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28/11/2019 | FRANCE | N°18NT01941

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 28 novembre 2019, 18NT01941


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 mai 2018 et le 21 octobre 2019, la SAS Distribution Casino France, représentée par la SELARL Concorde avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 30 novembre 2017 par lequel le maire de Barjouville a délivré à la SCCV Barjouville A un permis de construire en vue de la construction d'un ensemble commercial sur la zone d'activité de la Torche, rue des Pierres Missigault ainsi que la décision de cette autorité administrat

ive rejetant son recours gracieux du 22 mars 2018 formé contre cet arrêté ;...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 mai 2018 et le 21 octobre 2019, la SAS Distribution Casino France, représentée par la SELARL Concorde avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 30 novembre 2017 par lequel le maire de Barjouville a délivré à la SCCV Barjouville A un permis de construire en vue de la construction d'un ensemble commercial sur la zone d'activité de la Torche, rue des Pierres Missigault ainsi que la décision de cette autorité administrative rejetant son recours gracieux du 22 mars 2018 formé contre cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Barjouville et de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

­ sa requête est recevable ; notamment, elle n'est pas tardive et elle justifie d'un intérêt pour agir dès lors qu'elle exploite un centre commercial sur le territoire de la commune de Lucé, situé dans la zone de chalandise du projet ;

­ l'avis de la commission nationale d'aménagement commercial est irrégulier pour être entaché d'un détournement de procédure dès lors que le projet autorisé, qui devait être apprécié dans sa globalité, est appelé à s'intégrer dans un projet plus vaste composés de plusieurs bâtiments ayant fait l'objet d'une décision de refus de la commission en date du 23 septembre 2015 ;

­ l'avis de la commission nationale est insuffisamment motivé ;

­ le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale est incomplet dès lors que l'identité du preneur d'une des trois cellules commerciales n'est pas précisée et que les informations apportées pour apprécier l'impact du projet sur les flux de circulation sont insuffisants ; il est également insuffisant s'agissant de la présentation de la desserte du site par les transports en mode doux ; il est imprécis sur la nature des mesures retenues pour l'insertion du projet par rapport aux constructions avoisinantes et au paysage, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ;

­ le projet n'est pas justifié en termes d'aménagement du territoire dès lors qu'il aura un impact négatif sur l'animation urbaine en portant préjudice à la vitalité des centres-villes des communes situées dans la zone de chalandise ; il aura un impact négatif sur les flux de circulation, eu égard à la saturation de deux axes routiers structurants alors qu'il devrait être suivi d'autres demandes ; la desserte du site par les transports en commun et en mode de transports doux s'avère insuffisante ; le projet contesté est consommateur d'espaces non imperméabilisés ;

­ le projet aura des effets négatifs en matière de développement durable compte tenu d'une insuffisante qualité environnementale du projet tenant à son insertion dans le paysage et à la création d'une friche commerciale ;

­ le projet ne participe pas à la protection des consommateurs en n'améliorant pas la proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie, en ne contribuant pas à la revitalisation du tissu commercial et en ne proposant pas une offre plus variée que celle existante.

Par un mémoire, enregistré le 12 mars 2019, la SCCV Barjouville A, représentée par la SCP E... et associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS Distribution Casino France la somme de 6 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

­ la requête est irrecevable pour être tardive ;

­ aucun des moyens de la requête de la SAS Distribution Casino France n'est fondé.

Par un mémoire, enregistré le 25 mars 2019, la commune de Barjouville, représentée par son maire en exercice, par la SCP Sartorio Lonqueue Sagalovitsch et associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS Distribution Casino France une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

­ la requête est irrecevable pour être tardive ;

­ aucun des moyens de la requête de la SAS Distribution Casino France n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ le code de commerce ;

­ le code de l'urbanisme ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

­ le rapport de M. A...'hirondel,

­ les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

­ les observations de Me B..., substituant Me C..., représentant la SAS Distribution Casino France, de Me H..., substituant Me D..., représentant la commune de Barjouville et de Me F..., substituant Me E..., représentant la SCCV Barjouville A.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Distribution Casino France demande à la cour d'annuler, en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, le permis de construire du 30 novembre 2017 que le maire de Barjouville a délivré à la SCCV Barjouville A en vue de la construction d'un ensemble commercial situé rue des Pierres Missigault dans la zone commerciale de la Torche ainsi que la décision de cette même autorité administrative du 22 mars 2018 rejetant son recours gracieux formé contre cet arrêté.

Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :

2. Les projets de création ou d'extension de surfaces de vente de magasins de commerce de détail mentionnés à l'article L.752-1 du code de commerce sont, en vertu de ce même article, soumis à une autorisation d'exploitation commerciale. Lorsqu'un permis de construire est nécessaire, la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a supprimé la décision spécifique par laquelle la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, la Commission nationale d'aménagement commercial, délivrait cette autorisation après avoir vérifié la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L.752-6 du même code. Dans sa rédaction issue de cette loi, l'article L.425-4 du code de l'urbanisme dispose désormais que : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. "

3. Il résulte de ces dispositions et de celles de l'article L. 752-17 du code de commerce, dans sa rédaction issue de cette même loi du 18 juin 2004, qu'un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale en application des dispositions de l'article L.425-4 du code de l'urbanisme ne peut être légalement délivré que sur avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial compétente ou, le cas échéant, sur avis favorable de la Commission nationale d'aménagement commercial.

4. L'article R. 600-2 du code de l'urbanisme dispose par ailleurs que : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Les professionnels mentionnés au I de l'article L. 752-17 du code de commerce sont des tiers au sens de ces dispositions. Ils bénéficient d'une information sur l'existence de la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en raison, notamment, de la publicité donnée à la décision de la commission départementale d'aménagement commercial en application des dispositions de l'article R. 752-30 du code de commerce. Ainsi, bien qu'ils ne soient pas nécessairement voisins du projet, le délai de recours contentieux à l'encontre du permis court à leur égard, comme pour tout permis de construire, à compter de la date prévue par les dispositions citées ci-dessus de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme.

5. Aux termes de l'article R. 424-15 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable, auquel renvoie l'article R. 600-2 de ce code : " Mention du permis explicite ou tacite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite (...) est acquis et pendant toute la durée du chantier (...) / Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l 'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis (...) ". Selon l'article A 424-15 du même code: " L'affichage sur le terrain du permis de construire (...) est assuré par les soins du bénéficiaire du permis ou du déclarant sur un panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 centimètres. ". Selon l'article A. 424-16 de ce code dans sa rédaction alors applicable : " Le panneau prévu à l'article A. 424-15 indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, le nom de l'architecte auteur du projet architectural, la date de délivrance, le numéro et la date d'affichage en mairie du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté. / Il indique également, en fonction de la nature du projet : / Si le projet prévoit des constructions, la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel ; (...) ". L'article A. 424-17 dispose que : " Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : / Droit de recours : / Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code l'urbanisme) / Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d'irrecevabilité, être notifié à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R. 600-1 du code de l'urbanisme) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que l'avis contesté de la commission nationale d'aménagement commercial, qui est visé dans le permis de construire du maire de Barjouville du 30 novembre 2017, a été rendu le 26 octobre précédent, soit antérieurement à ce permis de construire. Par suite, le délai de recours dont disposait la SAS Distribution Casino France pour contester l'avis de la commission nationale a commencé à courir à compter de la date prévue par les dispositions citées ci-dessus de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme.

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment des procès-verbaux établis par Me I... et Deruel, huissiers de justice, les 11 décembre 2017, 8 janvier 2017 et 12 février 2018, que le permis de construire contesté du 30 novembre 2017 a fait l'objet d'un affichage régulier en limite de terrain, à l'angle de la rue des Pierres Missigault et de la rue des Orvilles à partir de la première de ces dates, par un panneau de taille égale ou supérieure à 80 cm, conformément à ce que prévoit l'article A. 424-15 du code de l'urbanisme et qui comprenait les mentions prévues à l'article R. 424-16 de ce même code ainsi que les voies et délais de recours. Ces procès-verbaux indiquent, aussi, que le panneau d'affichage est visible et lisible à partir de la voie publique. Par suite, le délai de recours contentieux de deux mois contre le permis de construire litigieux a commencé à courir à compter du 11 décembre 2017. Il suit de là, et sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir de la seconde notification de l'avis accomplie par la commission nationale le 22 janvier 2018, que le recours gracieux effectué le 20 février 2018 auprès du maire de Barjouville était tardif et n'a pu proroger le délai de recours. La requête de la SAS Distribution Casino France, enregistrée au greffe de la cour le 15 mai 2018, est, dans ces conditions, tardive et, par suite, irrecevable.

8. Il résulte de tout ce qui précède, que la requête présentée par la SAS Distribution Casino France doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la commune de Barjouville, qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAS Distribution Casino France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SAS Distribution Casino France une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Barjouville et non compris dans les dépens et une autre somme de 1 500 euros à verser à la SCCV Barjouville A au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Distribution Casino France est rejetée.

Article 2 : La SAS Distribution Casino France versera, d'une part, à la commune de Barjouville une somme de 1 500 euros et, d'autre part à la SCCV Barjouville A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Distribution Casino France, à la commune de Barjouville, au ministre de l'économie et des finances et à la SCCV Barjouville A.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 novembre 2019.

Le rapporteur,

M. G...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°18NT01941


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01941
Date de la décision : 28/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : CONCORDE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-11-28;18nt01941 ?
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