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23/12/2016 | FRANCE | N°16NT00612

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 23 décembre 2016, 16NT00612


Vu la procédure suivante :

Mme G... C...et M. B...C...ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier de Saint-Nazaire à verser à Mme C...la somme de 131 586,10 euros et à M. C...la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis à la suite de la prise en charge de Mme C...par cet établissement au cours de l'année 2011.

Par un jugement n° 0807350 du 21 juin 2012, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

M. et Mme C...ont demandé à la cour d'annuler ce jugement du 21 juin 2012 du tribunal administra

tif de Nantes et de condamner le centre hospitalier de Saint-Nazaire à leur ver...

Vu la procédure suivante :

Mme G... C...et M. B...C...ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier de Saint-Nazaire à verser à Mme C...la somme de 131 586,10 euros et à M. C...la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis à la suite de la prise en charge de Mme C...par cet établissement au cours de l'année 2011.

Par un jugement n° 0807350 du 21 juin 2012, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

M. et Mme C...ont demandé à la cour d'annuler ce jugement du 21 juin 2012 du tribunal administratif de Nantes et de condamner le centre hospitalier de Saint-Nazaire à leur verser la somme totale de 136 586,16 euros en réparation des différents préjudices subis.

Par un arrêt n° 12NT02270 du 6 février 2014, la cour a condamné le centre hospitalier de Saint-Nazaire à verser à M. et Mme C...la somme de 13 774,99 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique la somme de 19 278,02 euros.

M. et Mme C...se sont pourvus en cassation et ont demandé au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt de la cour du 6 février 2014.

Par une décision n° 377195 du 19 février 2016, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 1er août 2012 et 23 décembre 2013, M. et MmeC..., représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 juin 2012 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Nazaire à leur verser la somme de 136 586,10 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2008, en réparation des différents préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Nazaire le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et, sur le même fondement, la somme de 1 500 euros au titre des frais de première instance, ainsi que les dépens comprenant les frais d'expertise médicale.

Ils soutiennent que :

- le centre hospitalier de Saint-Nazaire a commis une erreur de diagnostic et de traitement au cours de la prise en charge de Mme C... du 13 mars et du 14 juin 2001 ; il n'y a avait pas de médecin présent lors du suivi hebdomadaire au centre hospitalier, malgré les indications faites par l'infirmière le 31 mars 2001 relatives à la coloration de la plaie et les constatations du médecin qui a réalisé l'examen doppler le 4 avril 2001 ; le médecin qui l'a examinée le 13 mars 2001 aurait dû faire réaliser des prélèvements qui auraient permis de déceler la présence des germes responsables de l'infection et de modifier le traitement d'antibiothérapie initial prescrit par son médecin traitant, qui était inadapté à un tel germe ; cette erreur a entraîné des conséquences sur la résistance de ces germes ;

- le centre hospitalier a également commis une faute lors de l'hospitalisation du 15 au 26 juin 2001 ; aucune antibiothérapie spécifique n'a alors été instituée pour traiter le germe infectieux résistant alors que si ce germe avait été décelé dès le mois de mars 2001, un traitement adapté aurait été prescrit, ce qui n'a été fait que, tardivement, le 16 juillet 2001 ; elle a perdu une chance de combattre efficacement l'infection ;

- la prévention des infections nosocomiales au centre hospitalier de Saint-Nazaire n'est pas performante comme le démontre la présence des germes retrouvés lors de son hospitalisation le 14 août 2001 ainsi que le 11 octobre 2001 ; les germes infectieux dont elle a été victime paraissent donc bien être d'origine hospitalière ;

- le centre hospitalier a enfin commis une faute en ne tentant pas de procéder à une revascularisation de la jambe gauche avant tout geste d'amputation ;

- le préjudice résultant de l'incapacité temporaire totale du 15 juin 2001 au 20 février 2002 doit être évalué à 30 000 euros ; le déficit fonctionnel permanent doit être évalué à 30 000 euros compte tenu du taux d'invalidité qui doit être porté à 30 ou à 45 %, le taux de 25 % retenu par l'expert étant sous-estimé ; l'indemnisation des souffrances endurées, évaluées à 4 sur une échelle de 1 à 7, ce qui paraît également sous-estimé, doit être arrêtée à la somme de 25 000 euros, le préjudice esthétique, évalué à 3 sur une échelle de 1 à 7, ce qui apparaît à nouveau sous-estimé, doit être évalué à 15 000 euros ; enfin, le préjudice d'agrément doit être évalué à 15 000 euros ;

