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19/07/2019 | FRANCE | N°18NT00414

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 19 juillet 2019, 18NT00414


Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

­ le rapport de M. A...'hirondel,

­ les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

­ et les observations de MeD..., substituant Me F...-K..., représentant la SCI Argwen.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Argwen relève appel du jugement du 30 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant ce qu

e la nouvelle commune de Rots, venant aux droits de la commune de Lasson, soit condamnée à lui verser la somm...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

­ le rapport de M. A...'hirondel,

­ les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

­ et les observations de MeD..., substituant Me F...-K..., représentant la SCI Argwen.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Argwen relève appel du jugement du 30 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant ce que la nouvelle commune de Rots, venant aux droits de la commune de Lasson, soit condamnée à lui verser la somme de 75 814,84 euros, outre les intérêts au taux légal et la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices résultant pour elle de l'illégalité fautive contenue dans le certificat de non opposition à déclaration préalable pour la division de la parcelle cadastrée section AD n°242 et de l'arrêté du 29 novembre 2013 destiné à apporter des précisions aux potentiels acquéreurs quant à la procédure mise en place concernant cette même parcelle pris par le maire de Lasson.

Sur les conclusions indemnitaires

En ce qui concerne la responsabilité de la nouvelle commune de Rots

2. Il résulte de l'instruction que le maire de Lasson a délivré, par des arrêtés des 31 décembre 2009 et 14 octobre 2010, deux certificats d'urbanisme positifs pour la réalisation d'une maison à usage d'habitation sur une parcelle cadastrée section AD n°242, d'une contenance de 6 880 m², située au lieu-dit Bray, ce dernier certificat ayant été prorogé pour une année supplémentaire par un nouvel arrêté du 12 janvier 2012. La SCI Argwen, dont la gérante est MmeJ..., a acquis cette parcelle le 25 janvier 2012 et a déposé le 26 avril 2013, une demande de certificat d'urbanisme pour savoir si elle pouvait être divisée en quatre lots à bâtir. Cette demande a donné lieu à un certificat d'urbanisme négatif du 28 juin 2013 au motif que le terrain n'était pas desservi par le réseau public d'électricité. Après que la commune de Lasson ait pris l'engagement de réaliser les travaux d'électricité pour un coût de 4 703,83 euros sous réserve de remboursement, la SCI Argwen a déposé, le 9 octobre 2013, une déclaration préalable pour un lotissement de quatre lots non soumis à permis d'aménager. Le silence de l'administration gardé sur cette demande a fait naître une décision implicite de non-opposition. A la demande de la SCI Argwen, le maire de Lasson lui a délivré le 25 novembre 2013 un certificat de non-opposition lequel était assorti de la mention selon laquelle " le maire attire l'attention du pétitionnaire en l'informant que le projet ne respecte pas le plan d'occupation des sols (Zone NB) ". Le 29 novembre 2013, le maire prenait un arrêté destiné à apporter des précisions aux potentiels acquéreurs sur la procédure mise en place. Selon cet arrêté, les conseillers et employés municipaux étaient tenus d'indiquer " à toute personne qui chercherait à obtenir des informations sur l'urbanisation des 4 parcelles envisagées au hameau de Bray qu'il faut contacter le maire pour un rendez-vous en mairie ", le maire leur apportant alors des précisions sur les conditions dans lesquelles le certificat de non-opposition a été délivré, en particulier sur la nécessité de réaliser " une voierie digne de ce nom sur une longueur d'environ 70 m (...) pour répondre aux aménagements de sécurité et de praticité ". La décision de non opposition a été attaquée devant le tribunal administratif de Caen par MM. E...etB..., qui se présentent comme voisins de la parcelle dont il s'agit, alors que la SCI Argwen a contesté devant le même tribunal le certificat de non-opposition du 25 novembre 2013 en tant qu'il contient la mention sus-rappelée. Par un jugement du 3 avril 2014, le tribunal a rejeté la demande de MM. E...et B...mais a annulé ce certificat en tant qu'il contient la mention incriminée. Par un jugement du 17 décembre 2014, le même tribunal, à la demande de la SCI Argwen, a annulé pour incompétence de son auteur et erreur d'appréciation l'arrêté du 29 novembre 2013.

