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17/05/2017 | FRANCE | N°16NT00725

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 17 mai 2017, 16NT00725


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... épouse F...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 10 juin 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1306053 du 5 janvier 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er mars et 31 mai 2015, Mme F..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugemen

t du tribunal administratif de Nantes du 5 janvier 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 10 juin 2013 ;...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... épouse F...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 10 juin 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1306053 du 5 janvier 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er mars et 31 mai 2015, Mme F..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 janvier 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 10 juin 2013 ;

3°) d'enjoindre au ministre chargé des naturalisations de lui accorder la nationalité française ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas établi que l'auteur de la décision contestée disposait d'une délégation de signature régulière ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que ses revenus atteignent 1 000 euros par mois, dont 66 % sont issus de son travail, et qu'elle a toujours fait le nécessaire pour permettre à sa famille de disposer de moyens stables et suffisants pour vivre ;

- la substitution de motif demandée par le ministre, qui ne peut la priver d'une garantie, ne peut être admise dès lors qu'il a estimé dans sa décision du 10 juin 2013 que son prétendu défaut de moralité ne permettait pas de justifier un refus de naturalisation.

Par des mémoires, enregistrés les 23 mars et 22 juin 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que

- la requête est tardive et par suite irrecevable ;

-les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés ;

et demande à titre subsidiaire, à la cour de procéder à une substitution de motif en se prévalant du défaut de moralité de l'intéressée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que Mme C... épouseF..., ressortissante togolaise, relève appel du jugement du 5 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 juin 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 susvisé relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre (...) et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 1° (...) les directeurs d'administration centrale (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de ce décret : " Les personnes mentionnées aux 1° et 3° de l'article 1er peuvent donner délégation pour signer tous actes relatifs aux affaires pour lesquelles elles ont elles-mêmes reçu délégation : 1° (...) aux fonctionnaires de catégorie A (...) qui n'en disposent pas au titre de l'article 1er (...) " ; que, par décret du 14 mars 2013, publié au Journal Officiel de la République Française du 15 mars 2013, Mme D...E..., administratrice civile hors classe, a été nommée directrice de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté au secrétariat général à l'immigration et à l'intégration au sein du ministère de l'intérieur ; que par une décision du 10 avril 2013, publiée au Journal Officiel de la République Française du 17 avril 2013, Mme E...a régulièrement donné délégation à Mme H...G..., conseillère d'administration des affaires sociales, adjointe au sous-directeur de l'accès à la nationalité française, et signataire de la décision contestée ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 10 juin 2013 manque en fait ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'insertion professionnelle du postulant, ainsi que le niveau et la stabilité de ses ressources ;

4. Considérant que le ministre de l'intérieur a estimé, dans sa décision du 10 juin 2013, que l'examen du parcours professionnel de Mme F..., apprécié dans sa globalité depuis son entrée en France, ne permettait pas de considérer qu'elle avait réalisé pleinement son insertion professionnelle puisqu'elle ne disposait pas de ressources suffisantes et stables ;

5. Considérant que si Mme F... est titulaire, depuis le 6 avril 2010, d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de garde d'enfants, sa rémunération issue de cette activité est limitée à 545,30 euros par mois en vertu de l'avenant n° 2 à ce contrat conclu le 1er septembre 2012 ; que son contrat de travail à durée déterminée conclu pour une durée d'un an en qualité d'animateur de restaurant avec la commune de Noisy-le-Sec, plusieurs fois renouvelé, lui procure des revenus complémentaires mais irréguliers, dont le montant mensuel s'est élevé en moyenne au titre des cinq premiers mois de l'année 2013 à 163,18 euros ; que le reste de ses ressources proviennent de prestations sociales et notamment du revenu de solidarité active ; qu'ainsi, à la date de la décision contestée, le ministre, qui dispose d'un large pouvoir d'appréciation de l'opportunité d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, a pu estimer que Mme F... ne justifiait pas de ressources suffisamment stables ; que par suite, l'intéressée, qui ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire ministérielle du 16 octobre 2012, dépourvue de valeur réglementaire, n'est pas fondée à soutenir qu'en ajournant à deux ans sa demande de naturalisation pour ce motif, il aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur, que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme F..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de lui accorder la nationalité française, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme F...de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... épouse F...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... F...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M.A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 mai 2017.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°16NT00725


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00725
Date de la décision : 17/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : COMME

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-05-17;16nt00725 ?
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