- le préjudice matériel et financier du fait des dépenses d'aménagement du logement et du véhicule doit être évalué à 16 586,10 euros ;

- si l'expert a fixé la date de consolidation au 20 septembre 2004, l'évolution de l'état de la jambe amputée pourrait remettre en cause cette appréciation ;

- le préjudice moral subi par M. C... doit être évalué à la somme de 5 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 5 décembre 2012, la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique, venant aux droits et obligations de la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Nazaire, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant au remboursement des débours exposés pour le compte de son assurée Mme C... ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Nazaire à lui verser la somme de 106 857,09 euros à titre de créance provisoire, en remboursement des débours ainsi exposés ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Nazaire le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande est recevable ;

- il résulte des termes du rapport d'expertise du docteur Szmukler que les manquements dans la prise en charge de Mme C... sont constitutifs de fautes de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Saint-Nazaire, à l'origine pour Mme C... d'une perte de chance de 75 % d'éviter l'amputation partielle de sa jambe gauche ;

- sa créance s'établit provisoirement à la somme de 106 857,09 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 octobre 2013, le centre hospitalier de Saint-Nazaire, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique :

Il soutient que :

- le jugement avant-dire droit du 8 juin 2011, selon lequel le tribunal administratif a écarté l'existence d'une faute dans le choix thérapeutique mis en oeuvre lors de l'hospitalisation de Mme C... entre le 15 et le 26 juin 2011 ainsi que le caractère nosocomial de l'infection dont était atteinte Mme C..., n'a pas fait l'objet d'un appel, ni lorsqu'il a été rendu, ni en même temps que le jugement attaqué du 21 juin 2012 ; la demande des consorts C...ne concerne donc que le jugement du 21 juin 2012 ;

- les moyens invoqués par les consorts C...et par la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique ne sont pas fondés et leurs conclusions indemnitaires sont en tout état de cause excessives.

Par un mémoire enregistré après cassation le 13 mai 2016 M. et Mme C...reprennent l'intégralité de leurs conclusions et invoquent les mêmes moyens.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2016 le centre hospitalier de Saint-Nazaire, représenté par MeE..., conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gauthier,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant M. et MmeC....

1. Considérant que MmeC..., née en 1944 et atteinte d'un diabète insulino-requérant depuis 1980, a été admise le 13 mars 2001 au centre hospitalier de Saint-Nazaire, pour deux plaies au pied gauche développées depuis une quinzaine de jours, et a regagné son domicile avec une prescription de soins infirmiers quotidiens et d'un suivi hospitalier hebdomadaire ; que l'extension de la nécrose du talon et l'aspect inflammatoire de la plaie ont conduit à une hospitalisation dans le même établissement du 15 au 26 juin 2001 ; qu'en raison de complications, Mme C...a été hospitalisée à nouveau du 14 au 31 août 2001 puis, compte tenu de la gravité de son état, le 8 septembre en urgence, et qu'elle a subi une amputation partielle de la jambe gauche le 17 septembre 2001 ; que M. et M. C...ont formé contre le centre hospitalier de Saint-Nazaire un recours indemnitaire ; que, par un jugement avant dire droit du 8 juin 2011, le tribunal administratif de Nantes a écarté le caractère nosocomial de l'infection et l'existence d'une faute dans la prise en charge de Mme C...du 15 au 26 juin 2001, mais a jugé que le centre hospitalier avait commis une faute dans la prise en charge de la patiente du 13 mars au 14 juin 2001, tenant à l'absence de prélèvements bactériologiques et à l'absence d'examen par un médecin lors des visites hebdomadaires ; que, par le même jugement, il a ordonné une expertise complémentaire afin d'évaluer la perte de chance d'échapper aux complications qui ont conduit à l'amputation partielle de la jambe gauche résultant pour l'intéressée des fautes commises entre le 13 mars et le 14 juin 2001 ; que, par un second jugement du 21 juin 2012, le tribunal administratif de Nantes a retenu l'absence de lien entre les fautes commises par le centre hospitalier et l'évolution de l'état de santé de l'intéressée et a rejeté le recours indemnitaire des épouxC... ; que, par un arrêt du 6 février 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement et condamné le centre hospitalier de Saint-Nazaire à verser à M. et Mme C... la somme de 13 774,99 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique la somme de 19 278,02 euros ; que, par une décision du 19 février 2016 le Conseil d'Etat statuant au contentieux a cassé cet arrêt et a renvoyé devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n°16NT00612 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-6 du code de justice administrative : " Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 811-2, le délai d'appel contre un jugement avant-dire-droit, qu'il tranche ou non une question au principal, court jusqu'à l'expiration du délai d'appel contre le jugement qui règle définitivement le fond du litige. " ; que le premier jugement du 8 juin 2011 du tribunal administratif de Nantes, qui n'a statué que sur une partie des conclusions dont le tribunal était saisi et qui a ordonné, pour le surplus, une mesure d'instruction, constitue un jugement avant-dire-droit au sens de ces dispositions ; que, dès lors, M. et Mme C... sont recevables à contester, dans la présente instance dirigée contre le jugement du 21 juin 2012 du tribunal administratif de Nantes, les appréciations contenues dans ce premier jugement ; que la fin de non recevoir opposée sur ce point par le centre hospitalier de Saint-Nazaire ne peut qu'être rejetée ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Saint-Nazaire :

