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18/10/2019 | FRANCE | N°18NT04056

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 18 octobre 2019, 18NT04056


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 21 juin 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Tunis (Tunisie) du 29 mars 2018 refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de conjoint de français.

Par un jugement n° 1807083 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.<

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Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 nov...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 21 juin 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Tunis (Tunisie) du 29 mars 2018 refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de conjoint de français.

Par un jugement n° 1807083 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 novembre 2018, 20 mars et 20 juin 2019, M. A..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au consul de France de lui délivrer le visa de long séjour sollicité, dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et entaché d'erreurs quant à l'identité de l'épouse de M. A... dans le visa de la décision du bureau d'aide juridictionnelle et dans l'article de notification du jugement ;

- le tribunal a omis de statuer sur son moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par la commission quant à la réalité de son mariage ;

- la décision de la commission de recours est entachée d'un défaut de motivation et d'une erreur de droit ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation et méconnaît les dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard à l'ancienneté des faits qui ont conduit à des condamnations pénales et à la sincérité de son union matrimoniale ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie familiale normale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2019, le ministre de l'intérieur demande à la cour de rejeter la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 8 août 2019, l'instruction a été close le même jour.

Un mémoire a été produit le 1er octobre 2019 par M. A... et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me F..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né en 1981, a épousé le 30 septembre 2017 à Tunis Mme E... D..., ressortissante française née en 1982. Sa demande de visa de long séjour en qualité de conjoint de français a été rejetée par une décision du 29 mars 2018 des autorités consulaires françaises à Tunis. Le recours formé contre cette décision a été rejeté par une décision du 21 juin 2018 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de cette dernière décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, la circonstance que le jugement attaqué comporte une erreur matérielle sur l'identité de l'épouse de M. A... dans le visa de la décision du bureau d'aide juridictionnelle et dans l'article de notification du jugement n'est pas susceptible d'entacher celui-ci d'irrégularité.

3. En second lieu, le tribunal s'est prononcé, au point 6 de son jugement, sur le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par la commission de recours quant au caractère complaisant du mariage de M. A... avec Mme D.... Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que le jugement attaqué aurait omis de répondre à ce moyen.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, la décision contestée de la commission de recours est suffisamment motivée.

5. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que la décision de la commission de recours serait entachée d'erreur de droit n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

6. En troisième lieu, aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public ". En application de ces dispositions, il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa. Par ailleurs, des circonstances particulières tenant à des motifs tirés de la nécessité de préserver l'ordre public peuvent être de nature à justifier légalement un refus de visa.

7. Pour rejeter le recours de M. A..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur deux motifs. D'une part, elle a considéré que le mariage avait un caractère complaisant et qu'il avait été contracté dans le seul but de faciliter l'établissement en France du demandeur. D'autre part, elle a estimé que la présence en France de M. A... représentait une menace pour l'ordre public dès lors qu'il avait fait l'objet de plusieurs condamnations en Tunisie.

8. D'une part, si le ministre de l'intérieur soutient que M. A... et son épouse n'ont pas maintenu d'échanges réguliers et constants avant comme après leur mariage contracté en Tunisie le 30 septembre 2017, il ressort des pièces du dossier, notamment de justificatifs de voyage et photographies, que Mme D... s'est rendue en Tunisie à plusieurs reprises entre janvier 2017 et septembre 2018 pour y retrouver son mari. M. A... justifie en outre être resté en contact téléphonique régulier avec son épouse. Si le ministre fait valoir qu'il n'est apporté la preuve que de deux envois d'argent de son épouse au requérant, d'un montant de 500 euros le 12 janvier 2018 et de 1 000 euros le 12 avril 2018, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'eu égard à leur activité professionnelle respective, chacun des époux ne participe pas aux charges du mariage selon ses facultés propres. Dans ces conditions, le ministre n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère frauduleux du mariage. Dès lors, la commission de recours, en estimant que le mariage avait été contracté dans le seul but de faciliter l'établissement en France de l'intéressé, a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Toutefois, d'autre part, la décision de refus de visa est également fondée sur le motif tiré de ce que la présence en France de M. A... représenterait une menace pour l'ordre public dès lors qu'il a fait l'objet de plusieurs condamnations en Tunisie. A cet égard, il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait l'objet de huit condamnations pénales dans son pays d'origine entre 2001 et 2009. Si cinq de ces condamnations ont concerné des faits de vol simple ou de consommation de produits stupéfiants et ont donné lieu à des peines d'emprisonnement de quelques mois, deux autres condamnations prononcées en 2001 visaient à réprimer des faits de " violence extrême ". M. A... a enfin été condamné, par une juridiction d'appel en 2009, à une peine de six ans d'emprisonnement pour des faits de trafic de stupéfiants commis en 2007. Eu égard à la situation de récidive ainsi qu'à la nature et à la gravité des faits qui ont justifié ces dernières condamnations, et en dépit de leur relative ancienneté à la date de la décision contestée, la commission de recours n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation en estimant que la menace à l'ordre public faisait obstacle à la délivrance du visa sollicité par M. A....

10. Il résulte de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision de refus de visa si elle s'était seulement fondée sur le motif tiré de la menace à l'ordre public.

11. En dernier lieu, si M. A... est marié avec une ressortissante française qui réside en France, il ressort des pièces du dossier que ce mariage est récent, que le couple n'a pas d'enfant et que l'épouse de M. A... est en mesure de lui rendre régulièrement visite en Tunisie. Dans ces conditions, eu égard à la menace que la présence de l'intéressé sur le territoire français ferait peser sur l'ordre public, la décision contestée n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui rejette la demande de M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'appelant à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, président-assesseur,

- M. C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 octobre 2019.

Le rapporteur,

F.-X. BRECHOTLe président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT04056


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT04056
Date de la décision : 18/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : MAINIER-SCHALL

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-10-18;18nt04056 ?
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