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26/11/2018 | FRANCE | N°18NT00017

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 26 novembre 2018, 18NT00017


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D..., veuveC..., a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 7 août 2017 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1701611 du 24 novembre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 janvier

2018, MmeD..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D..., veuveC..., a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 7 août 2017 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1701611 du 24 novembre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 janvier 2018, MmeD..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 24 novembre 2017 et d'annuler l'arrêté préfectoral du 7 août 2017 ;

2°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de lui délivrer un titre de séjour temporaire, dans un délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Calvados de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à MeA..., en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure, le préfet n'ayant pas saisi la commission du titre de séjour, conformément à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle remplissait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle n'était pas tenue de faire une demande de visa portant la mention " ascendant à charge ", d'autant plus qu'elle n'est pas à la charge de son fils ; elle maîtrise parfaitement les bases de la langue française ;

- cette décision porte atteinte à sa vie privée et familiale et, par suite, méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du fait de l'atteinte grave et manifestement disproportionnée à sa situation personnelle ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 mars 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- il renvoie à ses écritures de première instance qu'il reprend subsidiairement.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique

Considérant ce qui suit :

1. MmeD..., veuveC..., ressortissante marocaine née le 1er janvier 1955, est entrée en France le 1er septembre 2009 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Elle a bénéficié d'un titre de séjour pour raisons médicales valable du 18 mars 2011 au 17 mars 2012. Par arrêté du 5 avril 2012, le préfet du Calvados a refusé de renouveler ce titre et a fait obligation à l'intéressée de quitter le territoire. Le 11 avril 2017, Mme D...a demandé son admission au séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 août 2017, le préfet du Calvados a opposé un refus à cette demande et fait obligation à l'intéressée de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le tribunal administratif de Caen, par un jugement du 24 novembre 2017, a rejeté le recours de Mme D...à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 7 août 2017. Cette dernière relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au jour de la décision contestée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ... 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ". Aux termes de l'article R. 313-21 de ce code, " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code la commission du titre de séjour " est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11. (...) " et aux termes de l'article R. 312-2 : " Le préfet (...) saisit pour avis la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler l'un des titres mentionnés aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 à l'étranger qui remplit effectivement les conditions qui président à leur délivrance. (...) ". Il résulte de ces dispositions, que le préfet est tenu de saisir la commission du seul cas des étrangers, qui remplissent effectivement les conditions prévues à ces articles, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions.

3. Il est constant que si Mme D...est entrée en France en 2009, son séjour s'est effectué, pour la plus grande partie, de manière irrégulière, l'intéressée s'étant notamment soustraite à une précédente mesure d'éloignement du 5 avril 2012, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Caen par un jugement du 18 septembre 2012 puis par la Cour par un arrêt du 6 juin 2013. De plus, si elle établit que cinq de ses six enfants vivent en France, dont deux sont de nationalité française, ainsi que ses sept petits-enfants, que son sixième enfant vit en Mauritanie et que son époux et ses parents sont décédés, il ressort des pièces du dossier que sa fille Khadija n'est titulaire que d'un récépissé de demande de carte de séjour et qu'il n'est ainsi pas établi qu'elle ait vocation à rester en France. Par ailleurs, sa fille Rkia n'était pas titulaire d'une carte de séjour en Mauritanie la date de la décision attaquée et avait vocation à retourner au Maroc. Enfin, Mme D...n'établit pas davantage maîtriser la langue française et ne fait état d'aucune volonté d'intégration à la société française. Ainsi, et alors que l'intéressée reconnaît qu'elle peut être indépendante financièrement dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 54 ans et dans lequel elle n'établit pas l'absence de tout lien familial ou affectif, l'arrêté contesté n'a pas porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet n'a pas non plus commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'emporte cette décision sur la vie personnelle de l'intéressée. Il résulte enfin de ce qui précède que le moyen tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour doit être également écarté.

En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que

Mme D...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour. Par suite, le moyen doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'un défaut de motivation, que la requérante réitère en appel sans apporter de précisions nouvelles.

6. En troisième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D..., veuveC..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président de chambre,

- M. Degommier, président assesseur,

- Mme Picquet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 novembre 2018.

Le rapporteur,

P. PICQUET

Le président,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne,

et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°18NT00017


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00017
Date de la décision : 26/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : BLACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-11-26;18nt00017 ?
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