3. Considérant que l'introduction accidentelle d'un germe microbien dans l'organisme d'un patient lors d'une hospitalisation antérieure à l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la réparation des infections nosocomiales issues de la loi susvisée du 4 mars 2002 révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier et engage la responsabilité de celui-ci ; qu'il en va toutefois autrement lorsqu'il est certain que l'infection, si elle s'est déclarée à la suite d'une prise en charge hospitalière, a été causée par des germes déjà présents dans l'organisme du patient avant l'hospitalisation, ou encore lorsque la preuve d'une cause étrangère est rapportée par l'établissement de santé ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, lors de la consultation au centre hospitalier de Saint-Nazaire le 13 mars 2001, le praticien a constaté la présence d'un signe d'infection sur le cinquième orteil gauche de Mme C..., sans toutefois faire effectuer de prélèvement bactériologique qui aurait permis de déterminer les germes infectieux concernés, et a prescrit des soins infirmiers quotidiens, ainsi qu'un suivi hospitalier hebdomadaire et le maintien du traitement d'antibiothérapie déjà mis en place par le médecin traitant ; que si le premier expert désigné a estimé, dans son rapport du 8 juin 2008, que la prise en charge de Mme C... avait été conforme aux règles de l'art et qu'un prélèvement ne s'imposait pas en l'absence d'un second signe d'infection, il ressort toutefois des documents médicaux joints à son rapport que les pratiques médicales de l'époque préconisaient un prélèvement bactériologique et une antibiothérapie probabiliste dans le cas, qui est celui de MmeC..., où la plaie présentait des signes inflammatoires extensifs, cellulite extensive se traduisant par une rougeur s'étendant au-delà du pourtour de la plaie, accompagnée d'oedème et de chaleur ; qu'en effet le compte rendu établi le 14 mars 2001 par le praticien consulté au centre hospitalier précisait " qu'en ce qui concerne la lésion du petit orteil, elle est plus préoccupante avec visiblement une collection purulente en train de se constituer et une fusée de cellulite visible en direction de la face dorsale du pied " ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'aucun médecin n'a été présent lors des consultations hebdomadaires au service de médecine interne de l'établissement qui ont suivi durant cette période ; qu'enfin, faute de prélèvement bactériologique dès la prise de contact de la patiente avec le service hospitalier le 13 mars 2001, et alors même qu'il est plus que probable que les germes staphylococcus aureus et pseudomonas aeroginosa alors en cause étaient déjà présents dans son organisme eu égard aux signes infectieux non contestés que présentait l'extrémité de son membre inférieur gauche, le centre hospitalier ne peut apporter la preuve de l'origine antérieure de l'infection en litige et, par suite, de son caractère non nosocomial ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que les juges de première instance ont estimé qu'eu égard aux modalités de la prise en charge de Mme C... du 13 mars au 14 juin 2001 M. et Mme C... étaient fondés à soutenir que la responsabilité du centre hospitalier de Saint-Nazaire était susceptible d'être engagée à raison d'une stratégie de soin erronée et d'une faute dans l'organisation du service public hospitalier ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'à la suite d'une aggravation de l'état de ses plaies, Mme C...a, comme il a été rappelé ci-dessus, été hospitalisée du 15 au 26 juin 2001 et que le prélèvement bactériologique alors effectué le 16 juin 2001 a révélé la présence de deux germes infectieux, un germe staphylococcus aureus et le germe Pseudomonas aeroginas multi-résistant ; que les plaies ont été traitées médicalement et qu'un traitement d'antibiothérapie a été administré pour le germe staphylococcus aureus puis, après confirmation de la présence du germe Pseudomonas aeroginas lors d'un nouveau prélèvement effectué le 16 juillet 2001, qu'un traitement de bi-antibiothérapie a été prescrit visant en particulier le second germe multi résistant ; qu'il résulte de l'instruction et notamment des termes des rapports d'expertise qu'il est médicalement admis de ne pas traiter ce type de germe au premier prélèvement mais seulement en cas de présence réitérée et si l'évolution clinique est défavorable ; qu'ainsi, l'absence, durant l'hospitalisation du 15 au 26 juin 2001, d'antibiothérapie adaptée au second germe relevé ne révèle pas une nouvelle faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ; qu'enfin, et dès lors qu'un délai d'au moins quarante-huit heures après l'admission, ou un délai supérieur à la période d'incubation lorsque celle-ci est connue, est communément accepté pour distinguer une infection d'acquisition nosocomiale d'une infection communautaire, les germes staphylococcus aureus multi-sensible et pseudomonas aeroginosa multi-résistant, détectés dès le 16 juin 2001 pour une admission le 15 juin 2001, n'ont pas été contractés lors de cette période d'hospitalisation et ne sont, par suite, pas générateurs d'une infection nosocomiale contractée au cours de la période d'hospitalisation en litige, de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ;

