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15/02/2017 | FRANCE | N°15NT01418

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 15 février 2017, 15NT01418


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

­ la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ;

­ le code de l'urbanisme ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hirondel,

- et les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public,

1. Considérant que, par un arrêté du 22 février 1995, le maire de Bernières-sur-Mer a délivré à M. E...un permis de construire un immeuble à usage d'habitation sur

une parcelle classée en zone de protection du patrimoine architectural urbain ; que ce permis de construire a été annulé p...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

­ la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ;

­ le code de l'urbanisme ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hirondel,

- et les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public,

1. Considérant que, par un arrêté du 22 février 1995, le maire de Bernières-sur-Mer a délivré à M. E...un permis de construire un immeuble à usage d'habitation sur une parcelle classée en zone de protection du patrimoine architectural urbain ; que ce permis de construire a été annulé par jugement du tribunal administratif de Caen du 10 juin 1996, confirmé par un arrêt de la cour du 12 novembre 1998 ; que, saisie par un voisin de M.E..., la cour d'appel de Caen, infirmant le jugement rendu le 14 février 2001 par le tribunal de grande instance de Caen, a ordonné, par un arrêt du 5 novembre 2002, la démolition de la construction édifiée du fait de l'illégalité de ce permis de construire ; que, par une décision du 12 juillet 2005, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Caen a assorti la condamnation à la démolition d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de quatre mois ; que suite à l'appel formé contre cette décision, la cour d'appel de Caen a décidé de surseoir à statuer par un arrêt du 28 mars 2006 compte tenu de la délivrance d'un permis de construire régularisant la construction suivant un arrêté du maire de Bernières-sur-Mer du 3 novembre 2005, " modifié et rectifié " par un arrêté du 1er février 2006 ; que le recours en annulation dirigé contre ce dernier arrêté a été rejeté par le tribunal administratif de Caen par un jugement du 6 juillet 2006 qui est devenu définitif ; que la cour d'appel de Caen, par un arrêt du 2 octobre 2007, a alors pris acte de l'abandon, par le voisin, des poursuites tendant à l'exécution de l'arrêt du 5 novembre 2002 et du renoncement au bénéfice de la décision du 12 juillet 2005 ; que M. E...a demandé au maire de Bernières-sur-Mer, par une réclamation indemnitaire préalable du 28 décembre 2009, l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis ; que cette demande a été implicitement rejetée par la commune ; que le tribunal administratif de Caen, par un jugement du 5 mars 2015 a rejeté la requête de M. E... ; que M. E... relève appel de ce jugement et demande à la cour de condamner la commune de Bernières-sur-Mer à lui verser la somme totale de 110 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la délivrance du permis de construire illégal du 22 février 1995 ;

Sur la responsabilité de la commune de Bernières-sur-Mer

2. Considérant que l'illégalité du permis de construire délivré par le maire de Bernières-sur-Mer le 22 février 1995, constatée par le jugement du tribunal administratif de Caen du 10 juin 1996 en prononçant l'annulation, confirmé par l'arrêt précité de la cour du 12 novembre 1998, constitue une illégalité fautive de nature à entraîner la responsabilité de la commune de Bernières-sur-Mer ;

Sur les conclusions indemnitaires

En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale :

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) " ; que l'article 2 du même texte dispose que : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance. / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. " ; qu'aux termes de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou son illégalité a été constatée par la juridiction administrative. L'action en responsabilité civile se prescrit, en pareil cas, par cinq ans après l'achèvement des travaux " ;

S'agissant du préjudice lié aux frais de la procédure ayant conduit à l'annulation par le juge administratif du permis de construire délivré le 22 février 1995 :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. E...a eu connaissance du préjudice résultant des frais de la procédure ayant conduit à l'annulation du permis de construire délivré le 22 février 1995 au plus tard lors de la notification de l'arrêt du 12 novembre 1998 par lequel la cour a confirmé l'annulation de ce permis et qu'ainsi, la prescription quadriennale ayant couru à compter du 1er janvier 1999, elle se trouvait acquise à la date du 31 décembre 2009 à laquelle M. E...a présenté sa première demande d'indemnisation ;

