appliqué sur ces chemins et le " traitement des virages ".

7. Il résulte de l'instruction, et notamment des mentions explicites portées sur les bordereaux de situation établis par la société Mastellotto, dont la portée n'est pas contestée par le ministre, que les lignes de facturation portant les mentions " organisation du chantier et documents d'exécution ", " mobilisation et démobilisation du matériel " et " chemins d'accès - solution traitement de sol ", telles qu'elles figurent à la deuxième page du bordereau de situation n° 5, ainsi que le prix facturé, d'une part, au titre de l'" élargissement supplémentaire de la RD366 " en application de l'avenant n° 1 au marché conclu avec la société Mastellotto et, d'autre part, au titre du " transfert des engins " en application de l'avenant n° 2 au même marché, ne se rapportent pas à des travaux réalisés sur des immobilisations utilisées pour les besoins de l'activité de la SARL Baudreville Energie. Selon les cas, ces dépenses, exposées par la société, correspondent soit à des dépenses de fonctionnement nécessaires à l'exécution du chantier, soit à des dépenses d'investissement réalisées sur des terrains ou constructions dont la SARL Baudreville Energie ne dispose pas et qu'elle n'utilise en tout état de cause pas dans le cadre de son exploitation.

8. S'agissant des autres dépenses évoquées par la SARL Baudreville Energie, et notamment de celles portant sur le " traitement des virages ", il ne résulte pas des mentions, sur ce point imprécises, des bordereaux de situation établis par la société Mastellotto qu'elles ne porteraient pas sur les terrains d'assise des éoliennes ou sur des éléments bâtis, utiles au fonctionnement des éoliennes.

9. En deuxième lieu, par un jugement n°1500681 du 25 janvier 2017, le tribunal administratif de Caen a estimé que les travaux réalisés par la société Mastelloto ne devaient pas être pris en compte pour la détermination de l'assiette de la taxe sur les propriétés bâties au titre des années 2013 et 2014 dès lors que le terrain d'assise des éoliennes ne constituait pas un ouvrage en maçonnerie. Devant la cour, la SARL Baudreville Energie soutient que l'autorité de la chose jugée attachée à ce jugement, devenu définitif, s'oppose à la prise en compte de ces travaux dans les bases de cette taxe. Mais ce jugement n'a pas le même objet que le présent litige, dès lors que, en tout état de cause, les impositions en cause dans ces deux litiges ne reposent pas sur la valeur des mêmes biens appréciée la même année. La SARL Baudreville Energie n'est donc pas fondée à invoquer l'autorité de la chose jugée attachée à ce jugement.

10. En troisième lieu, la SARL Baudreville Energie n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le paragraphe 30 du BOI-IF-CFE-20-20-10-10 du 12 septembre 2012 en ce qu'il précise que " Les seuls biens susceptibles d'être pris en compte dans la base d'imposition à la CFE sont les biens dont dispose le redevable pour les besoins de son activité professionnelle, c'est-à-dire les biens placés sous le contrôle de l'intéressé (critère du contrôle du bien) et utilisés par lui matériellement (critère de l'utilisation matérielle) pour la réalisation des opérations qu'il effectue (critère de la finalité de l'utilisation), qu'il en fasse effectivement ou non usage (CE 19 avril 2000, n° 172003, min c./SA Fabricauto-Essarauto, CE 18 février 2002, n° 220796, Sté BIC). ", qui ne comporte pas une interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il est fait application par le présent arrêt. Elle n'est pas non plus fondée à se prévaloir d'une décision de rescrit du 21 février 2012 n° 2012/09 relative aux terrains d'assise des pistes de ski, dans les prévisions de laquelle elle ne rentre pas.

11. Enfin, la SARL Baudreville Energie souligne, dans ses écritures de première instance, qu'à l'issue d'une vérification de la comptabilité de la société CEPE Cotentin, sa société soeur, qui exploite également cinq éoliennes implantées dans le département de la Manche, l'administration a estimé, dans un courrier du 12 juillet 2011, que la valeur locative imposable d'une éolienne était limitée au seul prix de revient du socle lui servant de fondation. Elle se prévaut de ce courrier sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. Toutefois, celui-ci ne constitue pas une prise de position formelle sur la situation de fait dans laquelle la société requérante est placée.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a exclu de la base d'imposition des cotisations supplémentaires de cotisations foncières des entreprises de la SARL Baudreville Energie, au titre de l'année 2015, les travaux réalisés par la société Mastelloto sur les terrains d'assise des éoliennes autres que ceux mentionnés au point 7.

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à la SARL Baudreville Energie sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les bases d'imposition à la cotisation foncière des entreprises de l'année 2015 de la SARL Baudreville Energie sont fixées en tenant compte des travaux réalisés par la société Mastelloto sur les terrains d'assise des éoliennes, à l'exception de ceux mentionnés au point 7 du présent arrêt.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles la SARL Baudreville Energie a été assujettie au titre de l'année 2015 sont remises à sa charge en tenant compte des bases d'imposition définies à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 18 octobre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la SARL Baudreville Energie une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions du ministre de l'action et des comptes publics en appel et le surplus des conclusions de la SARL Baudreville Energie devant le tribunal administratif de Caen sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Baudreville Energie et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. B..., président,

- M. Brasnu, premier conseiller,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique le 13 février 2020.

Le président-rapporteur,

J.-E. B...

L'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau

H. BrasnuLe greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00310


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00310
Date de la décision : 13/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : LPA CGR

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-02-13;18nt00310 ?
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