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04/06/2015 | FRANCE | N°14NT03093

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 04 juin 2015, 14NT03093


Vu la décision n° 371959 du 26 novembre 2014 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'ordonnance n°13NT00195 du 8 juillet 2013 par laquelle le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté comme tardive la requête présentée par Mme B... A...et tendant à l'annulation du jugement n°1103481, 1104062 du 13 novembre 2012 du tribunal administratif d'Orléans rejetant ses demandes tendant à la condamnation du centre hospitalier régional d'Orléans à réparer les préjudices résultant pour elle du harcèlement moral subi au

sein de cet établissement, et a renvoyé l'affaire devant la même co...

Vu la décision n° 371959 du 26 novembre 2014 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'ordonnance n°13NT00195 du 8 juillet 2013 par laquelle le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté comme tardive la requête présentée par Mme B... A...et tendant à l'annulation du jugement n°1103481, 1104062 du 13 novembre 2012 du tribunal administratif d'Orléans rejetant ses demandes tendant à la condamnation du centre hospitalier régional d'Orléans à réparer les préjudices résultant pour elle du harcèlement moral subi au sein de cet établissement, et a renvoyé l'affaire devant la même cour ;

Vu la requête, enregistrée le 18 janvier 2013, présentée pour Mme B...A..., demeurant..., par Me Rousseau, avocat au barreau de Nantes ; Mme A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1103481, 1104062 du 13 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes tendant à la condamnation du centre hospitalier régional (CHR) d'Orléans à lui verser, d'une part, la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi pour des faits de harcèlement moral, d'autre part, le différentiel entre le traitement qu'elle a perçu et celui qu'elle aurait dû percevoir à compter de 2008 à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice professionnel, et enfin, la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

2°) de condamner le CHR d'Orléans à lui verser les sommes précitées ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2011, date de réception de sa réclamation préalable par le centre hospitalier régional d'Orléans, ces intérêts étant eux mêmes capitalisés ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional d'Orléans la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la surcharge de travail de Mme A...n'était pas constitutive d'un harcèlement moral et que la réduction de ses attributions au sein de la commission des relations avec les usagers, dans le contexte dans lequel elle s'est effectuée, ne relevait pas d'un abus dans l'exercice du pouvoir hiérarchique ;

- les nouvelles fonctions ajoutées à son profil de poste le 5 août 2008 révèlent une intention de nuire ; l'attribution d'un bureau isolé à son retour de congé maladie constitue bien une pratique de harcèlement moral, de même que l'importante baisse de sa notation pour 2008 qui ne résulte pas de son comportement ;

- elle a d'ailleurs obtenu l'annulation de cette notation par le même tribunal et l'avertissement dont elle a fait l'objet a été annulé par cette même juridiction pour un motif de forme, le centre hospitalier régional d'Orléans n'ayant pas pris de nouvelle sanction et reconnaissant ainsi que celle-ci n'était pas fondée ;

- son état de santé s'est profondément dégradé du fait de ces agissements répétés qui constituent des fautes de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier régional d'Orléans ; elle évalue à hauteur de 15 000 euros son préjudice moral ;

- le centre hospitalier régional d'Orléans a également commis une faute en refusant de lui accorder la protection fonctionnelle ; elle évalue à 2 500 euros le préjudice moral résultant de cette faute ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 décembre 2014, présenté pour Mme A...qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et demande en outre qu'au titre de son préjudice professionnel le centre hospitalier régional d'Orléans soit condamné à lui verser une somme correspondant au différentiel entre le traitement qu'elle a effectivement perçu et le traitement qu'elle aurait dû percevoir après reconstitution de sa carrière, par comparaison avec la progression moyenne des autres agents titularisés au grade d'attaché d'administration principal ;

elle soutient en outre que :

- le harcèlement moral est parfaitement caractérisé et l'agent qui en a été l'auteur peut être sanctionné disciplinairement ; la passivité du centre hospitalier régional d'Orléans pour mettre fin à ces agissements révèle une faute de nature à engager sa responsabilité ; les éléments qu'elle apporte sont de nature à faire présumer que le harcèlement est constitué, le centre hospitalier régional d'Orléans n'apportant pour sa part aucun élément objectif permettant de renverser cette présomption ;

