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19/07/2019 | FRANCE | N°18NT01916

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 19 juillet 2019, 18NT01916


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 22 mars 2016 par laquelle le président de l'association syndicale autorisée (ASA) de la Vallée du Lay a prononcé son licenciement.

Par un jugement n° 1604379 du 14 mars 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de licenciement du 22 mars 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 mai 2018, l'ASA de la Vallée du Lay, représentée par MeD..., demande à la

cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018 ;

2°) de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 22 mars 2016 par laquelle le président de l'association syndicale autorisée (ASA) de la Vallée du Lay a prononcé son licenciement.

Par un jugement n° 1604379 du 14 mars 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de licenciement du 22 mars 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 mai 2018, l'ASA de la Vallée du Lay, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. E...devant le tribunal administratif de Nantes ;

3°) de mettre à la charge de M. E...le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'association soutient que :

- la décision de licenciement était suffisamment motivée, contrairement à ce qu'a apprécié le tribunal administratif ;

- aucun des autres moyens invoqués par M. E...en première instance n'est fondé, qu'il s'agisse de la méconnaissance des droits de la défense, d'omissions formelles dans la décision, de l'exception d'illégalité de la délibération du conseil syndical du 21 janvier 2016, de la méconnaissance de l'obligation de reclassement ou de l'absence d'intérêt du service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2019, M.E..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'ASA de la Vallée du Lay au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est sans objet dès lors qu'à la suite du jugement attaqué M. E...a été réintégré dans les effectifs de l'ASA avant de faire l'objet le 1er septembre 2018 d'un second licenciement ;

- le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif est fondé ;

- à titre subsidiaire les autres moyens soulevés par M. E...en première instance caractérisaient également l'illégalité de la décision de licenciement.

Par ordonnances des 13 mars et 1er avril 2019 la clôture de l'instruction a été fixée au 11 avril 2019.

Un mémoire présenté pour l'ASA de la Vallée du Lay, enregistré le 12 avril 2019, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n°2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires, ainsi que le décret n°2006-504 du 3 mai 2006 pris pour l'application de cette ordonnance ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant l'ASA de la Vallée du Lay, et de MeA..., représentant M.E....

Considérant ce qui suit

Les faits, la procédure :

1. M. E...a été recruté à compter du 18 décembre 2010 en qualité de conducteur d'engins et de véhicules par l'ASA de la Vallée du Lay, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. A la suite d'un contrôle de la chambre régionale des comptes des Pays de la Loire constatant des dysfonctionnements et des irrégularités dans la gestion de l'association, cette dernière a décidé, par une délibération du 21 janvier 2016, de supprimer son activité marchande de travaux publics ainsi que les emplois affectés à cette activité. Par une décision du 22 mars 2016, le président de l'ASA de la Vallée du Lay a prononcé le licenciement de M.E.... L'ASA de la Vallée du Lay relève appel du jugement du 14 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé à la demande de M. E...cette décision de licenciement.

Sur les conclusions de l'association syndicale à fin de non-lieu à statuer :

2. La mesure positive que l'autorité administrative est amenée à prendre en exécution d'un jugement d'annulation faisant droit à la demande d'un administré a un caractère provisoire lorsque ce jugement est frappé d'appel. Alors même qu'elle présente toutes les apparences d'une mesure définitive, l'intervention d'une telle mesure ne prive pas d'objet l'appel dirigé contre le jugement d'annulation de la décision initiale de refus de personne publique. Il en va toutefois différemment lorsque l'autorité administrative a excédé ce qui était nécessaire à l'exécution du jugement attaqué.

3. Il résulte de ce qui précède que si l'ASA de la Vallée du Lay a procédé à la réintégration de M. E...par décision du 28 mai 2018, avant de licencier à nouveau ce salarié le 15 juin 2018, ces décisions, prises pour la stricte exécution du jugement attaqué, ne privent pas d'objet l'appel présenté par l'ASA de la Vallée du Lay.

Sur les conclusions à fins d'annulation :

En ce qui concerne la motivation de la décision :

4. D'une part la circonstance que la décision du 17 mars 2016 ne serait pas motivée en droit au sens des dispositions combinées des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration est inopérante dès lors que la décision de licenciement en litige, qui concerne un contractuel employé par une association syndicale agréée, n'est soumise en matière de motivation qu'aux prescriptions du décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 pris pour l'application de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.

