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05/10/2018 | FRANCE | N°17NT00869

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 05 octobre 2018, 17NT00869


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) OpenHealth Company a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 mars 2015 par laquelle le groupement d'intérêt économique (GIE) SESAM-Vitale a rejeté sa demande tendant à obtenir l'accès aux clés de déchiffrement des feuilles de soins électroniques.

Par un jugement n° 1505933 du 10 janvier 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistr

és le 10 mars 2017, le 24 avril 2017 et le 29 mai 2018, la SA OpenHealth Company, représentée par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) OpenHealth Company a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 mars 2015 par laquelle le groupement d'intérêt économique (GIE) SESAM-Vitale a rejeté sa demande tendant à obtenir l'accès aux clés de déchiffrement des feuilles de soins électroniques.

Par un jugement n° 1505933 du 10 janvier 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 10 mars 2017, le 24 avril 2017 et le 29 mai 2018, la SA OpenHealth Company, représentée par la SCP B.B..., L. Poulet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 janvier 2017 ;

2°) d'annuler la décision du GIE SESAM-Vitale du 18 mars 2015 ;

3°) de mettre à la charge du GIE SESAM-Vitale la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 18 mars 2015 est contraire à l'autorisation donnée par la CNIL le 8 septembre 2011 ;

- aucun des quatre motifs de refus ne justifie légalement le refus de communication ;

- les clés de déchiffrement ne constituent pas une donnée confidentielle mais un document administratif communicable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2018, le groupement d'intérêt économique SESAM-Vitale conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société OpenHealth Company au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le décret n°88-814 du 12 juillet 1988 relatif à la nomination et à la cessation de fonctions des officiers publics et ministériels, en particulier le deuxième alinéa de son article 2 ;

- l'arrêté du 7 septembre 2018, publié au Journal Officiel du 18 septembre 2018, par lequel la garde des sceaux, ministre de la justice a accepté le retrait de M. A...B...de la société civile professionnelle d'avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation B. B...- L. Poulet ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lainé, président de chambre ;

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de Me C...E..., représentant le GIE SESAM Vitale.

Considérant ce qui suit :

1. Le groupement d'intérêt économique (GIE) SESAM-Vitale a été créé le 1er octobre 1994 sur le fondement des dispositions de l'article L. 115-5 du code de la sécurité sociale, qui prévoient que les caisses nationales des régimes de base d'assurance maladie peuvent constituer un GIE afin de lui confier des tâches communes de traitement de l'information. Le GIE SESAM-Vitale, qui regroupe aujourd'hui l'ensemble des régimes d'assurance maladie obligatoire et des organismes d'assurance maladie complémentaire, a notamment pour mission la gestion et la promotion de la carte Vitale. Dans ce cadre, il a mis au point des clés de chiffrement et de déchiffrement de certaines données sensibles qui sont activées chaque fois que des feuilles de soins électroniques, qui contiennent des données de santé à caractère personnel, sont échangées entre les professionnels de santé et l'assurance maladie. La société anonyme Celtipharm, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société OpenHealth Company, souhaite réaliser des études pharmaco-épidémiologiques à partir des données des feuilles de soins électroniques en vue de les commercialiser auprès des industriels du médicament. Par une délibération du 8 septembre 2011, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) l'a autorisée à traiter les données à caractère personnel contenues dans les feuilles de soins électroniques transmises par les officines pharmaceutiques aux organismes d'assurance maladie. La mise en oeuvre de ce traitement autorisé par la CNIL nécessite que la société OpenHealth Company ait accès aux clés de déchiffrement permettant de décrypter les données figurant sur les feuilles de soins électroniques. Mais la demande d'accès à ces clefs de déchiffrement a été rejetée par le GIE SESAM-Vitale, par une première décision du 26 juin 2012, annulée par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 décembre 2014, confirmé en appel le 7 octobre 2016 par des motifs différents, puis par une seconde décision du 18 mars 2015, objet du présent litige. La société OpenHealth Company relève appel du jugement du 10 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du GIE SESAM-Vitale du 18 mars 2015.

2. La circonstance que la mise en oeuvre d'un traitement de données confidentielles ait été autorisée par la CNIL, dans les conditions précisées par la délibération invoquée du 8 septembre 2011, et que le Conseil d'Etat ait, par une décision du 26 mai 2014, confirmé la légalité de cette autorisation, n'obligeait pas le GIE SESAM-Vitale à donner à la société requérante l'accès aux données nécessaires à la mise en oeuvre de ce traitement. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait contraire à la délibération du 8 septembre 2011 doit être écarté comme inopérant.

