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04/05/2017 | FRANCE | N°16NT03329

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 04 mai 2017, 16NT03329


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 8 juin 2015 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de l'admettre provisoirement au séjour au titre de l'asile et, d'autre part, l'arrêté du 29 décembre 2015 par lequel la même autorité a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un

jugement n° 1508549-1601580 du 25 mai 2016, le tribunal administratif de Nantes, après l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 8 juin 2015 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de l'admettre provisoirement au séjour au titre de l'asile et, d'autre part, l'arrêté du 29 décembre 2015 par lequel la même autorité a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1508549-1601580 du 25 mai 2016, le tribunal administratif de Nantes, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires en production de pièces, enregistrés le 5 octobre 2016, le 7 octobre 2016 et le 15 décembre 2016, M.C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 mai 2016 ;

2°) d'annuler les arrêtés contestés ;

3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, après l'avoir muni d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- en ce qui concerne l'arrêté du 8 juin 2015 portant refus d'admission provisoire au séjour, le préfet a méconnu l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en ce qui concerne le refus de titre de séjour qui lui a été opposé le 29 décembre 2015, le préfet a méconnu l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité dont est entachée la décision du 8 juin 2015 ; elle méconnaît les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ; il ne pourra pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine en méconnaissance de l'article 3 de la même convention ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité dont est entachée la décision portant obligation de quitter le territoire français ; elle a pour effet de le priver des garanties qui s'attachent à la procédure d'extradition ; elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2016, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte à ses écritures de première instance et fait, en outre, valoir que l'ouverture d'une procédure d'extradition à l'encontre du requérant n'a pas d'incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français édictée à son encontre, son placement sous contrôle judiciaire faisant seulement obstacle à ce que cette mesure d'éloignement soit exécutée avant que le juge judiciaire n'ait levé la mesure de surveillance.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.C..., ressortissant arménien né le 24 juillet 1972 à Erevan, est entré en France en 2010 et y a demandé l'asile ; que par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 août 2011, confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 27 juin 2012, sa demande a été rejetée ; qu'à la suite de la demande de M.C..., présentée le 20 mai 2015, tendant au réexamen de sa demande d'asile, le préfet de la Loire-Atlantique a, par un arrêté du 8 juin 2015, refusé de l'admettre provisoirement au séjour ; qu'après l'avoir réexaminée, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a, de nouveau, rejeté la demande d'asile du requérant par une décision du 30 août 2015 ; que, par un arrêté du 29 décembre 2015, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter de territoire français et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office ; que M. C...relève appel du jugement du 25 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions préfectorales du 8 juin 2015 et du 29 décembre 2015 ;

Sur l'arrêté du 8 juin 2015 portant refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile :

2. Considérant qu'en vertu de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, l'étranger présent sur le territoire français qui, n'étant pas déjà admis à séjourner en France, demande son admission au séjour au titre de l'asile, est informé par les services de la préfecture des pièces à fournir en vue de cette admission et doit se voir remettre un document d'information sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter, ainsi que sur les organisations susceptibles de lui procurer une assistance juridique, de l'aider ou de l'informer sur les conditions d'accueil offertes aux demandeurs d'asile ; que cette information doit être faite dans une langue dont il est raisonnable de penser que l'intéressé la comprend ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 20 mai 2015, M. C...a signé un formulaire, rédigé en français et en russe, aux termes duquel il a certifié que le guide du demandeur d'asile et l'information relative aux règlements communautaires lui avaient été remis ; que si le requérant soutient que le préfet n'apporte pas la preuve que l'intégralité des informations requises ont été portées à sa connaissance, il ne précise pas la nature des informations qui ne lui auraient pas été transmises ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Sur l'arrêté du 29 décembre 2015 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

4. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas utilement invoqué au soutien des conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant, en premier lieu, que les décisions par lesquelles le préfet refuse, en fin de procédure, le séjour à l'étranger dont la demande d'asile a été rejetée par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et l'oblige à quitter le territoire français ne sont pas prises pour l'application de la décision par laquelle le préfet statue, en début de procédure, sur l'admission provisoire au séjour ; que la décision prise sur l'admission au séjour ne constitue pas davantage la base légale du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision du 8 juin 2015 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a refusé d'admettre provisoirement M. C...au séjour au titre de l'asile ne peut être utilement invoqué à l'appui des conclusions du requérant dirigées contre la décision du 29 décembre l'obligeant à quitter le territoire français ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que M. C...ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les mesures relatives à l'entrée, au séjour et à l'éloignement des étrangers n'emportant pas de contestation sur des droits ou des obligations de caractère civil, ni d'accusation en matière pénale ;

