La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/06/2019 | FRANCE | N°18NT02126

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 24 juin 2019, 18NT02126


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 15 mai 2018 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé sa remise aux autorités slovènes responsables de l'examen de sa demande d'asile ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1802225 du 22 mai 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une re

quête et des mémoires, enregistrés le 29 mai 2018 et les 2 et 3 janvier 2019, le préfet d'Ille-et-V...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 15 mai 2018 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé sa remise aux autorités slovènes responsables de l'examen de sa demande d'asile ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1802225 du 22 mai 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 mai 2018 et les 2 et 3 janvier 2019, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes du 22 mai 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Rennes.

Il fait valoir que :

- le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant une méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- à supposer que le vice soit établi, celui-ci n'a pas privé l'intéressée d'une garantie ;

- il entend maintenir l'ensemble de ses conclusions car s'il est évident que la mesure de transfert de Mme B...ne peut plus être exécutée, le moyen relatif à la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 est toujours d'actualité et continuera à s'appliquer sur les prochains dossiers de transfert.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 juillet 2018, le 20 juillet 2018 et le 2 janvier 2019, MmeB..., représentée par Me C...conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de transfert ne peut plus être exécutée, en raison de l'expiration du délai de six mois prévu au 1 de l'article 29 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013, l'appel est sans objet ;

- les moyens soulevés par le préfet d'Ille-et-Vilaine ne sont pas fondés.

Vu la lettre du 17 décembre 2018 par laquelle la cour a demandé au préfet d'Ille-et-Vilaine de l'informer, dès que possible, de toute décision affectant la situation du demandeur et de produire toute pièce en justifiant.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 juillet 2018.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 15 mai 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé de remettre Mme B..., ressortissante azérie, née le 11 mars 1980, aux autorités slovènes responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un arrêté du même jour, cette autorité a également assigné l'intéressée à résidence, lui a interdit de sortir du département d'Ille-et-Vilaine, et l'a astreinte à remettre l'original de son passeport contre un récépissé et à se présenter une fois par semaine, les mardis à 17h00 à la gendarmerie de Mordelles. Par sa présente requête, le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement du 22 mai 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé ces décisions et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté de transfert :

2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet d'Ille-et-Vilaine pour procéder à l'exécution de sa décision de transférer Mme B... vers la Slovénie a été interrompu une première fois par la saisine du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes contre les arrêtés du 15 mai 2018 du préfet d'Ille-et-Vilaine puis une seconde fois par l'introduction d'un recours contre des arrêtés du 7 juin 2018 de ce préfet. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter de la notification à l'administration du jugement du 13 juin 2018 rendu par le magistrat désigné et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai ait fait l'objet d'une prolongation. En outre, il ressort de l'attestation de demande d'asile produite en défense que le préfet d'Ille-et-Vilaine a procédé à l'enregistrement en procédure normale de la demande d'asile de Mme B... le 7 décembre 2018. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile de l'intéressée sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 rappelées. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du préfet d'Ille-et-Vilaine tendant à l'annulation du jugement du 22 mai 2018 en tant qu'il a annulé l'arrêté de transfert du 15 mai 2018.

Sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté portant assignation à résidence :

5. Le préfet d'Ille-et-Vilaine ne soulevant aucun moyen à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il annule l'arrêté du 15 mai 2018 portant assignation à résidence de MmeB..., les conclusions visées ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fins d'annulation du jugement en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat une somme au titre des frais engagés pour l'instance :

6. Par l'article 5 du jugement attaqué le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a mis à la charge de l'Etat, sur le fondement des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative une somme de 800 euros.

7. Dans les circonstances de l'espèce et dès lors que le premier juge n'a pas fait une appréciation manifestement exagérée des frais liés au litige, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'est pas fondé à demander l'annulation de cette disposition du jugement attaqué.

Sur les frais liés au litige :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du préfet d'Ille-et-Vilaine tendant à l'annulation du jugement du 22 mai 2018 du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a annulé l'arrêté de transfert de Mme B...du 15 mai 2018.

Article 2 : Le surplus des conclusions du préfet d'Ille-et-Vilaine est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de Mme B...sur le fondement des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information à la préfète d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 juin 2019.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT02126


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02126
Date de la décision : 24/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET CAROLE GOURLAOUEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-06-24;18nt02126 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award