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19/07/2019 | FRANCE | N°17NT02980

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 19 juillet 2019, 17NT02980


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison des faits de harcèlement moral dont il a été victime.

Par un jugement n° 1600164 du 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 septembre 2017, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler c

e jugement du tribunal administratif de Caen du 18 juillet 2017 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verse...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison des faits de harcèlement moral dont il a été victime.

Par un jugement n° 1600164 du 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 septembre 2017, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 18 juillet 2017 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter de sa réclamation préalable ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a fait l'objet d'actes répétés constitutifs de harcèlement moral depuis son affectation dans le département du Calvados ;

- ces actes lui ont causé un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence justifiant le versement d'une indemnité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés et se réfère à la liste des pièces produites en première instance

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., adjoint administratif de 1ère classe en poste au ministère de l'intérieur depuis 2002, a été affecté au sein de la circonscription de sécurité publique de Caen à compter du 1er septembre 2004. Par un courrier du 18 septembre 2015, il a présenté une réclamation préalable en vue d'obtenir la réparation des faits de harcèlement moral qu'il estime avoir subis au commissariat de police de Caen. Le 25 janvier 2016, il a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de ses préjudices. L'intéressé relève appel du jugement du 18 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ". Ces dispositions ont procédé à la transposition pour la fonction publique des dispositions relatives à la lutte contre le harcèlement de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.

3. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

5. M. A...dénonce, en premier lieu, des actes de malveillance à son égard de la part de ses collègues du commissariat de police de Caen. Il soutient qu'il aurait retrouvé ses costumes découpés aux ciseaux et le chargeur de son téléphone portable cassé, que des cris de singes auraient été proférés à son passage au niveau de l'accueil, que des bananes auraient été déposées sur son bureau et qu'il aurait reçu des courriels à caractère racistes. Selon lui, la seule réaction de sa hiérarchie aurait été la création en septembre 2015 d'un groupe de travail sur le " mal être " au travail. Il ressort toutefois des pièces du dossier, que lorsque la matérialité des faits était établie, et que leurs auteurs étaient identifiés, ces derniers ont été entendus et réprimandés par leur chef de service. Il n'est pas démontré que ces rappels à l'ordre n'auraient pas été proportionnés aux faits en cause, dont le caractère répété n'est pas établi, ou que l'administration les aurait systématiquement minimisés.

6. M. A...dénonce, en deuxième lieu, des changements d'affectation répétés. L'intéressé, agent de catégorie C, a en effet été affecté successivement, entre le 1er septembre 2004 et le 24 décembre 2012, au secrétariat de l'officier du ministère public, au service des archives de la sûreté départementale, au bureau du personnel du service de gestion opérationnelle puis à son retour de congé de longue durée au bureau de la logistique de ce même service. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ces changements lui ont été imposés dans l'intérêt du service à la suite de différends avec plusieurs collègues. Ils ne peuvent dès lors constituer des faits de harcèlement moral.

7. En troisième lieu, M. A...soutient qu'il a dû accomplir des tâches, non administratives, ne relevant pas de son statut particulier, et de surcroît peu valorisantes. S'il est constant qu'il a dû établir régulièrement des inventaires du mobilier ou des véhicules de l'hôtel de police, ces tâches relevaient de ses attributions et présentaient un caractère utile pour le service. En revanche, l'intéressé n'établit pas avoir été contraint de porter des charges lourdes contre-indiquées en raison de son état de santé ou de préparer et assurer le service lors de cocktails. Par ailleurs, si le ministre de l'intérieur ne conteste pas le fait qu'il a dû assurer des missions de chauffeur ou ramener seul un véhicule sérigraphié entre Caen et Rennes, il précise, sans être sérieusement contredit, qu'un fonctionnaire exempté de tenue ne peut conduire ce type de véhicule et qu'aucune autre restriction n'existe dans le règlement général de l'emploi de la police nationale. De plus, si M. A...soutient qu'il n'a bénéficié d'aucune formation aux tâches administratives ou aux logiciels liés à la gestion logistique, il n'établit pas que de telles formations lui auraient été refusées. Enfin, le requérant n'établit ni la cadence " infernale " à laquelle il aurait été soumis lors de son affectation au service des archives, ni son désoeuvrement dans ses dernières fonctions au bureau de la logistique.

8. M. A...soutient en quatrième lieu avoir été " placardisé " dans un local de 4 m², qui de surcroît servait de local technique. Il n'est cependant pas contesté que lors de son affectation au bureau de la logistique à compter du 24 décembre 2012, il partageait un bureau du rez-de-chaussée avec deux autres collègues relevant du même service et qu'il a dû changer de bureau en juillet 2014 en raison d'un différend avec l'un de ces deux agents, lequel devait rester à côté des magasins dont il avait la charge. M. A...a alors été placé au 2ème étage, dans le seul bureau disponible, équipé d'un matériel informatique et d'un téléphone relié au standard. Contrairement à ce que soutient l'intéressé, il ressort des pièces du dossier ce bureau d'une superficie suffisante comportait des ouvertures sur l'extérieur et était situé à côté du médecin de prévention, de l'assistante sociale, des organisations syndicales et d'une cafétéria. Il ne pouvait dès lors être regardé comme isolé.

9. Si M. A...soutient, en cinquième lieu, qu'aucun reproche ne lui a été fait sur sa manière de servir, lors de sa notation de 2015 son supérieur hiérarchique a cependant souligné ses difficultés relationnelles avec ses collègues. En outre, l'intéressé a fait l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires en raison de nombreuses menaces physiques ou verbales proférées envers ses collègues. Si l'intéressé soutient par ailleurs avoir contesté sa révocation prononcée le 25 octobre 2016, il résulte d'un arrêt de ce jour que les conclusions dirigées contre cette décision ont été rejetées. Par suite, le requérant n'établit pas que l'administration aurait systématiquement aggravé les faits commis par lui et aurait engagé à son encontre des procédures disciplinaires infondées. De plus, contrairement à ce qu'il prétend, il a nécessairement été entendu et amené à faire valoir ses observations dans le cadre de ces sanctions.

10. En sixième lieu, s'il n'est pas contesté qu'au cours de son affectation à Caen, M. A... a présenté plusieurs demandes de mutation, le ministre de l'intérieur produit les avis favorables de sa hiérarchie, tout en précisant que ses souhaits ne pouvaient aboutir sans l'accord du service d'accueil. Par suite, l'intéressé n'établit pas que son administration aurait fait obstacle à ses demandes de mutation.

11. En dernier lieu, si M. A...soutient que ses demandes de congés pour enfant malade auraient été refusées, outre le fait qu'il n'indique pas précisément quelles demandes auraient été rejetées, le ministre rappelle que cette faculté ne constitue pas un droit et qu'elle est laissée à l'appréciation du chef de service qui doit veiller au bon fonctionnement de son unité. En outre, il n'est pas contesté que l'intéressé a bénéficié de six jours pour garde d'enfant en 2014 et de cinq jours en 2015.

12. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les faits dénoncés par le requérant résultent, lorsqu'ils sont établis, pour la plupart du propre comportement répréhensible de l'intéressé et ne sont pas de nature à établir une présomption de harcèlement moral à son encontre tant de la part de ses collègues que de celle de sa hiérarchie.

13. Il résulte de ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juillet 2019.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT02980


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02980
Date de la décision : 19/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CAVELIER

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-07-19;17nt02980 ?
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