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12/04/2019 | FRANCE | N°17NT02143;17NT02179

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 12 avril 2019, 17NT02143 et 17NT02179


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B..., M. H...A...et Mme J...A...ont demandé au tribunal de Caen, d'une part, de condamner solidairement la communauté de communes Evrecy-Orne-Odon et l'association Rivières et Bocages à leur verser la somme de 100 825,19 euros en réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait de la destruction du barrage de prise d'eau du moulin d'Olivet et, d'autre part, d'enjoindre à la communauté de communes Evrecy-Orne-Odon et à l'association Rivières et Bocages, après en avoir demandé et obtenu l'autorisat

ion auprès des services de l'Etat compétents dans un délai de six mois à c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B..., M. H...A...et Mme J...A...ont demandé au tribunal de Caen, d'une part, de condamner solidairement la communauté de communes Evrecy-Orne-Odon et l'association Rivières et Bocages à leur verser la somme de 100 825,19 euros en réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait de la destruction du barrage de prise d'eau du moulin d'Olivet et, d'autre part, d'enjoindre à la communauté de communes Evrecy-Orne-Odon et à l'association Rivières et Bocages, après en avoir demandé et obtenu l'autorisation auprès des services de l'Etat compétents dans un délai de six mois à compter du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de réaliser les travaux de remise en état de l'ouvrage.

Par un jugement n° 1500872 du 17 mai 2017, le tribunal administratif de Caen a condamné, d'une part, solidairement la communauté de communes, devenue communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon, et l'association Rivières et Bocages à verser aux consorts B...et A...la somme de 18 425 euros, d'autre part, l'association Rivières et Bocages à garantir la communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon du règlement des sommes mises à sa charge.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 juillet 2017, 7 septembre et 26 novembre 2018 sous le n°17NT02143, l'association Rivières et Bocages, représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 17 mai 2017 ;

2°) de rejeter la demande des consorts B...et A...;

3°) de rejeter l'appel en garantie formé à son encontre par la communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon ;

4°) de mettre à la charge des consorts B...et A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions indemnitaires présentées en appel par les consorts B...-A... sont pour partie nouvelles et donc irrecevables ;

- elle n'est pas intervenue sur l'ouvrage appartenant aux requérants et n'est pas responsable de sa destruction ; la convention passée entre Mme B...et la communauté de communes n'a prévu, en ce qui la concerne, que l'enlèvement des déchets du lit de la rivière ;

- il est établi que les éléments constitutifs du barrage étaient détruits au jour de la réalisation des travaux ; le procès-verbal de constat du 9 juin 2009, le témoignage de M. E...et celui de M. K...ainsi que les photographies joints au compte-rendu de visite des lieux établi en mars 2009 par ce dernier ne sont pas de nature à remettre cet élément de fait en question ; les témoignages de M. E...et de Mme B...sont à cet égard concordants et indiquent qu'à la suite de la crue et de l'inondation des premiers jours de décembre 2008, le seuil s'est totalement écroulé et le bief s'est asséché ;

- le défaut d'entretien de l'ouvrage, qui est imputable aux requérants, est constitutif d'une faute de la victime de nature à l'exonérer de toute responsabilité, de même que la longueur du déversoir qui était supérieure à celle autorisée ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation quant à l'étendue du préjudice ; en effet, une indemnité correspondant au coût des travaux de réfection ne pouvait être fixée qu'en considération de la valeur vénale de l'ouvrage litigieux avant l'intervention en litige ; or il est établi qu'à cette date, l'ouvrage s'était écroulé à la suite de la crue et de l'inondation de début décembre 2008 ;

- par ailleurs, le dommage étant connu dans son étendue en juin 2009, le coût des travaux à réaliser ne pouvait être évalué en 2017 ;

- l'appel en garantie formé contre elle par la communauté de communes Vallée de l'Orne et de l'Odon n'est pas, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, fondé car la commune intention des parties était bien de procéder à une réception implicite des travaux, qui est intervenue.