5. D'autre part, aux termes de l'article 38 de ce dernier décret : " Le licenciement est notifié à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir ". Il résulte des termes mêmes de la décision de licenciement en litige qu'elle rappelle les motifs qui ont décidé l'association à prendre cette mesure, tirés des constats de dysfonctionnements mis en lumière par la chambre régionale des comptes à l'occasion d'un examen de gestion de l'établissement, selon lequel 80% du temps du personnel de l'activité de travaux publics de l'association était affecté à la réalisation de travaux au bénéfice de tiers, missions hors de l'objet de l'établissement. La lettre de licenciement mentionne que " Dans ces conditions, par délibération du 21 janvier 2016, le syndicat a décidé la cessation de l'activité marchande de travaux publics et la suppression des emplois affectés à l'exercice de cette activité ". Alors même qu'aucune disposition de l'ordonnance n° 2004-632 ou de son décret d'application du 3 mai 2006 ne rappelle la possibilité ouverte à l'établissement de procéder à des licenciements dans l'intérêt du service, ces mentions, ainsi que l'indication selon laquelle aucune solution de reclassement n'avait pu être trouvée, suffisaient à M. E...pour comprendre et le cas échéant pour discuter les motifs de droit et de fait de la décision prise à son encontre.

6. Il résulte de ce qui précède que l'ASA de la Vallée du Lay est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de licenciement du 22 mars 2016 au motif de son absence de motivation en droit.

7. Il y a lieu pour la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. E...devant le tribunal administratif.

En ce qui concerne la procédure de licenciement :

8. La circonstance que la lettre convoquant M. E...à un entretien préalable à son licenciement ne soit pas revêtue de la signature manuscrite du président de l'ASA n'a pu entacher d'irrégularité la procédure, dès lors que cette omission n'a pas empêché la tenue de cette entrevue.

9. Par ailleurs M. E...ne peut, d'une part, utilement se prévaloir des conditions dans lesquelles il a eu accès à son dossier dès lors qu'une telle garantie n'est pas prévue par l'article 38 du décret n° 2006-504 qui définit entièrement la procédure applicable au licenciement, par une association syndicale agréée, d'un agent contractuel de droit public pour un motif autre que disciplinaire. D'autre part, le licenciement prononcé à son encontre ne peut pas être qualifié de mesure prise en considération de sa personne puisque ce licenciement n'est que la conséquence de la suppression, par la délibération du 21 janvier 2016, de l'activité marchande de travaux publics exercée à tort par l'ASA de la Vallée du Lay et, par voie de conséquence, des emplois affectés à cette activité.

En ce qui concerne la forme de la décision :

10. D'une part l'absence de mention des voies et délais de recours sur la décision en litige est sans effet sur sa légalité.

11.D'autre part si l'article 39 du décret n° 2006-504 dispose que la lettre de licenciement doit préciser la date à laquelle le licenciement doit intervenir compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis, l'ASA de la Vallée du Lay a respecté cette obligation, en indiquant à M. F...préavis, d'une durée de deux mois, débutera vendredi 1er avril 2016, à l'issue de vos congés annuels restant à courir, et s'achèvera le mardi 31 mai 2016 ".

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la délibération du syndicat supprimant le service auquel appartenait M.E... :

12. Aux termes de l'article 18 de l'ordonnance n°2004-632 : " Les organes de l'association sont l'assemblée des propriétaires, le syndicat, le président et le vice-président. / Sous réserve des attributions de l'assemblée des propriétaires, le syndicat règle, par ses délibérations, les affaires de l'ASA " ; et aux termes de l'article 20 du même texte : " L'assemblée des propriétaires élit les membres du syndicat ainsi que leurs suppléants et délibère sur : a) Le rapport prévu à l'article 23, lors de sa session ordinaire ; b) Le montant maximum des emprunts qui peuvent être votés par le syndicat et les emprunts d'un montant supérieur ; c) Les propositions de modification statutaire ou de dissolution dans les hypothèses prévues aux articles 37 à 40 ; d) L'adhésion à une union ou la fusion avec une autre ASA ou constituée d'office ; e) Toute question qui lui est soumise en application d'une loi ou d'un règlement ".

13. Il résulte de ces règles de fonctionnement des associations syndicales agréées, auxquelles font référence les statuts de l'ASA de la Vallée du Lay, que contrairement à ce que soutient M.E..., le syndicat de l'association était seul compétent pour décider, par délibération du 21 janvier 2016, de mettre un terme définitif à l'activité marchande de travaux publics et de supprimer les emplois affectés à cette action.

