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02/07/2019 | FRANCE | N°18NT04086

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 02 juillet 2019, 18NT04086


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la délibération du 29 mai 2017 par laquelle le conseil municipal de Granville a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune.

Par un jugement n° 1701424 du 25 septembre 2018 le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée devant la cour le 21 novembre 2018 et un mémoire complémentaire du 8 avril 2019, M. B..., représenté par Me H...-C..., dem

ande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 septembre 2018 ;

2°) d'annuler la délibéra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la délibération du 29 mai 2017 par laquelle le conseil municipal de Granville a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune.

Par un jugement n° 1701424 du 25 septembre 2018 le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée devant la cour le 21 novembre 2018 et un mémoire complémentaire du 8 avril 2019, M. B..., représenté par Me H...-C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 septembre 2018 ;

2°) d'annuler la délibération du 29 mai 2017 à tout le moins en tant qu'elle classe en zone 1N les parcelles AB 583 et 589 ainsi que la parcelle AE 1 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Granville une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la requête d'appel est recevable et n'est pas dépourvue d'objet ;

- le jugement est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière faute d'avoir respecté le principe du contradictoire ;

- le classement en zone 1N de la parcelle AE1 est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le classement en zone 1N des parcelles AB n° 583 et 589 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- un détournement de pouvoir a été commis.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 mars 2019, la commune de Granville et la communauté de communes Granville Terre et Mer, représentée par Me D...A..., concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. B...au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent qu'aucun moyen n'est fondé.

Par une ordonnance du 9 avril 2019, la clôture de l'instruction a été prononcée à effet du 25 avril 2019.

Un mémoire a été présenté le 30 avril 2019 par M. B...sans être communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juin 2019 :

- le rapport de Mme Brisson,

- les conclusions de M Derlange,

- les observations de MeG..., substituant MeC..., représentant M. B...et de MeE..., substituant Me D...A..., représentant la commune de Granville et la communauté de communes Granville Terre et Mer.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., propriétaire de plusieurs parcelles de terrain à Granville (Manche), a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la délibération du conseil municipal du 29 mai 2017 portant approbation de la révision du plan local d'urbanisme de la commune. Par un jugement n° 1701424 du 28 septembre 2018, le tribunal a rejeté sa demande. M. B...relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Conformément au principe du caractère contradictoire de la procédure, le juge administratif est tenu de ne statuer qu'au vu des seules pièces du dossier qui ont été communiquées aux parties. Il ressort des termes du jugement attaqué que, pour confirmer le classement opéré par la commune de Granville de la parcelle AE n°1, le tribunal s'est fondé sur les termes d'un inventaire des zones humides établi en mai 2011 par le cabinet DM'eau, se prononçant, en particulier, sur les caractéristiques physiques de cette parcelle. Alors même qu'au titre des pièces transmises par la commune devant le tribunal figuraient outre un plan d'ensemble du territoire communal et de ses zones humides, une fiche incluse dans le rapport de présentation du plan local d'urbanisme relative à la protection spécifique des zones humides invoquant l'existence du rapport du cabinet DM'eau ainsi que l'avis de la commissaire-enquêteur mentionnant le caractère humide de la parcelle AE n°1, il ressort des pièces du dossier que les conclusions du rapport de DM'eau n'ont été portées à la connaissance des défendeurs ni par la production de ce document ni par la citation de ses termes dans un autre document et que l'inventaire de mai 2011, sur lequel la juridiction s'est fondée, n'a été fourni par la commune pour la première fois qu'en appel.

3. Il s'ensuit qu'en se fondant sur cet élément, le tribunal a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure et a ainsi entaché son jugement d'irrégularité. Dès lors, M. B...est fondé à demander l'annulation de ce jugement.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Caen.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. En premier aux termes de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération du 26 mars 2010 : " I - Le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant : / a) Toute (...) révision (...) du plan local d'urbanisme ; (...) Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux a, b et c ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue au premier alinéa ont été respectées. Les autorisations d'occuper ou d'utiliser le sol ne sont pas illégales du seul fait des vices susceptibles d'entacher cette délibération ou les modalités de son exécution. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les irrégularités ayant affecté le déroulement de la concertation au regard des modalités définies par la délibération prescrivant la révision du document d'urbanisme peuvent être utilement invoquées à l'occasion d'un recours contre le plan local d'urbanisme approuvé.