Par des mémoires enregistrés les 21 août 2018 et 20 mars 2019 la communauté de communes Evrecy-Orne-Odon, désormais communauté de communes Vallée de l'Orne et de l'Odon, représentée par la SCP Créance Ferreti Hurel, conclut :

1°) à la réformation du jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité dans la survenue du dommage ;

2°) à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné l'association Rivières et bocages à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre ;

3°) à la condamnation des consorts B...et A...à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par les consorts B...et A...ne sont pas fondés ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a estimé que la destruction du barrage résultait de l'intervention réalisée à l'occasion des travaux sur le cours d'eau et que, par suite, les consorts A...et B...étaient, en leur qualité de tiers par rapport aux travaux litigieux, fondés à se prévaloir d'un préjudice anormal et spécial, leur ouvrant droit à indemnisation ;

- tout d'abord, le lien de causalité n'est, en effet, pas établi entre les travaux d'aménagement réalisés par l'association Rivières et Bocages et la détérioration du barrage ;

- ensuite, il est établi que la détérioration du barrage était antérieure aux travaux d'aménagement réalisés par l'association ;

- le défaut d'entretien de l'ouvrage imputable aux consorts B...-A... est constitutif d'une faute qui fait obstacle à ce qu'ils puissent rechercher sa responsabilité ;

- à titre subsidiaire, les réclamations indemnitaires des consorts B...-A... ne sont en rien justifiées ; ils n'ont jamais justifié de la réalité de leur préjudice, ni davantage d'une quelque évaluation contradictoire et sérieuse de travaux de réparation qui seraient strictement limités à la remise en état de l'ouvrage dans l'état où il se trouvait antérieurement à sa destruction, dont il convient de rappeler qu'elle n'est pas en relation avec les travaux litigieux ; le devis produit par les requérants n'a fait l'objet d'aucune vérification ni expertise contradictoire.

Par des mémoires enregistrés les 2 octobre et 31 décembre 2018 MmeB..., Mme J...A...et M. H...A..., représentés par MeC..., concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, et le cas échéant après avoir ordonné une expertise, à la réformation du jugement et à la condamnation solidaire de la communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon et de l'association Rivières et Bocages à leur verser la somme totale de 501 352, 48 euros en réparation du préjudice subi ;

3°) à la condamnation de la communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon et l'association Rivières et Bocages à déposer un dossier de demande d'autorisation de travaux auprès des services de l'Etat dans le délai de 6 mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires dans un délai de 10 mois, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à ce que soit mise à la charge solidaire de l'association Rivages et Bocages et de la communauté de communes la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- les moyens présentés par l'association requérante et la communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon ne sont pas fondés ;

- la responsabilité de la communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon et de l'association Rivières et Bocages est engagée ; le marché de travaux confié à l'association ne concernait que des interventions sur les berges de la Guigne et non pas sur le barrage déversoir et sur le vannage du moulin d'Olivet ; le prestataire devait s'assurer qu'aucun dommage ne pourrait être causé à cet ouvrage à l'occasion des travaux ; or cette association est intervenue sur le barrage sans autorisation et a démoli cet ouvrage, ou à tout le moins achevé sa démolition s'il devait être établi qu'une crue antérieure l'avait effectivement abîmé ;

- aucun élément ne permet d'établir que l'ouvrage concerné était effondré avant la réalisation des travaux en litige ; le constat d'huissier dressé le 9 juin 2009 a permis de constater que l'armature métallique de la vanne de dérivation et de la dalle supérieure du déversoir se trouvaient à plus d'un mètre en amont de leur emplacement originel et que le seuil de ce barrage était incliné dans le sens contraire à celui du courant, autant d'éléments qui confirment que la destruction du barrage trouve son origine dans une intervention humaine ;