En ce qui concerne l'intérêt du service :

14. Ainsi qu'il vient d'être rappelé le licenciement décidé à l'encontre de M. E...procède de la délibération du syndicat du 21 janvier 2016, lequel a décidé, à la suite d'un rapport de la chambre régionale des comptes, de la suppression de l'activité marchande de travaux publics jusqu'alors exercée par le syndicat de manière irrégulière et par voie de conséquence de l'engagement d'une procédure de licenciement à l'encontre des salariés affectés à cette activité.

15. M. E...fait valoir que la chambre régionale des comptes a relevé que " 80 % du temps du personnel de l'activité de travaux publics de l'association était affecté à la réalisation de travaux au bénéfice de tiers et que ses missions étaient hors de l'objet de l'établissement ", ce dont il déduit qu'une partie du temps de cette cellule était déjà consacré à des travaux rentrant dans la mission de l'ASA et que par suite il faudrait conserver une partie des salariés de cette cellule.

16. Toutefois rien n'oblige l'ASA de la Vallée du Lay, pour accomplir la mission de défense contre la mer que lui attribuent ses statuts, à effectuer l'entretien des ouvrages ainsi que les travaux associés par ses moyens propres plutôt que de les réaliser au moyen de contrats conclus avec des entreprises privées de travaux publics. Dès lors, et à supposer même que les suites à donner aux observations de la chambre régionale des comptes n'imposaient pas nécessairement une telle réorganisation, l'association n'était pas tenue de conserver les salariés nécessaires à l'exercice de ces activités en régie. Par ailleurs la circonstance que M. E...n'ait pas participé aux pratiques à l'origine des observations de la chambre régionale des comptes est sans incidence sur l'appréciation de l'intérêt du service au jour de son licenciement.

17. M. E...participait donc à une activité accessoire menée dans des conditions irrégulières, tandis que l'activité principale et obligatoire n'avait pas nécessairement à être exercée en régie. Dans ces conditions la réorganisation dont procède ce licenciement correspond bien à l'intérêt du service, tel que le syndicat était compétent pour l'apprécier.

En ce qui concerne les recherches de reclassement :

18. Il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés dont l'emploi est supprimé que les règles du statut général de la fonction publique qui imposent de donner, dans un délai raisonnable, aux fonctionnaires en activité dont l'emploi est supprimé une nouvelle affectation correspondant à leur grade, qu'il incombe à la personne publique, avant de pouvoir prononcer le licenciement d'un agent contractuel recruté en vertu d'un contrat à durée indéterminée motivé par la suppression, dans le cadre d'une réorganisation du service, de l'emploi permanent qu'il occupait, de chercher à reclasser l'intéressé.

19. La mise en oeuvre de ce principe implique que la personne publique, lorsqu'elle entend supprimer l'emploi occupé par un agent contractuel titulaire d'un contrat à durée indéterminée dans le cadre d'une modification de l'organisation du service, propose à cet agent un emploi de niveau équivalent, ou, à défaut d'un tel emploi et si l'intéressé le demande, tout autre emploi ; que l'agent contractuel ne peut être licencié que si le reclassement s'avère impossible, faute d'emploi vacant, ou si l'intéressé refuse la proposition qui lui est faite

20. Lorsqu'une réorganisation de service conduit à la suppression d'un emploi occupé par un agent contractuel titulaire d'un contrat à durée indéterminée au sein d'un établissement public administratif tel qu'une ASA, la personne publique doit mettre en oeuvre l'obligation mentionnée ci-dessus en prenant en compte l'ensemble des postes vacants au sein de ce seul établissement.

21. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'ASA de la Vallée du Lay disposait de postes de travail susceptibles d'être proposés à M.E..., si bien qu'il ne peut être reproché à l'établissement, qui a au surplus tenté des démarches en vue d'un reclassement externe auprès des communes et intercommunalités membres de l'association, d'avoir manqué à ses obligations en matière de reclassement.

22. Il résulte de ce qui précède que l'ASA de la Vallée du Lay est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de licenciement prise par le président de l'établissement à l'encontre de M.E....

Sur les frais liés au litige :

23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... le versement à l'ASA de la Vallée du Lay d'une somme titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

24. Dès lors que l'ASA de la Vallée du Lay n'est pas la partie perdante dans la présente instance, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. E...tendant au versement d'une somme au même titre.

DECIDE :

Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 14 mars 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'ASA de la Vallée du Lay en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association syndicale autorisée de la Vallée du Lay et à M. C...E....

Délibéré après l'audience du 24 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juillet 2019.

Le rapporteur,

J. FRANCFORTLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 18NT01916


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01916
Date de la décision : 19/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL CORNET VINCENT SEGUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-07-19;18nt01916 ?
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