6. Aux termes d'une délibération du 26 mars 2010, le conseil municipal de Granville a précisément défini les modalités de la concertation préalable à la révision du plan local d'urbanisme prévoyant l'organisation d'une réunion publique pour le diagnostic et le projet d'aménagement et de développement durables puis d'une autre réunion publique une fois le plan de zonage et le règlement joints au dossier, une présentation évolutive sur le site internet de la commune avec la création d'un forum de discussion, la publication d'un magazine thématique consacré au plan local d'urbanisme, l'ouverture d'un registre mis à la disposition du public et la tenue d'une réunion avec les propriétaires et les exploitants agricoles des terrains concernés par l'ouverture à l'urbanisation. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la délibération du 21 septembre 2016 tirant le bilan de la concertation publique et arrêtant le projet de plan local d'urbanisme de Granville, qu'une réunion publique relative au projet d'aménagement et de développement durables a eu lieu le 7 mai 2015, qu'une réunion publique présentant le projet de plan local d'urbanisme a été tenue le 31 août 2016, qu'un registre a été mis à la disposition du public dès le 10 avril 2010 dans les locaux de la mairie afin de recueillir les observations et propositions, que le numéro du magazine " Le Regard sur Granville " de juillet 2016 a présenté les enjeux de la révision du plan local d'urbanisme, qu'une page spécifique relative à la révision du plan local d'urbanisme a été créée sur le site internet de la commune ainsi qu'un blog et un formulaire en ligne, qu'une réunion publique avec les propriétaires fonciers et les exploitants agricoles concernés par le projet de la ZAC de la Clémentière a eu lieu le 26 mai 2016. Ainsi, les modalités de la concertation définies par la délibération du 26 mars 2010 ont été respectées. La durée de la concertation a été suffisante. La circonstance que seules cinquante et une observations ont été recueillies est sans incidence sur la régularité de la procédure de concertation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.

7. En deuxième lieu, si l'enquête publique dont l'organisation était, aux termes de l'arrêté du maire du 17 janvier 2017, prévue pour se dérouler du 13 février au 17 mars 2017 et comporter 5 journées au cours desquelles le public pourrait être reçu par le commissaire-enquêteur, la circonstance que les dates d'enquête publique ont, par un arrêté modificatif du 30 janvier 2017, été reportées, l'enquête devant se dérouler du 20 février au 27 mars 2017, n'a pas été, alors que tant la durée de l'enquête que le nombre de permanences du commissaire enquêteur (5) sont restés identiques et que le calendrier de ces permanences a été modifié pour tenir compte du report des dates d'enquête, de nature à priver les personnes intéressées de la possibilité de porter à la connaissance du commissaire enquêteur leurs observations sur le projet de plan local d'urbanisme.

8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la convocation adressée aux conseillers municipaux le 23 mai 2017 en vue de la réunion du 29 mai suivant était assortie d'une note de synthèse rappelant outre la procédure d'élaboration du plan local d'urbanisme, la teneur de l'avis du commissaire-enquêteur et était accompagnée du mémoire en réponse déposé par la ville à la suite de cet avis. Cette convocation comprenait également une note relative au bilan de la concertation et un exemplaire dématérialisé du projet de plan local d'urbanisme. Dès lors le requérant n'est pas fondé à soutenir que les conseillers municipaux auraient été insuffisamment informés en méconnaissance des articles L. 2122-12 et L. 2122-13 du code général des collectivités territoriales.

9. En quatrième lieu, il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes ou antérieures d'utilisation des sols dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme. Leur appréciation ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

10. Aux termes de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles (...) sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle (...) les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; (...) / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; (...) ".

En ce qui concerne le classement de la parcelle AE n°1 :

11. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle AE 1, antérieurement classée en zone urbaine du plan d'occupation des sols, traversée par un affluent du ruisseau du Couvent, d'une superficie de 3 210 m2 est totalement dépourvue de constructions et jouxte de vastes parcelles elles-mêmes non bâties.