- le tribunal a insuffisamment apprécié l'étendue du préjudice subi ; ils versent aux débats un devis établi par l'entreprise Lefevre, spécialiste reconnue dans le domaine de la restauration du patrimoine ancien, qui a évalué le coût de reconstruction du barrage du moulin d'Olivet, avec les mêmes caractéristiques que l'ouvrage d'origine, à la somme de 544 252,68 euros TTC ; toutefois, il y a lieu de tenir compte du coût actualisé de remise en état des brèches, vannages et reconstruction d'une passe à poissons d'un montant de 42 900 euros TTC et qui doit rester à leur charge ; le montant de l'indemnisation que doivent supporter l'association Bocages et Rivages et la communauté de communes s'élève ainsi à 501 352,68 euros.

II°) Par une requête et des mémoires enregistrés sous le n° 17NT02179 les 18 juillet 2017 et les 2 octobre et 31 décembre 2018 MmeB..., Mme J...A...et M H...A..., représentés par MeC..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Caen du 17 mai 2017 ;

2°) de condamner solidairement la communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon et l'association Rivières et Bocages, le cas échéant après avoir ordonné une expertise, à leur verser la somme totale de 501 352, 48 euros en réparation du préjudice subi ;

3°) de condamner la communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon et l'association Rivières et Bocages à déposer un dossier de demande d'autorisation de travaux auprès des services de l'Etat dans le délai de 6 mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires dans un délai de 10 mois, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge solidaire de la communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon et de l'association Rivières et Bocages la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils invoquent les mêmes moyens que dans l'instance 17NT02143.

Par des mémoires enregistrés les 30 novembre 2017 et 20 mars 2019 la communauté de communes Evrecy-Orne-Odon, désormais communauté de communes Vallée de l'Orne et de l'Odon, représentée par la SCP Créance Ferreti Hurel, conclut :

1°) au rejet de la requête présentée par les consorts B...etA... ;

2°) à la réformation du jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité dans la survenue du dommage ;

3°) à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a condamné l'association Rivières et bocages à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre ;

4°) à ce que soit mis à la charge des consorts B...et A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la destruction du barrage résulterait de l'intervention réalisée à l'occasion des travaux sur le cours d'eau et que, par suite, les consorts A...et B...seraient, en leur qualité de tiers par rapport aux travaux litigieux, fondés à se prévaloir d'un préjudice anormal et spécial, leur ouvrant droit à indemnisation ;

- à titre subsidiaire, les réclamations indemnitaires des consorts B...-A... ne sont en rien justifiées ;

- les moyens soulevés par les consorts B...et A...ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 7 septembre et 26 novembre 2018, l'association Rivières et Bocages, représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 17 mai 2017 ;

2°) de rejeter la demande des consorts B...et A...;

3°) de rejeter l'appel en garantie formé à son encontre par la communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon ;

4°) de mettre à la charge des consorts B...et A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle invoque les mêmes moyens que dans l'instance 17NT02143.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

- le rapport de M. Coiffet,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- les observations de MeF..., représentant l'association Rivières et Bocages et de MeG..., substituant MeC..., représentant Mme B...et M. et MmeA....

Une note en délibéré a été produite le 29 mars 2019 par les consorts A...-B... dans chacune des deux instances.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D...B..., M. H...A...et Mme J... A...sont propriétaires indivis d'un moulin hydraulique, appelé le moulin d'Olivet, situé sur la commune de Vieux (Calvados). Ce moulin était constitué d'un barrage de prise d'eau situé sur la rivière La Guigne, affluent de l'Orne, d'un canal d'amenée, d'un bâtiment de moulin implanté au niveau de la chute créée par la dérivation ainsi que d'un canal de restitution des eaux à la rivière. La destruction du barrage de prise d'eau a été constatée au début de l'année 2009, alors qu'était concomitamment réalisé un programme général de restauration du cours d'eau La Guigne, tendant notamment à rétablir la libre circulation des poissons migrateurs. Ce programme était exécuté dans le cadre d'un marché public passé entre l'association Rivières et Bocages, prestataire, et la communauté de communes Evrecy-Orne-Odon. Estimant que la dégradation du barrage avait été causée par les travaux effectués, les consorts B...et A...ont recherché devant le tribunal administratif de Caen la responsabilité de la communauté de communes Evrecy-Orne-Odon et de l'association Rivières et Bocages et sollicité leur condamnation solidaire à leur verser la somme de 100 825,19 euros en réparation du préjudice subi.

