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12/12/2019 | FRANCE | N°18NT03242

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 12 décembre 2019, 18NT03242


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des compléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 2010 à 2013.

Par un jugement n° 1601753 du 16 mai 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 août 2018, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cet

te décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'articl...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des compléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 2010 à 2013.

Par un jugement n° 1601753 du 16 mai 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 août 2018, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est fondé à se prévaloir, pour les années 2010 et 2011, de la documentation administrative 5G-116 n°118 du 15 septembre 2000, documentation qui était en vigueur jusqu'à la publication le 12 septembre 2012 du Bulletin officiel des finances publiques-Impôts BOI-BNC­CHAMP-10-30-40-20120912 ;

- le jeu de poker est un jeu de hasard qui ne constitue pas une occupation lucrative ;

- il ne remplit pas l'une des trois conditions cumulatives à l'imposition des sommes gagnées au poker définies par le Conseil d'État (CE, 21 juin 2018, n° 412124), puisqu'il n'a pas développé un savoir-faire lui permettant de maîtriser l'aléa ; il n'a pas de sponsor et n'a pas intégré d'équipe professionnelle ; il a essentiellement participé à des tournois en ligne ; ses participations à des tournois en ligne sur internet ou sur table dans les casinos sont peu nombreuses ; il est classé 579ème joueur français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en 2015. A l'issue de ce contrôle, l'administration a imposé, au titre des années 2010 à 2013, ses gains provenant de son activité de joueur de poker. L'administration a en effet estimé que les revenus tirés de cette activité au titre de ces années devaient être regardés comme des bénéfices non commerciaux taxables sur le fondement des dispositions de l'article 92 du code général des impôts. Elle a également appliqué à M. D... la pénalité de 80 % pour activité occulte prévue par le c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts. Le montant total de ces impositions, en droits et pénalités, s'élève à 190 104 euros. M. D... relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 16 mai 2018 rejetant sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes du 1 de l'article 92 du code général des impôts : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ".

3. Si la pratique, même habituelle, de jeux de hasard ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits, au sens des dispositions précitées de l'article 92 du code général des impôts, en raison de l'aléa qui pèse sur les perspectives de gains du joueur, il en va différemment de la pratique habituelle d'un jeu d'argent opposant un joueur à des adversaires lorsqu'elle permet à ce dernier de maîtriser de façon significative l'aléa inhérent à ce jeu, par les qualités et le savoir-faire qu'il développe, et lui procure des revenus significatifs. Les gains qui en résultent sont alors imposables, en application de l'article 92 du code général des impôts, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

4. En l'espèce, M. D..., a réalisé au titre de son activité de joueur de poker, sur chacune des quatre années en litige, des bénéfices annuels allant de 43 921,22 euros à 93 091,06 euros. Ces bénéfices, qui résultent d'une pratique habituelle du poker, présentent un caractère significatif, ainsi que le reconnaît M. D.... En outre, le montant et le caractère régulier de ces gains laissent présumer une maîtrise significative de l'aléa inhérent au poker. M. D... conteste toutefois le fait que ces gains proviennent de son savoir-faire en matière de poker en faisant valoir que les chiffres de l'Autorité de régulation des jeux en ligne sur lesquelles s'est appuyée l'administration ne concernent pas le nombre de parties, mais le nombre de mains. Il fait également valoir qu'il n'a pas de sponsor, qu'il ne fait partie d'aucune équipe professionnelle et qu'il est seulement 579ème joueur français et 12 959ème joueur mondial. Cependant, outre le fait que M. D... n'indique pas à combien de parties il a participé au cours de cette période, il est constant que l'intéressé était inscrit à 10 plateformes de poker en ligne et a participé à plusieurs tournois dans les casinos de Plouescat, de Forges-les-Eaux, de Cannes et de Deauville. Il a également participé à un tournoi à Madrid. Il ressort en outre du relevé de ses performances, disponible sur le site Clubpoker.net, qu'il a, entre 2011 et 2014, participé à près de 500 tournois en ligne. Il est d'ailleurs arrivé, dans au moins vingt de ces tournois, dans les premières places. L'ensemble de ces éléments témoignent à la fois d'une pratique assidue de ce jeu ainsi que d'une aptitude à réaliser des performances régulières, sans qu'y puisse faire obstacle la circonstance que M. D... ne fasse pas partie des meilleurs joueurs français, la qualification d'occupation lucrative étant seulement conditionnée à une maîtrise significative de l'aléa inhérent au jeu.

5. Il résulte de ce qui précède que M. D... doit être regardé comme ayant exercé, au cours de ces quatre années, une activité lucrative de joueur de poker lui procurant des profits réguliers imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en application de l'article 92 du code général des impôts.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

6. M. D... se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe 118 de la documentation administrative de base référencée 5 G-116 du 15 septembre 2000 selon lesquelles : " La pratique, même habituelle, de jeux de hasard tels que loteries, tombolas ou jeux divers, ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits devant donner lieu à imposition au nom des personnes participant à ces jeux ". Cette instruction, qui ne concerne pas la pratique de jeux d'argent et ne mentionne pas qu'elle concernerait, dans tous les cas, le jeu de poker, ne contient aucune interprétation formelle du texte fiscal dont M. D... peut se prévaloir.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 décembre 2019.

Le rapporteur,

H. B...Le président,

F. Bataille

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT03242


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03242
Date de la décision : 12/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SELARL LES JURISTES D'ARMORIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-12-12;18nt03242 ?
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