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19/07/2019 | FRANCE | N°18NT00072

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 19 juillet 2019, 18NT00072


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 25 octobre 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a prononcé sa révocation.

Par un jugement n° 1602435 du 2 novembre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 janvier 2018, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 2 novembre 2017 ;
r>2°) d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2016 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 25 octobre 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a prononcé sa révocation.

Par un jugement n° 1602435 du 2 novembre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 janvier 2018, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 2 novembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2016 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa situation et de le réintégrer au sein de son administration à compter du 25 octobre 2016 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision contestée a été prise au terme d'une procédure irrégulière dans la mesure où il ne lui a pas été laissé la possibilité de se présenter devant le conseil de discipline alors qu'il était incarcéré, et ce en méconnaissance des dispositions de l'article 3 du décret du 25 octobre 1984 ;

- cette sanction est disproportionnée et entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est insuffisamment motivée et par suite irrecevable, et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 25 octobre 2016, le ministre de l'intérieur a prononcé la révocation de M.A..., adjoint administratif affecté à la circonscription de sécurité publique de Caen depuis le 1er septembre 2004. Le ministre s'est fondé sur le fait que l'intéressé avait proféré des menaces physiques envers un de ses collègues et tenu des propos véhéments envers sa communauté de travail à de très nombreuses reprises, avait refusé d'exécuter les tâches qui lui avaient été confiées, avait menacé sa hiérarchie par téléphone alors qu'il était en arrêt de maladie, avait été l'auteur d'actes de violences commis sur son épouse et plusieurs autres personnes et fait l'objet de condamnations pénales assorties de peines d'emprisonnement fermes. Le ministre a estimé que les faits commis par ce fonctionnaire portaient " une grave atteinte au crédit et à la réputation de l'administration en générale et de la police nationale en particulier " et rendaient difficile son maintien au sein de la fonction publique. M. A...relève appel du jugement du 2 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 3 du décret du 25 octobre 1984 : " Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le Conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix (...) ". Aux termes de l'article 4 du même texte : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours au moins avant la date de réunion, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / Ce conseil peut décider, à la majorité des membres présents, de renvoyer à la demande du fonctionnaire ou de son ou de ses défenseurs l'examen de l'affaire à une nouvelle réunion. Un tel report n'est possible qu'une seule fois. ". Ces dispositions imposent que le fonctionnaire traduit en conseil de discipline puisse présenter en temps utile des observations écrites, lues en séance, dans des conditions qui permettent d'éclairer le conseil de discipline sur les données de l'affaire.

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur a produit la convocation du 3 octobre 2016 remise à M. A...en vue de la séance de la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire prévue le 19 octobre 2016. Ce courrier précisait qu'il pouvait, en application de l'article 3 précité du décret du 25 octobre 1984, présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales et se faire représenter. Il est constant que M. A...a refusé de signer le document lui notifiant ce courrier qui lui a été présenté à la maison d'arrêt. Si le requérant soutient que sa hiérarchie a voulu accélérer la procédure pour l'empêcher de produire des observations devant le conseil de discipline, il ne conteste toutefois pas avoir pu faire valoir ses observations par écrit pour assurer sa défense. M. A... soutient en outre que le conseil de discipline aurait pu décaler sa séance dans la mesure où il sortait de prison le 29 octobre 2016. Il n'établit cependant ni avoir apporté cette précision au président de cette instance, ni avoir sollicité le report de la séance fixée au 19 octobre 2016. Le requérant n'établit pas davantage que sa présence devant le conseil de discipline aurait été indispensable et aurait dû justifier son extraction de la maison d'arrêt de Caen afin qu'il puisse s'y rendre. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des articles 3 et 4 du décret du 25 octobre 1984 ne peut qu'être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article 29 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) ". Aux termes de l'article R. 434-12 du code de la sécurité intérieure : " Le policier ou le gendarme ne se départ de sa dignité en aucune circonstance. En tout temps, dans ou en dehors du service, y compris lorsqu'il s'exprime à travers les réseaux de communication électronique sociaux, il s'abstient de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale et à la gendarmerie nationale. Il veille à ne porter, par la nature de ses relations, aucune atteinte à leur crédit ou à leur réputation. ". Aux termes de l'article R. 434-14 du même code : " Le policier ou le gendarme est au service de la population. Sa relation avec celle-ci est empreinte de courtoisie et requiert l'usage du vouvoiement. Respectueux de la dignité des personnes, il veille à se comporter en toute circonstance d'une manière exemplaire, propre à inspirer en retour respect et considération. ". Aux termes de l'article 123-1 de l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police : " Les agents (...) exécutent les missions qui leur sont assignées et les ordres qu'ils reçoivent dans le respect des droits et obligations prévus, notamment, par : (...) la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée (...). Outre l'obligation de compte rendu prévue à l'article 121-5 ci-dessus du présent règlement général de l'emploi, ces mêmes agents sont soumis à celle, également, de rendre compte sans délai et par écrit à la hiérarchie, qui, dès lors, prend toute mesure qui s'impose, de tout fait ou incident à caractère personnel ou se rapportant à l'exécution du service (...) susceptibles d'entraîner leur présentation devant une autorité de police ou devant une autorité juridictionnelle (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

5. Il est constant que depuis son affectation au commissariat de police de Caen, M. A... a fait l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires. Ainsi, une exclusion temporaire de 3 jours, dont 2 avec sursis, a été prononcée à son encontre alors qu'il avait giflé une collègue le 15 juin 2005. Il a également fait l'objet d'un blâme en 2008 pour des absences injustifiées ainsi que d'une exclusion temporaire de fonctions de 3 mois, dont 2 avec sursis, le 10 décembre 2009, pour manque de ponctualité, absence de prise en compte des instructions de sa hiérarchie et manquements à ses obligations statutaires. Il a enfin été suspendu à compter du 25 février 2016. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, que M. A...a dû changer d'affectations ou de bureaux dans l'intérêt du service en raison de différends avec plusieurs collègues, notamment en mars 2009 et en juin 2011. En outre, par un arrêt du 5 février 2016, la cour d'appel de Caen l'a condamné à une peine d'emprisonnement de 18 mois dont 15 avec sursis pour des faits de violences assortie d'une obligation de se soumettre à des soins, y compris sous le régime de l'hospitalisation, l'intéressé indiquant lui-même dans sa requête qu'à la suite de cette affaire, il s'était disputé avec son épouse et que celle-ci avait porté plainte contre lui, entraînant la révocation d'une partie du sursis de sa peine. Il n'est pas contesté que l'intéressé a également fait l'objet de plusieurs plaintes pour troubles de voisinage. Si M. A...soutient que ces faits se sont déroulés dans un cadre privé, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors que le ministre s'en est prévalu pour estimer à juste titre qu'ils portaient atteinte à l'image de la police nationale. Enfin, par un arrêt de ce jour, les conclusions du requérant tendant à la condamnation de l'Etat pour des faits de harcèlement moral ayant été rejetées, l'intéressé ne peut utilement tenter de minimiser la portée de ses actes en invoquant sa grande fragilité psychologique qui, selon ses allégations, aurait une origine professionnelle. Il suit de là, et au vu du caractère répété des griefs formulés contre lui sur une durée de travail relativement courte incluant un arrêt travail pour maladie de plus d'un an et un emprisonnement de plusieurs mois, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du ministre de l'intérieur prononçant sa révocation serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et que cette sanction présenterait un caractère disproportionné.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur le surplus des conclusions :

7. Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A...et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juillet 2019.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00072


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00072
Date de la décision : 19/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CAVELIER

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-07-19;18nt00072 ?
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