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05/11/2019 | FRANCE | N°17NT02668

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 05 novembre 2019, 17NT02668


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 1er mars 2016 par lequel le maire de Granville s'est opposé à sa déclaration préalable pour la réfection de l'un des pans de toiture de son immeuble situé 126 rue du Couvent et la pose d'un châssis de toit, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 30 avril 2016.

Par un jugement n°1601766 du 28 juin 2017, le tribunal adminsitratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 août 2017 et le 10 octobre 2019, M. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 1er mars 2016 par lequel le maire de Granville s'est opposé à sa déclaration préalable pour la réfection de l'un des pans de toiture de son immeuble situé 126 rue du Couvent et la pose d'un châssis de toit, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 30 avril 2016.

Par un jugement n°1601766 du 28 juin 2017, le tribunal adminsitratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 août 2017 et le 10 octobre 2019, M. B..., représenté par SCP Foussard - Froger, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 juin 2017 du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Granville du 1er mars 2016 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Granville une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'a pas été suffisamment répondu au moyen tiré de ce que le projet envisagé était conforme aux recommandations de la fiche patrimoniale n°71 du PLU

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé dès lors qu'il se borne à des affirmations générales et stéréotypées ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que le maire de la commune s'est cru lié par l'avis des autorités de l'Etat en charge de la protection du patrimoine ;

- il est entaché d'une autre erreur de droit dès lors que le maire de Granville s'est fondé sur l'article 4 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme de la commune et de la fiche 71 qui n'ont pas de portée normative ;

- le maire a commis une erreur d'appréciation en s'opposant à la déclaration préalable en retenant que les travaux projetés n'étaient pas compatibles avec la protection du bâtiment en cause ;

- l'arrêté contesté est entaché d'un détournement de pouvoir et procède à une discrimination à son encontre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2018, la commune de Granville, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par le requérant sont infondés ;

- les dispositions de l'article 2 de la zone N du règlement du plan local d'urbanisme de la commune justifient l'opposition à la déclaration préalable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hirondel

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M.B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est propriétaire indivis d'une bâtisse située 126 rue du Couvent à Granville (Manche), inventoriée comme un élément bâti remarquable par le plan local d'urbanisme de la commune au titre du 2° du III de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme. Après avoir recueilli l'avis de la direction régionale des affaires culturelles de Normandie, le maire de Granville s'est opposé, par un arrêté du 1er mars 2016, à sa demande de déclaration préalable de travaux consistant en la réfection d'une partie de la toiture et en la pose d'un châssis de toit non saillant. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 28 juin 2017 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 30 avril 2016.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Pour s'opposer à la déclaration préalable de travaux, le maire de Granville a retenu, en se fondant sur les dispositions de l'article 4 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme et de la fiche patrimoniale n°71 de ce plan, " qu'afin de préserver la qualité architecturale de cette bâtisse ancienne de grand intérêt patrimonial, il serait souhaitable de ne pas poser de châssis de toiture au-dessus d'une lucarne sur ce versant de toiture qui a gardé toute son homogénéité " et qu' " il conviendrait de préserver cette partie de toiture en l'état ".

3. L'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable, dispose que les plans locaux d'urbanisme peuvent " 7° Identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les quartiers, îlots, immeubles, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou écologique et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur protection ". Aux termes de l'article R.421-28 du même code : " Doivent en outre être précédés d'un permis de démolir les travaux ayant pour objet de démolir ou de rendre inutilisable tout ou partie d'une construction : / (...) e) Identifiée comme devant être protégée par un plan local d'urbanisme, en application du 7° de l'article L. 123-1, située dans un périmètre délimité par le plan en application du même article ou, dans une commune non dotée d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, identifiée par délibération du conseil municipal, prise après enquête publique, comme constituant un élément de patrimoine ou de paysage à protéger et à mettre en valeur. ". En l'absence de prescriptions définies par le plan local d'urbanisme, l'identification d'une construction comme devant être protégée par un plan local d'urbanisme, en application du 7° de cet article L. 123-1, a pour seul effet, en vertu du e) de l'article R. 421-28 du même code, de subordonner les travaux ayant pour objet de la démolir ou de la rendre inutilisable en tout ou partie à un permis de démolir.

4. Selon l'article 4 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme dans sa version applicable : " Le plan indique par ailleurs / (...) Les éléments bâtis remarquables constitutifs du patrimoine communal et à ce titre, le permis de démolir sera exigé, ainsi que, lors de réhabilitation, de restauration ou d'extension, les travaux devront s'harmoniser au mieux avec l'aspect extérieur des données d'origine en matière d'architecture, de matériaux et de mise en oeuvre, au titre des dispositions du 7° de l'article L.123-1 du Code de l'urbanisme. ". Ces dispositions ne prévoient aucune prescription particulière concernant la protection de la bâtisse du requérant identifiée par le plan local d'urbanisme comme élément bâti remarquable. Ce règlement ne renvoie, en outre, expressément à aucune annexe, notamment à la fiche n°71, laquelle, au demeurant, se borne à décrire l'immeuble et à donner des recommandations qui ne présentent pas de caractère réglementaire. Au surplus, ces recommandations prévoient expressément la possibilité d'" encastrer les châssis de toit et limiter leur dimension ". Par suite, M. B... est fondé à soutenir qu'en se fondant sur l'article 4 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme et sur la fiche n°71, le maire de Granville a entaché sa décision d'une erreur de droit.

5. De plus, le projet soumis à déclaration préalable auquel le maire de Granville s'est opposé porte sur la pose d'un châssis de toit non saillant de 60 cm de longueur pour 80 cm de hauteur au-dessus d'une lucarne existante. Il ne ressort pas des pièces du dossier, alors que la bâtisse supporte déjà des châssis de toit sur d'autres pans de la toiture et que le châssis présente une taille modérée, ce qui entre dans le cadre des recommandations rappelées ci-dessus figurant à la fiche n°71, que les travaux envisagés seraient de nature à porter atteinte à la préservation ou à l'harmonie du monument. Il suit de là que M. B... est fondé à soutenir qu'en s'opposant à sa demande de déclaration préalable, le maire de Granville a également entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

6. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée.

7. La commune de Granville soutient que la décision contestée pouvait néanmoins être prise " à la lumière " de l'article 2 du règlement de la zone N qui énumère les travaux admis " sous réserve de préserver les paysages et l'environnement et d'une intégration rigoureuse dans le site, en veillant tout particulièrement à la qualité architecturale, aux perspectives et aux composantes paysagères ". Si elle allègue que ces dispositions seraient méconnues dès lors que la pose d'un châssis de toiture au-dessus d'une lucarne romprait l'harmonie avec le versant de toiture existant, la demande de substitution de base légale ne saurait être accueillie eu égard au motif énoncé au point 5 du présent arrêt.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que par ce jugement le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

9. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder cette annulation.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune du Granville demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Granville une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 28 juin 2017 ainsi que l'arrêté du maire de Granville du 1er mars 2016 sont annulés.

Article 2 : La commune de Granville versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et à la commune de Granville.

Une copie sera adressée, pour son information, au préfet de la Manche.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. A...'hirondel, premier conseiller,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2019.

Le rapporteur,

M. F...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 17NT026684

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02668
Date de la décision : 05/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : LABRUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-11-05;17nt02668 ?
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