S'agissant des préjudices liés à la condamnation de M. E...à démolir l'immeuble et aux frais de justice exposés devant la juridiction judiciaire :

5. Considérant, d'une part, que les frais utilement exposés par le bénéficiaire d'une autorisation individuelle d'urbanisme à l'occasion d'une instance judiciaire engagée par des tiers et à l'issue de laquelle le juge judiciaire ordonne, à raison de l'illégalité de cette autorisation, la démolition d'une construction ainsi que l'indemnisation des préjudices causés aux tiers par celle-ci, sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de l'illégalité fautive de l'autorisation, mais à l'exclusion de ceux relatifs aux astreintes prononcées, le cas échéant, pour pallier une carence dans l'exécution de la décision juridictionnelle ;

6. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968 que la créance détenue, le cas échéant, par le titulaire d'un permis de construire jugé illégal par la juridiction administrative, au titre du préjudice lié à la condamnation, par une juridiction judiciaire, à démolir le bâtiment litigieux ou à indemniser les préjudices qu'il a causés, se prescrit à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision de la juridiction judiciaire qui permet d'apprécier dans toute son étendue le préjudice est passée en force de chose jugée ;

7. Considérant que M. E...demande réparation des troubles d'agrément et de jouissance ainsi que du préjudice moral qui résulteraient de l'illégalité du permis de construire délivré le 22 février 1995 ; que si le fait générateur de la créance qu'il est susceptible de détenir à ce titre trouve sa source dans l'illégalité du permis de construire, cette créance, à la supposer établie, ne peut avoir acquis un caractère certain que du fait de l'intervention de l'arrêt de la cour d'appel de Caen du 5 novembre 2002, lui ordonnant de démolir l'immeuble litigieux, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Caen a assorti cette condamnation d'une astreinte par une décision du 12 juillet 2005 et qu'il a pu éviter cette démolition après l'obtention d'un permis de régularisation délivré le 1er février 2006 ; que la prescription a ainsi couru à compter du 1er janvier 2003 et non du 1° janvier 2008 comme le soutient le requérant en se prévalant de la date à laquelle la cour d'appel de Caen, statuant sur l'appel formé par M. E...contre la décision du 12 juillet 2005 prononçant l'astreinte, a pris acte de l'abandon, par son voisin, de l'exécution de l'arrêt du 5 novembre 2012 et à son renoncement au bénéfice de la décision du 12 juillet 2005 ; qu'elle était ainsi acquise, en application de la loi du 31 décembre 1968 précitée, le 31 décembre 2009, date de la demande d'indemnisation de M. E...;

En ce qui concerne les préjudices liés aux frais de la procédure devant le juge de l'exécution et à l'occasion de l'appel formé devant la cour d'appel de Caen :

8. Considérant que M. E...a demandé aux premiers juges à être indemnisé des frais de procédure engagés, d'une part, devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Caen ayant donné lieu au prononcé d'une astreinte et, d'autre part, devant la cour d'appel de Caen pour obtenir l'annulation de cette décision ; que toutefois, il résulte de l'instruction que la décision du juge de l'exécution est intervenue après que M. et Mme E...aient été assignés devant ce dernier, les 13 et 21 avril 2005, pour obtenir le prononcé d'une astreinte en raison de l'inexécution de l'arrêt de la Cour d'appel de Caen ordonnant la démolition de leur construction dans un délai de trois mois à compter de la signification de cette décision alors que le pourvoi en cassation qu'ils avaient formé avait été rejeté le 27 avril 2004 ; que, par suite, les frais engagés dans le cadre de ces procédures, qui sont dus à la carence du requérant à exécuter une décision juridictionnelle, sont sans lien direct de causalité avec l'illégalité fautive du permis de construire délivré le 22 février 1995 ; que, par suite, ce chef de préjudice doit être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Bernières-sur-Mer qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées, à ce titre, par la commune de Bernières-sur-Mer ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune de Bernières-sur-Mer sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...et à la commune de Bernières-sur-Mer.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Buffet, premier conseiller,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 février 2017.

Le rapporteur,

M. F...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT01418


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01418
Date de la décision : 15/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : SCP CHENEAU ET PUYBASSET

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-02-15;15nt01418 ?
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