6. Considérant , en troisième lieu, qu'en ce qui concerne le germe enterococcus faecalis cité, celui-ci a été détecté dans un prélèvement effectué le 22 août 2001, au cours de l'hospitalisation ayant débuté le 14 août 2001 ; qu'un antibiogramme a été réalisé et une antibiothérapie prescrite ; que, le compte-rendu d'hospitalisation du 17 septembre 2001 n'indiquant plus, dans les prélèvements effectués au niveau de la plaie, que la seule présence du pseudomonas aeroginosa, il en ressort qu'à supposer que le germe enterococcus faecalis ait bien été contracté en milieu hospitalier, il n'est pas à l'origine des dommages dont la requérante demande réparation ; qu'enfin le germe citrobacter freundi également incriminé n'a été retrouvé sur le moignon que le 11 octobre 2001, soit plus de trois semaines après l'amputation le 17 septembre 2001, sans avoir jamais été détecté avant l'amputation ; qu'ainsi, et à supposer qu'il puisse être regardé comme d'origine nosocomiale, il n'est en tout état de cause pas à l'origine de l'amputation subie par Mme C...ni d'aucun des dommages dont celle-ci demande réparation ;

7. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que si M. et Mme C...soutiennent que les médecins du centre hospitalier de Saint Nazaire ont commis une autre faute en s'abstenant de pratiquer une revascularisation de la jambe gauche avant de procéder à l'amputation partielle, il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu notamment des risques inhérents à cette technique qui ne s'imposait pas pour traiter MmeC..., laquelle ne présentait pas de problème vasculaire majeur mais dont la morphologie faisait apparaître en revanche des risques supplémentaires, qu'une tentative de revascularisation de sa jambe gauche était pertinente en l'espèce et aurait permis d'éviter l'amputation ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la responsabilité du centre hospitalier de Saint-Nazaire à raison d'une faute dans l'organisation du service public hospitalier et d'une infection nosocomiale présumée ne peut être engagée qu'en ce qui concerne les modalités de la prise en charge de Mme C...au cours de la période du 13 mars au 14 juin 2001 ;

Sur les préjudices indemnisables :

En ce qui concerne la perte de chance :

9. Considérant que, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

10. Considérant que la perte de chance résultant d'une possible infection nosocomiale ne peut qu'être très réduite compte tenu du caractère établi d'une infection préexistante au 13 mars et du caractère très sporadique de la présence de l'intéressée au centre hospitalier lors de la période concernée du 13 mars au 14 juin 2001 ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que l'absence de prélèvement bactériologique durant la période de suivi hebdomadaire de Mme C...au centre hospitalier de Saint-Nazaire du 13 mars au 14 juin 2001, qui a pu causer un retard dans la mise en oeuvre, le 16 juillet 2001 seulement, du traitement du germe multi-résistant détecté le 16 juin 2001, est à l'origine d'une perte de chance pour Mme C...d'éviter l'amputation partielle de sa jambe gauche ; que compte tenu de l'état de santé antérieur dégradé de l'intéressée et de l'évolution prévisible des plaies, du fait du diabète dont elle est atteinte, il sera fait une juste appréciation de la perte de chance résultant de ces deux causes en l'évaluant à 20 % ;