7. Considérant, en troisième lieu, que, d'une part, l'étranger, qui fait l'objet de la procédure dite prioritaire prévue à l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors applicable, dispose du droit de se maintenir sur le territoire français uniquement jusqu'à ce que lui soit notifiée la décision de rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'il a alors la possibilité de contester cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile et peut utilement faire valoir l'ensemble de ses arguments dans le cadre d'une procédure écrite et se faire représenter à l'audience ; qu'un recours suspensif est ouvert contre la mesure d'éloignement dont il peut faire l'objet ; que, d'autre part, aucune stipulation de la convention de Genève ni aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne subordonne l'examen du recours d'un demandeur d'asile auquel l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de reconnaître la qualité de réfugié à son maintien sur le territoire français durant l'instance pendante devant la Cour nationale du droit d'asile, réserve faite de l'obligation de déférer à la comparution personnelle que la Cour peut ordonner en vertu des dispositions de l'article R. 733-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si la résidence hors du territoire français est susceptible d'entraîner la suspension des droits attachés à la qualité de demandeur d'asile, notamment lorsque l'intéressé retourne volontairement dans son pays d'origine, elle n'est, en revanche, pas de nature à priver d'objet, même temporairement, son recours devant la Cour nationale du droit d'asile ; qu'en conséquence, la décision faisant obligation à M. C...de quitter le territoire français n'a pas eu pour effet de rendre son recours devant la Cour nationale du droit d'asile sans objet ni de le priver ainsi d'un recours devant cette juridiction ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles n'impliquent pas que l'étranger puisse se maintenir sur le territoire français jusqu'à l'issue de son recours devant la Cour nationale du droit d'asile, doit être écarté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que M. C...soutient que son éloignement du territoire français, alors qu'il est placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire français, l'exposerait au risque de faire l'objet d'un mandat d'arrêt et d'être placé en détention et le priverait, en outre, des garanties qui s'attachent à la procédure d'extradition ; qu'il ressort des pièces du dossier que, le 20 janvier 2014, le ministère public de la République d'Arménie a demandé aux autorités françaises l'extradition de M. C...; que la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen a émis, le 28 mars 2014, un avis favorable à cette extradition et, par un arrêt du 11 avril 2014, a soumis l'intéressé à un contrôle judiciaire ; que, toutefois, l'obligation de quitter le territoire français contestée, édictée sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, ne se substitue pas à la décision d'extradition et n'a privé l'intéressé d'aucune garantie attachée à la procédure d'extradition ; que la circonstance que le requérant est placé sous contrôle judiciaire fait seulement obstacle à l'exécution de la décision d'éloignement avant la levée par le juge judiciaire de la mesure de surveillance mais demeure sans incidence sur sa légalité ; que cette mesure d'éloignement n'a pas, par elle-même, pour effet de remettre M. C...aux autorités arméniennes ; que, dès lors, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation du requérant ;

9. Considérant, en dernier lieu, que si M. C...soutient qu'il ne pourrait bénéficier, en cas de remise aux autorités arméniennes, de soins appropriés, en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette circonstance, au demeurant non établie, est sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée qui ne fixe pas en elle-même le pays de destination ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

10. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, les autorités françaises avaient statué sur la demande d'extradition de M.C... ; que, dans ces conditions, le préfet de la Loire-Atlantique ne pouvait légalement, sans attendre l'issue de la procédure d'extradition, fixer l'Arménie comme pays à destination duquel le requérant pouvait être reconduit d'office ;

11. Considérant que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, M. C...n'est pas fondé à exciper de son illégalité au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 décembre 2015 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a fixé le pays de renvoi en tant qu'elle mentionne l'Arménie ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

13. Considérant que le présent arrêt qui annule seulement la décision fixant l'Arménie comme pays de renvoi n'implique, par lui-même, ni le réexamen de la situation de M. C...ni la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour ; que les conclusions du requérant aux fins d'injonction et d'astreinte doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

14. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M.C..., qui a bénéficié de l'aide juridictionnelle totale, de la somme demandée sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 29 décembre 2015 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a fixé le pays de renvoi est annulée en tant qu'elle mentionne l'Arménie.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 mai 2016 est annulé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Aubert, président de chambre,

- Mme Chollet, premier conseiller,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 mai 2017.

Le rapporteur,

K. BougrineLe président,

S. Aubert

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT03329


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16NT03329
Date de la décision : 04/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme AUBERT
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : BIDAULT NADEJDA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-05-04;16nt03329 ?
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