3. Pour refuser à la société requérante l'accès aux clefs de déchiffrement des feuilles de soins électroniques nécessaires à la mise en oeuvre de son projet d'études pharmaco-épidémiologiques, le comité directeur du GIE SESAM-Vitale s'est fondé sur trois motifs tirés, d'une part, de ce qu'il n'est pas dans l'intérêt commun des membres du GIE de fournir ces clés à des organisations autres que des organismes d'assurance maladie obligatoire ou complémentaire, d'autre part, de ce que les clés de déchiffrement demandées ne sauraient être considérées comme des documents administratifs communicables au sens de la loi du 17 juillet 1978 sur l'accès aux documents administratifs et, enfin, de l'inexistence du dispositif de boîte noire mentionné par la CNIL dans sa délibération et imaginé par la société Celtipharm.

4. D'une part, aux termes de l'article 3 des statuts du GIE SESAM-Vitale, dans leur rédaction issue de l'avenant n° 4 au contrat constitutif du groupement : " Le groupement d'intérêt économique SESAM-Vitale a pour objet : / (...) l'étude, la réalisation, la normalisation, la gestion et la promotion des systèmes d'échanges sécurisés, dont SESAM et les flux de facturation, ainsi que les services associés à l'exclusion du service des prestations, entre les acteurs des systèmes d'information de santé et, notamment, entre les offreurs de soins, les structures dans lesquelles ils exercent et les organisations d'assurance maladie obligatoire et complémentaire. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 10 des mêmes statuts, intitulé " Utilisation par des tiers des systèmes d'échange sécurisés et des services associés " : " L'utilisation par des tiers des systèmes d'échange sécurisés et des services associés s'inscrit dans l'intérêt commun des membres du GIE SESAM-Vitale. / Cette utilisation s'effectue sur décision du comité directeur du GIE SESAM-Vitale et selon des modalités définies au règlement intérieur et financier. ". Les décisions n° 770 et 771 du comité directeur du groupement adoptées le 13 octobre 2004 prévoient que : " les membres reconnaissent à l'unanimité que l'accès au système SESAM-Vitale pour des organismes non-membres du GIE (AMx) contribue à la promotion du système SESAM-Vitale et s'inscrit en conformité avec l'intérêt de ses membres, dans le respect de son objet social " et que : " les membres ont décidé qu'un droit d'usage du système sesam-Vitale sera perçu des organismes complémentaires qui n'appartiendraient pas à des fédérations ou organismes professionnels regroupant des organismes d'assurance maladie complémentaire ou dont les fédérations ou organisations professionnelles n'auraient pas signé l'accord cadre (AMx) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions statutaires et décisions que l'accès aux systèmes d'échange sécurisés et services associés mis en place et gérés par le GIE SESAM-Vitale est réservé aux seuls membres de ce groupement et que leur utilisation par des tiers ne peut être entendue qu'en ce qui concerne les organismes non membres dispensant des prestations d'assurance maladie complémentaires et dénommés AMx. Ainsi, il n'était pas de la volonté des membres du GIE SESAM-Vitale de permettre à tout type de tiers, quelle que soit la finalité qu'il poursuit, d'accéder aux données confidentielles transitant par les systèmes d'échanges sécurisés concernés. Il suit de là que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ce premier motif de refus serait erroné.

5. D'autre part, aux termes de l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal : " Sont considérés comme documents administratifs, au sens des chapitres Ier, III et IV du présent titre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions et décisions. ". L'article 2 de cette même loi précise que : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les autorités mentionnées à l'article 1er sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent titre. " et en vertu du II de l'article 6 de la loi ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée et au secret médical.

6. Il résulte de l'instruction que la demande de la société requérante, qui vise à réaliser des études pharmaco-épidémiologiques, ne porte pas seulement sur les clefs de déchiffrement utilisées par le GIE SESAM-Vitale mais également sur les données des feuilles de soins électroniques chiffrées par lesdites clefs. Or la communication de telles données, en l'absence de toute garantie quant à leur complète anonymisation, est de nature à porter atteinte au secret de la vie privée et au secret médical. Par suite, la demande de la société requérante ne portait pas sur des documents administratifs communicables et le deuxième motif de refus est également fondé.

7. Enfin, la société requérante n'établit pas l'existence du dispositif technique de boîte noire mentionné par la délibération de la CNIL et nécessaire pour la mise en oeuvre du traitement des données. En tout état de cause, à supposer même qu'un tel dispositif puisse être mis en place, il ressort des pièces du dossier que la décision du GIE SESAM-Vitale aurait été la même si elle avait été fondée sur les deux seuls premiers motifs.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société OpenHealth Company n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 10 janvier 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du GIE SESAM-Vitale du 18 mars 2015.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du GIE SESAM-Vitale, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la société OpenHealth Company au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société requérante la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le GIE SESAM-Vitale et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société OpenHealth Company est rejetée.

Article 2 : La société OpenHealth Company versera au GIE SESAM-Vitale la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société OpenHealth Company et au GIE SESAM-Vitale.

Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 octobre 2018.

Le président de chambre, rapporteur,

L. LAINÉ

L'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,

N. TIGER-WINTERHALTER

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT00869


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00869
Date de la décision : 05/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SCP ODENT POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-10-05;17nt00869 ?
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