3. Les illégalités du certificat de non opposition du maire de Lasson en tant qu'il contient la mention incriminée et de l'arrêté du 29 novembre 2013, constatées par les jugements du tribunal administratif de Caen devenus définitifs respectivement des 3 avril 2014 et 17 décembre 2014 constituent des illégalités fautives de nature à entraîner la responsabilité de la nouvelle commune de Rots, venant aux droits de la commune de Lasson du fait de la fusion, depuis le 1er janvier 2016, des communes de Rots, Lasson et Secqueville-en-Bessin.

En ce qui concerne la réparation des préjudices allégués :

4. En premier lieu, la perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison des illégalités constatées lors de la procédure de délivrance du certificat de non opposition revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation. Il en va, toutefois, autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, telles que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs des lots ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain. Ce dernier est alors fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'il pouvait raisonnablement attendre de cette opération.

5. Si la SCI Argwen a acquis le 25 janvier 2012 la parcelle dont il s'agit pour la somme de 207 400 euros puis l'a revendue le 7 octobre 2015 au prix de 180 000 euros, il ne résulte pas de l'instruction que la baisse du prix ainsi enregistrée ait pour cause les illégalités fautives retenues à l'encontre de la commune de Lasson ou les agissements de son maire en exécution de son arrêté du 29 novembre 2013. En particulier, la société requérante n'établit pas le prix du marché de son bien à la date des décisions litigieuses, ce qui ne saurait résulter de l'attestation du 29 novembre 2016 de M. C... faisant état, sans aucun justificatif, d'une valeur du terrain, en 2011, de 239 000 euros, " valeur de marché à l'époque ", alors que la société requérante l'a acquis en janvier 2012 au prix de 207 400 euros, soit antérieurement aux décisions annulées et avant que la société requérante ne fasse connaître son projet alors que le maire de Lasson avait délivré des certificats d'urbanisme positifs pour la réalisation d'un immeuble à usage d'habitation sur la parcelle de la requérante. De même, si des personnes sont venues s'informer en mairie des conditions de vente de cette parcelle, il ne résulte pas de l'instruction, notamment des attestations versées par la SCI Argwen, qui sont peu circonstanciées quant à l'intention réelle d'acquisition du terrain par les intéressés, que les propos tenus par le maire auraient privé la société requérante d'une vente au moins au prix négocié en 2015. Enfin, si, selon un courrier de Me H..., notaire, du 20 juin 2014 une proposition d'acquisition de 200 000 euros a été retirée " compte tenu des difficultés administratives liées à ce terrain ", il n'est pas établi, alors qu'un recours avait été engagé par des tiers, voisins du terrain, pour faire échec au projet, que cette circonstance présente un lien de causalité certain avec les fautes imputées à la commune de Lasson. Par suite, le chef de préjudice tiré de la mévente du terrain ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, le préjudice allégué par la société requérante tenant aux frais bancaires liés à un prêt relais, trouve seulement son origine dans les conditions de financement choisies par la SCI Argwen et Mme J...pour acquérir la résidence principale de cette dernière sur la commune de Rots et sont sans lien de causalité avec les fautes retenues à l'encontre de la commune de Lasson alors qu'en tout état de cause, ainsi qu'il a été dit au point précédent, il ne résulte pas de l'instruction que le retard éventuel dans la vente du bien trouve son origine dans les agissements fautifs de la commune.

7. En troisième et dernier lieu, si la SCI Argwen affirme qu'elle aurait subi un préjudice moral d'image et de réputation et des troubles dans les conditions d'existence du fait des tracasseries administratives qu'elle aurait subies de la part de la commune, elle n'établit pas la réalité de son préjudice.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Argwen n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la nouvelle commune de Rots, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCI Argwen demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SCI Argwen une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la nouvelle commune de Rots et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Argwen est rejetée.

Article 2 : La SCI Argwen versera à la nouvelle commune de Rots la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Argwen et à la nouvelle commune de Rots.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Brisson, président assesseur,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juillet 2019.

Le rapporteur,

M. I...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°18NT00414


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : LABRUSSE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 19/07/2019
Date de l'import : 30/07/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18NT00414
Numéro NOR : CETATEXT000038801190 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-07-19;18nt00414 ?
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