2. Par un jugement du 17 mai 2017, cette juridiction a condamné solidairement la communauté de communes Evrecy-Orne-Odon, devenue communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon, et l'association Rivières et bocages à verser aux consorts B...et A...la somme de 18 425 euros, puis condamné l'association Rivières et Bocages à garantir la communauté de communes du règlement des sommes mises à sa charge. Sous le n°17NT02143, l'association Rivières et Bocages relève appel de ce jugement. Sous le n° 17NT02179, Mme B...et les époux A...sollicitent la réformation du même jugement en ce qu'il a limité à 18 425 euros l'indemnité accordée et demandent la condamnation solidaire de la communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon et l'association Rivières et Bocages à leur verser la somme totale de 501 352, 48 euros correspondant au coût des travaux de reconstruction du barrage du moulin d'Olivet. Les consorts A...-B... ont formé appel incident dans l'instance 17NT02143 et la communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon a formé appel incident dans les deux instances. Les requêtes nos 17NT02143 et 17NT02179 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la responsabilité :

3. La mise en jeu de la responsabilité sans faute d'une collectivité publique pour dommages de travaux publics à l'égard d'un justiciable qui est tiers par rapport à une opération de travaux publics est subordonnée à la démonstration par cet administré de l'existence d'un dommage anormal et spécial et d'un lien de causalité entre cette opération et le dommage subi. La réparation de ces dommages peut être réclamée soit à l'entrepreneur, soit à la collectivité publique maître de l'ouvrage, soit à l'un et l'autre solidairement. Les personnes mises en cause doivent alors, pour dégager leur responsabilité, établir que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure. Dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.

4. Il résulte de l'instruction que dès l'année 1991 l'administration a informé MmeB..., en sa qualité de propriétaire du moulin d'Olivet, de la nécessité de reprendre l'étanchéité du barrage pour éviter des descellements et éventuellement une fuite grave. Le dossier de déclaration d'intérêt général établi en décembre 2004 et accompagnant le programme de restauration et d'entretien du cours d'eau La Guigne et de rétablissement de la libre circulation des poissons migrateurs indiquait aussi que " l'ensemble de l'ouvrage est en mauvais état " et relevait " des fuites importantes sous le déversoir, une brèche de contournement de l'ouvrage en amont en période de crue ainsi qu'une vanne délabrée, non manoeuvrable ". Ce constat sur l'état des lieux n'a pas été remis en cause postérieurement, ainsi que le confirme l'arrêté préfectoral du 27 juillet 2007 déclarant d'intérêt général le programme de restauration entrepris par la communauté de communes et qui prévoyait sur le barrage en litige " la mise en place d'une passe à poissons constituée de trois bassins, confortement du déversoir et restauration du vannage ". Il résulte également de l'instruction et il n'est pas contesté qu'aucun travail de reprise ou de confortement, voire d'entretien, n'a été entrepris par ses propriétaires durant toutes ces années sur cet ouvrage dont l'état était fortement dégradé.

