La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/03/2019 | FRANCE | N°18NT00459

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 08 mars 2019, 18NT00459


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeE... A... et M. C... F...B...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 27 octobre 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (CRRV) a rejeté leur recours formé contre la décision du 29 juillet 2016 des autorités consulaires françaises à Conakry refusant la délivrance d'un visa de long séjour à MmeA.à Ratoma, commune de Conakry, alors que ce dernier réside depuis 2008 en France

Par ordonnance n° 1610309

du 13 décembre 2017, le Tribunal Administratif de Nantes a jugé qu'il n'y avait pas ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeE... A... et M. C... F...B...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 27 octobre 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (CRRV) a rejeté leur recours formé contre la décision du 29 juillet 2016 des autorités consulaires françaises à Conakry refusant la délivrance d'un visa de long séjour à MmeA.à Ratoma, commune de Conakry, alors que ce dernier réside depuis 2008 en France

Par ordonnance n° 1610309 du 13 décembre 2017, le Tribunal Administratif de Nantes a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 février 2018, MmeE... A... et M. C... F...B..., représentés par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 13 décembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 27 octobre 2016 de la CRRV ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, sous astreinte de 500 € par jour de retard, de délivrer à Mme A...un visa de long séjour ainsi que le formulaire de demande d'attestation OFII, visé par l'autorité diplomatique ou consulaire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le visa que Mme A...a obtenu à la suite de l'ordonnance du juge des référés du 5 janvier 2017 ne privait pas d'objet l'instance au fond, dès lors que le visa n'a été délivré qu'à titre temporaire et ne permet pas la délivrance d'un titre de séjour ; c'est donc à tort que le non-lieu a été constaté par l'ordonnance attaquée ;

- la décision de la CRRV est insuffisamment motivée ;

- les actes d'état civil produits ne comportent aucune anomalie ou incohérence ; l'établissement de deux jugements supplétifs ne démontrent pas l'existence d'une fraude ; les documents produits établissent le lien matrimonial et l'identité des époux ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée à leur vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée, qui a constaté à tort un non-lieu à statuer, doit être infirmée ;

- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Degommier,

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... et M. B...relèvent appel de l'ordonnance du 13 décembre 2017 par laquelle le président de la 6ème chambre du Tribunal Administratif de Nantes a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur leur demande tendant à l'annulation de la décision du 27 octobre 2016 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (CRRV) rejetant leur recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Conakry refusant la délivrance d'un visa de long séjour à MmeA.à Ratoma, commune de Conakry, alors que ce dernier réside depuis 2008 en France

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Si les autorités consulaires françaises à Conakry ont délivré le 14 février 2017 un visa de long séjour à MmeA..., cette décision n'est intervenue que pour l'exécution de l'ordonnance du 5 janvier 2017 du juge des référés du tribunal administratif, qui a suspendu l'exécution de la décision du 27 octobre 2016 contestée de la CRRV. Une décision intervenue pour assurer l'exécution d'une mesure de suspension prise sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative revêt, par sa nature même, un caractère provisoire jusqu'à ce qu'il soit statué sur le recours en annulation présenté parallèlement à la demande en référé. Ainsi, le " visa de long séjour temporaire " délivré le 14 février 2017 à MmeA..., revêt par sa nature même un caractère provisoire et n'a pas pour effet de priver d'objet les conclusions présentées par Mme A...et M. B...à l'encontre de la décision du 27 octobre 2016 de la CRRV. Par suite, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, les conclusions dirigées contre cette décision n'étaient pas dépourvues d'objet, de sorte que l'ordonnance attaquée, en constatant un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre cette décision, est entachée d'une irrégularité. Cette ordonnance doit, par suite, être annulée.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A...et M. B...devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de la décision du 27 octobre 2016 de la CRRV :

4. En premier lieu, la décision de la CRRV contestée vise les dispositions des articles L. 211-l et les articles L. 411-1 et suivants du CESEDA dont elle fait application et indique que la demanderesse a produit deux actes de naissance différents, " dont l'un produit uniquement au recours ", comportant diverses anomalies et incohérences, notamment en ce qui concerne sa date de naissance, ce qui leur ôte tout caractère probant. Elle ajoute que l'acte de naissance produit lors de la demande de visa a été transcrit 11 jours seulement avant cette demande et plus d'un an après le mariage allégué, que l'identité de la demanderesse et son lien familia1 allégué ne sont donc pas établis et enfin, qu'en l'absence d'éléments suffisamment probants de possession d'état, les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de Sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales n'ont pas été méconnues. Ce faisant, la CRRV a suffisamment motivé sa décision.

5. En deuxième lieu, lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'administration n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public ; que figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère authentique des actes d'état-civil produits.

6. Il résulte par ailleurs de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Si cet article prévoit que les actes d'état civil faits en pays étranger et selon les formes usitées dans ce pays font foi, il n'en va toutefois pas ainsi lorsque d'autres actes ou pièces, des données extérieures ou des éléments tirés de ces actes eux-mêmes établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que ces actes sont irréguliers, falsifiés ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

7. Il ressort des pièces du dossier que, pour établir son identité, Mme A...a produit successivement deux jugements supplétifs, qui ont pourtant le même objet, qui ont été prononcés le 15 mars 2016 puis le 11 juillet 2016, à seulement 4 mois d'intervalle, alors que l'intéressée admet avoir toujours eu un acte de naissance en sa possession. Ces jugements supplétifs ont été rendus dix-huit ans après la naissance alléguée de MmeA..., sans justifications circonstanciées, et postérieurement au mariage avec M.B.à Ratoma, commune de Conakry, alors que ce dernier réside depuis 2008 en France L'un est antérieur de 4 mois au dépôt de demande de visa, tandis que l'autre a été rendu seulement 11 jours avant cette demande. En outre l'extrait du registre de transcription du jugement n°4568 du 11 juillet 2016 comporte une incohérence, la date de naissance inscrite en lettres ne correspondant pas à celle en chiffres. Ces documents ne comportent pas, en outre, l'indication de l'heure de la naissance, celle à laquelle les actes ont été établis, ainsi que les professions, domiciles, dates et lieux de naissance du père et de la mère, en méconnaissance des articles 175, 183 et 196 du code civil guinéen. Par ailleurs, l'extrait d'acte de mariage produit par les intéressés est intitulé " souce " au lieu de " source ", erreur matérielle difficilement justifiable dans un document officiel. Cet acte mentionne que M. B...est étudiant et domicilié à Ratoma, commune de Conakry, alors que ce dernier réside depuis 2008 en Franceoù il occupe un emploi. Au vu de l'ensemble de ces incohérences, c'est sans méconnaître les dispositions du 4° de l'article L. 211-2 et de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a pu estimer que les documents d'état-civil présentés par Mme A...ne permettaient pas d'établir la réalité de son état-civil et de son lien familial allégué.

8. En dernier lieu, en l'absence d'établissement de l'identité et du lien matrimonial allégué, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... et M. B...ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision du 27 octobre 2016 de la CRRV. Par suite leurs conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du 13 décembre 2017 du président de la 6ème chambre du Tribunal Administratif de Nantes est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...et M. B...devant le tribunal administratif et le surplus des conclusions de leur requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MmeE... A..., à M. C... F...B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 15 février 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président assesseur,

- M. Mony, premier conseiller

- M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique le 8 mars 2019.

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau

A. MONY

Le rapporteur,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00459


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00459
Date de la décision : 08/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Sébastien DEGOMMIER
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : BENHAMIDA

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-03-08;18nt00459 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award