Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 24 décembre 2014 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 1411005 du 31 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 mars 2015, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 décembre 2014 ;
2°) d'annuler ces deux arrêtés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, qui devra être versée à son conseil, MeC..., qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai est insuffisamment motivé ; cette décision méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu, issu de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; il méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'un détournement de pouvoir dès lors qu'il a été édicté en vue d'empêcher son mariage avec une ressortissante française ;
- l'arrêté portant assignation à résidence est insuffisamment motivé ; il est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2015, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B...n'est fondé.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 janvier 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Allio-Rousseau a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.B..., ressortissant algérien, né le 13 mai 1979, est entré en France le 23 octobre 2014 muni d'un visa de court séjour valable jusqu'au 23 novembre 2014 ; qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà de cette date ; qu'il a été convoqué le 24 décembre 2014 dans le cadre d'une enquête diligentée par le procureur de la République pour suspicion de mariage frauduleux ; que, par deux arrêtés du 24 décembre 2014, le préfet de Maine-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai et l'a assigné à résidence ; que M. B...relève appel du jugement du 31 décembre 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de ces deux arrêtés ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français sans délai :
2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai mentionne les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment celles du 2° du I et du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rappelle que M. B...s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de son visa sans demander un titre de séjour, et présente les principaux éléments de sa situation personnelle et familiale ; qu'ainsi, cet arrêté est motivé en droit et en fait ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'arrêt Mukarubega (C-166/13) du 5 novembre 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne que l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui ne s'adresse qu'aux institutions, organes et organismes de l'Union européenne et non pas également à ses Etats membres, n'est pas utilement invoqué dans une procédure relative au droit au séjour d'un étranger ; qu'il appartient cependant à l'autorité nationale d'assurer le respect des principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ;
4. Considérant que la possibilité, pour un ressortissant d'un pays tiers à l'Union européenne susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'être entendu de manière suffisante sur la légalité de son séjour et sur sa situation personnelle comprend le droit d'exprimer, avant l'adoption d'une décision de retour le concernant, son point de vue sur la légalité de son séjour ainsi que sur les modalités de son retour mais n'oblige l'autorité compétente ni à prévenir ce ressortissant, préalablement à l'audition organisée en vue de cette adoption, de ce qu'elle envisage d'adopter à son égard une décision de retour, ni à lui communiquer les éléments sur lesquels elle entend fonder celle-ci, ni à lui laisser un délai de réflexion avant de recueillir ses observations, dès lors que ce ressortissant a la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue au sujet de l'irrégularité de son séjour et des motifs pouvant justifier que cette autorité s'abstienne de prendre une décision de retour ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., convoqué le 24 décembre 2014 par les services de la gendarmerie de Segré pour des faits de suspicion de mariage de complaisance, a reconnu à cette occasion qu'il était démuni de titre de séjour, qu'il était entré en France sous couvert d'un visa touristique et qu'il se maintenait irrégulièrement en France depuis l'expiration de ce visa ; qu'il a été entendu le même jour sur son âge, sa nationalité, sa situation de famille, son projet de mariage avec une ressortissante française, ses attaches dans son pays d'origine, ses conditions de voyage et d'entrée en France, sa situation professionnelle et financière ainsi que sur ses conditions d'hébergement et ses intentions s'agissant de son retour dans son pays d'origine ; que l'intéressé a par ailleurs précisé qu'il ne souhaitait pas l'assistance d'un interprète ou d'un avocat ; qu'il n'est pas établi qu'il disposait d'autres informations qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance des services de la préfecture avant l'édiction de la décision qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à y faire obstacle ; que, dans ces conditions, M. B... doit être regardé comme ayant eu la faculté d'être entendu préalablement à l'édiction de l'obligation de quitter sans délai le territoire français ; que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit, dès lors et en tout état cause, être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). " ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'entré en France à l'âge de 35 ans à une date récente, M. B...n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que s'il se prévaut d'une relation stable et ancienne avec une ressortissante française qu'il projetait d'épouser à la date de la décision en litige, il ressort des pièces du dossier qu'ils n'ont entretenu qu'une relation téléphonique épisodique depuis 2009 et que la communauté de vie était très récente au jour de l'édiction de la mesure d'éloignement ; que, dans ces conditions, l'arrêté du 24 décembre 2014 n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels cette mesure a été prise, et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en dépit de la célébration du mariage postérieurement à la date de l'arrêté en litige ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que le procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Angers a décidé de surseoir à statuer pour une durée d'un mois à la célébration du mariage de M.B..., dont le dossier avait été déposé en mairie de Saint-Gemmes-d'Andigné le 5 novembre 2014 et a demandé une enquête aux services compétents ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été convoqué le 24 décembre 2014 par les services de la gendarmerie nationale afin d'être entendu dans le cadre de l'enquête diligentée par le ministère public ; que, le même jour, M. B...a été également entendu, cette fois dans le cadre de la procédure de retenue administrative prévue par les dispositions de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, afin d'examiner sa situation administrative au regard de la législation sur le séjour des ressortissants étrangers en France ; que ce n'est qu'à la suite de cette seconde audition que le préfet de Maine-et-Loire, constatant que l'intéressé se trouvait en situation irrégulière, a prononcé une obligation de quitter le territoire français sans délai ; que si l'arrêté du préfet relève, au titre de l'examen de la situation personnelle de M.B..., que celui-ci envisage de se marier, cette seule mention ne peut suffire à établir que la mesure d'éloignement prise à son encontre aurait eu pour motif déterminant de s'opposer à l'union projetée, au demeurant célébrée le 7 février 2015 et non de mettre un terme à la présence irrégulière de l'intéressé sur le territoire français ; que, dans ces conditions, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
8. Considérant qu'il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, les moyens tirés du défaut de motivation de cet arrêté et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que M. B...réitère en appel sans apporter de précisions nouvelles ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M.B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat au titre des frais non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 décembre 2015.
Le rapporteur,
M-P. Allio-C...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT00755