5. Par ailleurs, si le constat d'huissier dressé le 9 juin 2009 à la demande des requérants établit que le barrage du moulin était, à cette dernière date, soit postérieurement à l'intervention sur les lieux de l'association Rivières et Bocages en janvier 2009, entièrement détruit, il ne résulte toutefois pas de ce document ni d'aucun des différents éléments, témoignages, rapports et clichés versés au dossier que la destruction du barrage aurait été causée par les travaux réalisés par cette association dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée et qui était limitée à l'enlèvement des déchets dans le lit du cours d'eau la Guigne. Ainsi, si le constat d'huissier du 9 juin 2009, évoqué plus haut, note que le seuil du barrage litigieux est incliné dans le sens contraire à celui du courant et que l'ensemble des gravats sont localisés en amont, de sorte que l'effondrement de l'ouvrage ne pourrait avoir eu lieu que par l'effet d'une intervention humaine, ces éléments de fait, qui ne relèvent que du constat indirect ou de l'hypothèse, ne permettent pas d'imputer à l'association Rivières et Bocages la destruction du barrage du moulin d'Olivet. Ainsi également l'attestation de M.E..., voisin et riverain de l'ouvrage litigieux, établie le 8 juillet 2009, et dont les consorts B...et A...se réclament afin de contester le rôle que la communauté de communes et l'association ont entendu attribuer à des phénomènes de pluies exceptionnelles survenus en décembre 2008, se borne à constater " qu'en novembre et décembre 2008 le barrage du moulin d'Olivet existait encore et comportait une brèche ".

6. De ce qui a été énoncé aux points 4 et 5 il résulte, sans qu'il soit besoin de s'interroger sur la pertinence du courrier rédigé le 11 mars 2009 par Mme B...évoquant l'antériorité de l'effondrement de l'ouvrage litigieux, qu'en l'absence de tout lien de causalité direct et certain établi entre l'effondrement du barrage du moulin d'Olivet et l'intervention sur les lieux de l'association Rivières et Bocages, les consorts B...et A...n'étaient pas fondés à rechercher la responsabilité solidaire de cette association et de la communauté de communes Evrecy-Orne-Odon devenue désormais communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon. C'est, par suite, à tort que les premiers juges ont estimé que la destruction totale du barrage du moulin d'Olivet trouvait sa cause dans les interventions réalisées par l'association Rivières et Bocages et ont condamné cette association et la communauté de communes à indemniser ses propriétaires. La communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon ayant formé un appel incident dans l'instance n°17NT02179 introduite par Mme B...et les épouxA..., le jugement attaqué doit en conséquence être annulé en totalité.

7. En l'absence du maintien de toute condamnation à l'encontre de la communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon, les conclusions, renouvelées en appel, de cette collectivité en vue d'être garantie par l'association Rivières et Bocages sont dépourvues d'objet et ne peuvent qu'être rejetées.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que l'association Rivières et Bocages, par la voie de l'appel principal, et la communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon, par la voie de l'appel incident, sont fondées à demander l'annulation du jugement attaqué. La requête des consorts B...et A...ainsi que leurs conclusions aux fins d'injonction et les conclusions d'appel en garantie présentées par la communauté de communes doivent être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'association Rivières et Bocages et la communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon, qui ne sont pas les parties perdantes à l'instance, versent aux consorts B...et A...la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche dans les circonstances de l'espèce, ces derniers devront verser au même titre à l'association Rivières et Bocages et à la communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon la somme de 1 000 euros chacune.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500872 du tribunal administratif de Caen du 17 mai 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...et M. et Mme A...devant le tribunal administratif de Caen ainsi que leur requête n°17NT02179 sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n°17NT02143 de l'association Rivières et Bocages ainsi que le surplus des appels incidents formés par la communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon dans les deux instances sont rejetés.

Article 4 : Mme B...et M.et Mme A...verseront à l'association Rivières et Bocages et à la communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon la somme de 1 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B..., à M. H... A...et Mme J...A..., à la communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon et à l'association Rivières et Bocages.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur ;

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 avril 2019.

Le rapporteur,

O.CoiffetLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. I...

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT02143, 17NT02179


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02143;17NT02179
Date de la décision : 12/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-03-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute. Responsabilité encourue du fait de l'exécution, de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics. Victimes autres que les usagers de l'ouvrage public. Tiers.


Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP CREANCE FERRETTI HUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-04-12;17nt02143 ?
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