12. M. B...soutient que ce classement est erroné dès lors que cette parcelle ne se caractérise pas par la présence d'une zone humide. L'étude réalisée en 2011 par le cabinet DM'eau mentionne une zone humide de 0,23 ha dans le secteur du bassin versant du Boscq, alors qu'un assèchement de ce terrain devrait être constaté depuis que la commune de Granville a entrepris des travaux et que le projet de découpage parcellaire proposé le 27 avril 2017 par l'intéressé ne retient qu'une emprise humide de 456 m2. Toutefois, ces circonstances, alors que d'une part, le projet d'aménagement et de développement durables prévoit dans la vallée du Boscq de préserver le réseau hydrographique pour garantir durablement une protection des zones humides inventoriées dans cette vallée et précise, en outre, que les élus ont souhaité conserver les espaces verts existants dans la ville au titre desquels figure la vallée du Boscq en amont du Val-es-Fleurs et que d'autre part, le rapport de présentation du plan local d'urbanisme rappelle la présence de quelques zones humides en bordure du ruisseau en dépit des aménagements urbains réalisés, ne sont pas, même si la parcelle litigieuse est insérée dans une partie urbanisée de la commune, de nature à établir que le classement serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne le classement des parcelles AB n° 583 et n° 589 :

13. En l'espèce, il est constant que ces parcelles, jouxtant la rue du Vieux Moulin, antérieurement classées en zone urbaine, sises dans le prolongement du secteur naturel constitué par la vallée du Boscq, sont situées en zone bleue du plan de prévention des risques correspondant à des zones potentiellement exposées à un risque d'instabilité du terrain en raison de leur déclivité mais où la probabilité de mouvement de terrain est faible et dans lesquelles des constructions nouvelles peuvent être autorisées sous réserve de respecter des prescriptions particulières.

14. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment du projet d'aménagement et de développement durables que la ville de Granville s'est donnée pour objectif de préserver les espaces naturels " qui sont la matrice naturelle de la commune " et qu'" à ce titre la vallée du Boscq a été identifiée comme jouant un rôle fort de coupure verte ". Le plan local d'urbanisme prévoit que ces espaces donnent lieu à diverses actions destinées à les préserver notamment par le maintien des coteaux existants afin de conforter leur rôle dans la trame verte communale. Le commissaire enquêteur, compte tenu de la configuration des lieux, de la déclivité du terrain et de la présence d'une voie à grande circulation a, s'agissant du secteur constitué par ces deux parcelles, considéré qu'une intégration en secteur UD était difficilement concevable.

15. Par suite, et alors même qu'un certificat d'urbanisme opérationnel a été accordé à M. B...le 1er mars 2017 en vue de la réalisation de logements sociaux, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le classement des parcelles AB n° 583 et 589 serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

16. Enfin, la circonstance que M. B...a donné son accord pour une cession à la ville de Granville de l'emplacement réservé prévu pour l'élargissement de la rue du Moulin moyennant le versement d'une somme de 50 euros par m2 alors que les services des domaines ont estimé sa valeur vénale à un moindre montant ne saurait être de nature à caractériser le détournement de pouvoir qui aurait été commis par la commune en classant comme elle l'a fait les parcelles AB n° 583 et 589.

17. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la délibération portant approbation de la révision du plan local d'urbanisme.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Granville qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par M. B...ne peuvent dès lors être accueillies.

19. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. B...une somme de 750 euros qui sera versée à la commune de Granville et une somme de 750 euros qui sera versée à la communauté de communes Granville Terre et Mer au titre des frais exposés par les défenderesses et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 25 septembre 2018 est annulé.

Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.

Article 3 : M. B... versera à la commune de Granville et à la communauté de communes Granville Terre et Mer une somme de 750 euros, chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., à la commune de Granville et à la communauté de communes Granville Terre et Mer.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2019, où siégeaient :

- M. Perez, président de chambre,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. Giraud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2019.

Le rapporteur,

C. BRISSONLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18NT04086


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT04086
Date de la décision : 02/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SCP FOUSSARD - FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-07-02;18nt04086 ?
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