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15/10/2019 | FRANCE | N°18NT00168

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 15 octobre 2019, 18NT00168


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 13 octobre 2015 par laquelle le directeur service-courrier-colis de la Loire-Atlantique Vendée de la Poste a refusé de reconnaître comme maladie professionnelle le syndrome de la gouttière épitrochléo-olécranienne dont elle est atteinte.

Par un jugement n° 1509832 du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée

le 16 janvier 2018, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 13 octobre 2015 par laquelle le directeur service-courrier-colis de la Loire-Atlantique Vendée de la Poste a refusé de reconnaître comme maladie professionnelle le syndrome de la gouttière épitrochléo-olécranienne dont elle est atteinte.

Par un jugement n° 1509832 du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 janvier 2018, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 décembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 13 octobre 2015 ;

3°) subsidiairement, d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale ;

4°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à la Poste de reconnaître ses pathologies comme maladies professionnelles et d'en tirer toutes les conséquences de droit dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de la Poste le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où la maladie professionnelle est celle dont l'agent a été victime sur son lieu de travail, alors qu'il exerçait ses fonctions et parce qu'il les exerçait et que le lien de causalité direct et certain entre son activité professionnelle et sa pathologie est établi d'autant que ce type de pathologie se révèle, dans toute son ampleur, souvent après l'exposition de l'agent au risque.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2018, la Poste, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- les observations de Me B..., représentant Mme D...,

- et les observations de Me A..., substituant Me E..., représentant la Poste.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... D..., qui est entrée au service de la Poste en 1983 en qualité d'auxiliaire de distribution postale en contrat à durée déterminée, a été employée principalement au bureau de poste de Saint-Gilles-Croix-de-Vie. Lors de la transformation de la Poste en établissement public industriel et commercial, elle a opté pour le statut d'agent contractuel de droit public non fonctionnaire. A compter du 3 mars 2010, elle a été placée en arrêt de travail. Après une expertise réalisée le 17 juin 2010 par le docteur Tanguy, rhumatologue, et avis de la commission de réforme du 7 juillet 2010, sa pathologie relative au canal carpien bilatéral a été reconnue comme maladie professionnelle. Mme D..., qui n'a jamais repris le travail, a développé deux autres pathologies : une rhizarthrose bilatérale franche (au niveau des pouces) et un syndrome de la gouttière épithrochléo-oléocranienne (au niveau du coude droit). L'intéressée a demandé la reconnaissance comme maladie professionnelle de sa pathologie du coude. La Poste lui a opposé un refus, à plusieurs reprises, et notamment par une décision du 13 octobre 2015. Mme D..., qui a été admise à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er mai 2016, relève appel du jugement du 12 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident. / Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime (...) ". Le syndrome canalaire du nerf ulnaire dans la gouttière épithrochléo-oléocranienne confirmé par électroneuromyographie (EMG) figure au tableau 57 B annexé à ce code. Le délai de prise en charge, correspondant au temps écoulé entre l'arrêt de l'exposition au risque et l'apparition de la maladie, est de quatre-vingt-dix jours et la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies comprend les " Travaux comportant habituellement des mouvements répétitifs et/ou des postures maintenues en flexion forcée. " et les " Travaux comportant habituellement un appui prolongé sur la face postérieure du coude. ".

3. Il est constant que Mme D..., qui travaillait à temps partiel à raison de 19 heures par semaine depuis 2006, a été placée en arrêt de travail à compter du 3 mars 2010 pour un syndrome du canal carpien, reconnu comme maladie professionnelle. Elle n'a pas repris son travail avant sa mise à la retraite en 2016. Elle ne peut donc prétendre que le syndrome de la gouttière épitrochléo-olécranienne qui lui a été diagnostiqué lors de l'exploration électromyographique réalisée le 22 mars 2011 se serait déclaré sur son lieu de travail. Mme D... soutient que ce type de pathologie ne se déclare pas immédiatement et qu'elle est liée à l'exercice de ses fonctions qui impliquaient le tri du courrier, son indexation (qui consistait à taper sur une machine des " petites barres " qui figuraient sur les enveloppes), des déplacements entre les bureaux de poste de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, Saint-Hilaire de Riez, Coëx et d'Aizenay ainsi que le port de plis ou colis lourds. Elle produit à l'appui de ses dires, plusieurs certificats médicaux, et notamment celui du docteur Cano du service de santé au travail de la Poste Vendée du 31 mai 2012. Ce médecin s'est toutefois borné à indiquer qu'il avait examiné Mme D... le 3 mai 2012, et avoir constaté qu'elle présentait un syndrome de la gouttière épithrochléo-oléocranienne droite. Selon lui, " cette pathologie doit être prise en charge au titre de la maladie professionnelle indemnisable (TRG n°57B) ". La requérante se prévaut également du certificat du 17 mars 2014 du docteur Kerjean, chirurgien à la clinique de la main de Nantes, qui confirme que Mme D... " présente une compression sévère du nerf ulnaire au coude gauche confirmée à l'EMG " très probablement en rapport avec sa profession " ajoutant, selon les dires de l'intéressée, qu'elle " effectue des gestes répétitifs de tri du courrier depuis 1982, des indexations du courrier et du portage de colis lourds ". Mme D... produit également le certificat du 31 mars 2014 du docteur Julien, généraliste, selon lequel ses différentes pathologies du poignet, du nerf ulnaire dans la gouttière épithrochléo-oléocranienne (confirmé par EMG) ainsi que sa tendinopathie de l'épaule droite dont elle souffre peuvent être en rapport avec les travaux répétitifs et les maintiens de posture dues à son poste et peuvent ainsi rentrer dans le cadre du tableau 57 des maladies professionnelles.

4. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le docteur Tanguy médecin agréé, praticien hospitalier, chef du service rhumatologie du centre hospitalier de la Roche-sur-Yon, qui a examiné Mme D... a plusieurs reprises pour le syndrome du canal carpien, l'a revue le 20 août 2012. S'agissant du syndrome de la gouttière épitrochléo-olécranienne droite, il rappelle que lors de l'exploration électromyographique du 22 mars 2011, le docteur Ollivier décrivait la " présence de signes en faveur d'une compression des deux nerfs ulnaires aux coudes (bloc de conduction) mais sans signe de dénervation chronique " et que lors du même examen pratiqué le 13 mars 2012, le docteur Leclair-Visonneau a confirmé " de discrets signes d'atteinte démyélinisante au coude sur le nerf ulnaire droit, sans signe de gravité sur le plan ENMG ". Il confirme que l'intéressée présente une compression du nerf ulnaire droit au coude ou syndrome de la gouttière épitrochléo-olécranienne et que cette pathologie figure au tableau des maladies professionnelles 57 B. A la question " peut-on dire que cette affection est en relation avec l'exercice des fonctions ' ", l'expert répond toutefois par la négative " en raison du délai de survenue de cette pathologie par rapport au début de l'arrêt de travail ". Il précise en effet, que l'intéressée est en arrêt de travail depuis le 3 mars 2010, et que ni lors de l'exploration électromyographique du 2 mars 2010, ni lors de son examen du 6 janvier 2011, il n'a été trouvé de souffrance du nerf cubital chez Mme D.... Dans son rapport du 10 janvier 2013, le docteur Marquestaut, rhumatologue à Nantes et expert près de la cour d'appel de Rennes, a confirmé cette analyse. Il vise les différents examens pratiqués ainsi que leurs conclusions et mentionne notamment le certificat du docteur Cano du 31 mai 2012, mais précise que seul l'EMG du 22 mars 2011 a confirmé l'existence de ce syndrome et que " le délai de prise en charge de 90 jours est dépassé ". Il en déduit que cette pathologie ne peut dès lors être reconnue au titre d'une maladie professionnelle.

5. Les conclusions de ces deux experts rhumatologues sont donc concordantes et les certificats susvisés produits par Mme D... ne permettent pas de contredire ces avis circonstanciés qui tiennent compte du fait qu'elle était en arrêt de travail depuis le 3 mars 2010. Par ailleurs, Mme D... ne peut utilement se prévaloir ni de son état antérieur ne révélant pas l'existence de cette pathologie, ni la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de la Vendée, ou le fait que le 25 janvier 2013, le médecin conseil du service médical de la mutuelle a reconnu l'existence d'une affection de longue durée nécessitant des soins continus de mars 2012 à mars 2015 dès lors que ces constations ne permettent pas de caractériser le caractère professionnel de sa pathologie. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur de fait ne peut qu'être écarté.

6. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier rappelées ci-dessus, qu'en refusant de reconnaître cette nouvelle pathologie comme maladie professionnelle le directeur service-courrier-colis de la Loire-Atlantique Vendée de la Poste aurait entaché sa décision du 13 octobre 2015 d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. Enfin, Mme D..., qui ne remplissait pas l'ensemble des conditions prévues à l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale et au tableau 57 B annexé à ce code, n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse aurait été prise en méconnaissance de ces dispositions.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées en appel tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à la Poste de reconnaître ses pathologies en tant que maladies professionnelles et d'en tirer toutes les conséquences de droit doivent, par voie de conséquence, également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Poste, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme D... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme D... le versement à la Poste d'une somme au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Poste tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D... et à la Poste.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2019.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00168


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00168
Date de la décision : 15/10/2019
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SCP ARES BOIS COLLET LEDERF-DANIEL LE DANTEC

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-10-15;18nt00168 ?
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