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24/06/2019 | FRANCE | N°18NT02536

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 24 juin 2019, 18NT02536


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 28 mai 2018 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé sa remise aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1802462 du 5 juin 2018, la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête et un mémoire, enregistrés le 2 juillet 2018 et le 28 décembre 2018, le préfet d'Ille-et-V...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 28 mai 2018 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé sa remise aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1802462 du 5 juin 2018, la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 juillet 2018 et le 28 décembre 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 juin 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rennes.

Il fait valoir que :

- la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des paragraphes 1 et 2 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- le seul fait d'effectuer une IRM pour une douleur ligamentaire et de bénéficier d'un traitement médicamenteux pendant une dizaine de jours ne démontre pas que l'intéressé effectue un suivi médical, mais plutôt une situation médicale ponctuelle ;

- la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes a commis une erreur de fait, le niveau des soins prodigués dans l'ensemble des Etats membres étant comparable, les soins amorcés en France peuvent donc être poursuivis dans l'Etat-membre responsable de la demande d'asile ;

- il entend maintenir l'ensemble de ses conclusions.

Vu la lettre du 24 janvier 2019 par laquelle les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert en raison de l'expiration du délai de six mois prévu au 1 de l'article 29 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai aurait été prolongé dans les conditions prévues au 2 du même article.

Vu la réponse de la préfète d'Ille-et-Vilaine au moyen d'ordre public, enregistrée le 31 janvier 2019.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 5 octobre 2018.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant soudanais, est entré en France selon ses déclarations le 3 octobre 2017. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 23 octobre 2017 auprès de la préfecture de police de Paris. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que ses empreintes avaient été enregistrées en Italie le 17 septembre 2017. Les autorités italiennes, saisies d'une demande de reprise en charge le 6 novembre 2017 sur le fondement de l'article 13.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ont fait droit à cette demande par décision implicite. Par un arrêté du 28 mai 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé de remettre M. B... aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un arrêté du même jour, cette autorité a également assigné l'intéressé à résidence. Par sa présente requête, le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement du 5 juin 2018 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes a annulé ces décisions et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de M. B...dans un délai de trois semaines à compter de la notification du jugement.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté de transfert :

2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet d'Ille-et-Vilaine pour procéder à l'exécution de sa décision de transférer M. B...vers l'Italie a été interrompu par la saisine de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter de la notification à l'administration du jugement du 5 juin 2018 rendu par cette dernière et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai ait fait l'objet d'une prolongation. La France est donc devenue responsable de l'examen de la demande d'asile de l'intéressé sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604-2013 rappelées. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du préfet d'Ille-et-Vilaine tendant à l'annulation du jugement du 5 juin 2018 en tant qu'il a annulé l'arrêté de transfert du 28 mai 2018.

Sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté portant assignation à résidence :

5. Le préfet d'Ille-et-Vilaine ne soulevant aucun moyen à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il annule l'arrêté du 28 mai 2018 portant assignation à résidence de l'intéressé, les conclusions visées ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fins d'annulation du jugement en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat une somme au titre des frais engagés pour l'instance :

6. Par l'article 4 du jugement attaqué le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a mis à la charge de l'Etat, sur le fondement des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative une somme de 800 euros.

7. Dans les circonstances de l'espèce et dès lors que le premier juge n'a pas fait une appréciation manifestement exagérée des frais liés au litige, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'est pas fondé à demander l'annulation de cette disposition du jugement attaqué.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du préfet d'Ille-et-Vilaine tendant à l'annulation du jugement du 5 juin 2018 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes en tant qu'elle a annulé l'arrêté de transfert de M. B...du 28 mai 2018.

Article 2 : Le surplus des conclusions du préfet d'Ille-et-Vilaine est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information à la préfète d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 juin 2019.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

H. LENOIRLa greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT02536


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02536
Date de la décision : 24/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET GAELLE LE STRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-06-24;18nt02536 ?
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