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

11. Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise du docteur Bodin que l'état de santé de Mme C...doit être considéré comme consolidé au 20 septembre 2004 ; que l'apparition, invoquée par l'intéressée, d'un ulcère sur l'extrémité amputée, ayant nécessité des soins, n'est pas, en l'absence d'élément plus précis, de nature à remettre en cause la date de consolidation retenue par l'expert ;

12. Considérant qu'il y a lieu de statuer poste par poste sur les droits respectifs de la victime et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale telles qu'elles ont été modifiées par la loi susvisée du 21 décembre 2006, qui s'appliquent à la réparation des dommages résultant d'événements antérieurs à la date d'entrée en vigueur de cette loi dès lors que, comme en l'espèce, le montant de l'indemnité due à la victime n'a pas été définitivement fixé avant cette date, et en tenant compte de la fraction du dommage dont l'établissement hospitalier est responsable ;

S'agissant des dépenses de santé :

13. Considérant, en premier lieu, que la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire Atlantique, établit avoir exposé à la date du 22 novembre 2012 la somme de 42 013,01 euros au titre des frais d'hospitalisation, de 144,59 euros au titre des frais de soins externe, et de 8 682,23 euros au titre de la prise en charge d'un fauteuil roulant et d'une prothèse tibiale, soit un montant total de 50 839,83 euros ;

14. Considérant, en second lieu, que la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique demande le versement, au titre des prestations de maladie futures, d'un capital de 38 748,21 euros, évalué à la date du 22 novembre 2012, représentant le coût du renouvellement du fauteuil roulant et d'un capital de 17 269,05 euros, évalué à la même date, représentant le coût de renouvellement de la prothèse tibiale, soit la somme totale de 56 017,26 euros ; que les sommes en cause sont en relation directe et certaine avec le préjudice subi par Mme C...du fait des fautes retenues à l'encontre de l'établissement hospitalier ; qu'en l'absence d'opposition du centre hospitalier de Saint-Nazaire au versement d'un capital représentatif des frais futurs de la caisse, il y a lieu de retenir les sommes ainsi réclamées ;

15. Considérant, par ailleurs, que Mme C...établit avoir pris en charge des frais d'acquisition d'un fauteuil roulant électrique à concurrence d'un montant de 2 616,75 euros non remboursé par l'assurance maladie ;

16. Considérant que le total des dépenses de santé s'établit à 109 473,84 euros ; que compte tenu de la part de préjudice indemnisable de 20 %, le montant de la réparation incombant au centre hospitalier de Saint-Nazaire s'élève à 21 894,77 ; que l'indemnité ainsi calculée devant être attribuée par préférence à la victime conformément aux dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, elle sera intégralement versée à Mme C...à concurrence de la somme de 2 616,75 euros retenue au point précédent ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique a droit, quant à elle, au versement du reliquat soit un montant de 19 278,02 euros ;

S'agissant des frais liés au handicap :

17. Considérant, en premier lieu, que Mme C...justifie avoir exposé des frais d'installation d'un fauteuil monte-escalier dans son logement pour la somme de 3 963,68 euros et d'une rampe télescopique pour la somme de 427,50 euros, soit un montant total de 4 391,18 euros dont elle peut réclamer le remboursement ; qu'il n'y pas a lieu, en revanche, de tenir compte des demandes relatives aux frais de remplacement d'une chaudière d'un montant de 13 839,79 euros, à l'achat d'accessoires de fauteuil de salon d'un montant de 1 700 euros et à l'achat d'un matelas d'un montant de 5 958,01 euros, dont le lien avec l'accident médical n'est pas établi ; que, compte tenu de la part de préjudice indemnisable de 20 %, la somme mise à la charge du centre hospitalier de Saint-Nazaire s'élève à 878,24 euros;

18. Considérant, en second lieu, que si Mme C...soutient qu'elle a dû changer de véhicule, elle ne produit aucun élément permettant d'évaluer ce préjudice ; que, par suite, sa demande ne peut qu'être rejetée ;

En ce qui concerne les préjudices personnels de Mme C...:

19. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que Mme C...a subi une incapacité temporaire totale du 15 juin 2001 au 20 février 2002 ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre en l'évaluant à 3 400 euros ; que, par ailleurs, l'intéressée, qui était âgé de 60 ans à la date de sa consolidation le 20 septembre 2004, reste atteinte d'un taux d'incapacité permanente partielle évalué à 25 % par l'expert ; qu'aucun élément de l'instruction ne permet de remettre ce taux en cause ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'indemnité due à ce titre, y compris le préjudice d'agrément, en l'évaluant à la somme totale de 30 000 euros ; que, compte tenu de la part de préjudice indemnisable de 20 %, la somme mise à la charge du centre hospitalier de Saint-Nazaire s'élève à 6 680 euros ;

20. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les souffrances endurées par Mme C...peuvent être évaluées à 4 sur une échelle de 7 ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice ainsi subi, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait été sous-évalué par l'expert, en fixant l'indemnité due à ce titre à 8 000 euros ; que Mme C...subit également, du fait de l'altération de son apparence physique, un préjudice esthétique évalué par l'expert à 3 sur une échelle de 7, qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, dont il ne résulte pas davantage de l'instruction qu'il aurait été sous-évalué, en fixant l'indemnité due à ce titre à 5 000 euros ; que compte tenu de la part de préjudice indemnisable, de 20 % la somme mise à la charge du centre hospitalier de Saint-Nazaire s'élève à 2 600 euros ;

En ce qui concerne les préjudices personnels de M. C...:

21. Considérant qu'il est constant que M. C...a subi, en raison des préjudices subis par son épouse, un préjudice moral qui lui est propre et dont il sera fait une juste appréciation en le fixant à 5 000 euros ; que compte tenu de la part de préjudice indemnisable de 20 %, la somme mise à la charge du centre hospitalier de Saint-Nazaire s'élève à 1 000 euros ;

22. Considérant que la somme totale mise à la charge du centre hospitalier de Saint-Nazaire au titre de l'indemnisation des préjudices patrimoniaux et personnels subis par M. et Mme C...doit être fixée à 13 774,99 euros ; que la somme totale mise à la charge de ce centre hospitalier au titre du remboursement des débours exposés par la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique pour le compte de son assurée sociale s'élève à la somme de 19 278,02 euros ;

Sur les intérêts :

23. Considérant que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que, par suite, M. et Mme C...ont droit aux intérêts au taux légal calculés sur les sommes allouées ci-dessus à compter du 9 janvier 2008, date de leur demande d'indemnisation présentée au centre hospitalier de Saint-Nazaire ;

24. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande indemnitaire ;

Sur les frais et honoraires d'expertise :

25. Considérant qu'il y a lieu de maintenir à la charge du centre hospitalier de Saint-Nazaire les frais d'expertise liquidés et taxés par deux ordonnances du président du tribunal administratif de Nantes respectivement, en date du 18 juin 2008, à la somme de 729,85 euros hors taxes s'agissant de la première expertise et, en date du 29 décembre 2011, à la somme de 7 264,80 euros TTC s'agissant de la seconde expertise ;

Sur les conclusions relatives aux dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Considérant, en premier lieu, que les conclusions de M. et Mme C...tendant au versement d'une somme au titre des frais exposés devant le tribunal administratif, qui ne sont pas relatives à la présente instance, ne sont pas recevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

27. Considérant, en second lieu, qu'il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Nazaire le versement à M. et Mme C...de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens, et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique la somme de 1 000 euros au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 087350 en date du 21 juin 2012 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier de Saint-Nazaire est condamné à verser à M. et Mme C...la somme de 13 774,99 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 9 janvier 2008.

Article 3 : Le centre hospitalier de Saint-Nazaire est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique la somme de 19 278,02 euros.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C...et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique est rejeté.

Article 5 : Les frais et honoraires d'expertise sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Saint-Nazaire.

Article 6 : Le centre hospitalier de Saint-Nazaire versera à M. et Mme C...la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le centre hospitalier de Saint-Nazaire versera à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et Mme G...C..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique, à la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Nazaire et au centre hospitalier de Saint-Nazaire.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Gauthier, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 décembre 2016.

Le rapporteur,

E. GauthierLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. F...

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT00612


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00612
Date de la décision : 23/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric GAUTHIER
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : DUMOULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-12-23;16nt00612 ?
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