- la sanction dont elle a été l'objet a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- les conséquences de ce harcèlement ont porté atteinte à sa santé ; la dégradation de son état de santé est attestée par les certificats médicaux émis à l'occasion de son placement en congé de longue durée ;

- elles ont également compromis son avenir professionnel ; elle est fondée à obtenir le paiement de la différence de traitement effectivement perçu et celui qu'elle aurait dû percevoir si son avancement n'avait pas été retardé du fait de la baisse de sa notation ;

- le refus de lui accorder la protection fonctionnelle constitue une faute ;

Vu l'ordonnance en date du 14 avril 2015 fixant la clôture d'instruction au 30 avril 2015, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2015, présenté pour le centre hospitalier régional d'Orléans, représenté par son directeur général, par Me Coudray, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il fait valoir que :

- le tribunal administratif a justement estimé que le retrait d'une partie des attributions de Mme A...résultait à la fois de sa demande et de la réorganisation du service dans lequel elle était affectée et n'excédait pas les limites normales du pouvoir hiérarchique ;

- le bureau qui a été mis à sa disposition lors de sa reprise de fonction le 23 juillet 2009 n'était ni isolé, ni inadapté ; Mme A...n'a occupé ce bureau que pour un temps extrêmement court, entre le 23 et le 27 juillet 2009 ;

- la sanction disciplinaire dont elle a fait l'objet et l'abaissement de sa notation, s'ils ont été annulés pour des motifs de procédure, étaient justifiés au fond de sorte qu'aucun harcèlement moral ne peut en être constitué ;

- Mme A...n'établit pas la dégradation de son état de santé ;

- les conditions justifiant que la protection fonctionnelle lui soit accordée n'étaient pas réunies ;

- ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 avril 2015, présenté pour Mme A...qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que, le harcèlement moral étant établi, la protection fonctionnelle devait lui être accordée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 2015 :

- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;

- et les observations de Me Deniau, avocat de MmeA... ;

1. Considérant que, par une ordonnance du 8 juillet 2013, le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté comme tardive la requête présentée par Mme A... tendant à l'annulation du jugement n°1103481, 1104062 du 13 novembre 2012 du tribunal administratif d'Orléans rejetant ses demandes tendant à la condamnation du centre hospitalier régional d'Orléans à réparer les préjudices résultant pour elle du harcèlement moral qu'elle aurait subi au sein de cet établissement ; que, par une décision n° 371959 du 26 novembre 2014, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cette ordonnance et a renvoyé l'affaire devant la cour ; que Mme A...relève appel du jugement du 13 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes tendant à la condamnation du centre hospitalier régional d'Orléans à réparer les préjudices résultant pour elle du harcèlement moral qu'elle aurait subi au sein de cet établissement ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 modifiée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) " ; que, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que, d'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; que, pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ; que, dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral ;

3. Considérant que MmeA..., attachée d'administration hospitalière, en fonction au centre hospitalier régional d'Orléans depuis le 1er juillet 1985, soutient qu'une surcharge de travail lui a été imposée dès l'arrivée d'un nouveau directeur chargé de la qualité, des usagers et de la gestion des risques en octobre 2007 et que la réduction de ses attributions décidée sans concertation, ainsi que plusieurs décisions la concernant telles que l'abaissement de sa notation pour 2008 ou l'avertissement dont elle a fait l'objet la même année, constituent des agissements de harcèlement moral ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la demande qui a été faite à l'intéressée de produire dans les délais impartis des documents relevant de ses attributions, à savoir les rapports annuels de la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (CRUQPC) dont elle était la secrétaire pour les années 2007 et 2008, révélerait de tels agissements ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que la réorganisation de la direction des usagers et de la qualité, présentée en conseil de service le 30 janvier 2008, a d'emblée fait l'objet d'une vive opposition de la part de Mme A...qui s'est également refusée à discuter de la redéfinition de son poste ; que la réduction de ses attributions de secrétaire de la CRUQPC, formalisée dans le profil de son poste daté du 5 août 2008, était justifiée par des nécessités de service et par la circonstance que Mme A...s'était plainte auparavant d'une charge de travail trop importante ; que si la requérante indique qu'elle a été mise à l'écart dans un bureau isolé, elle n'a occupé ce bureau que sur une période de quelques jours en 2009, entre les deux années de congés pour formation professionnelle dans le secteur du négoce d'art dont elle a pu bénéficier à sa demande, et alors qu'elle n'avait pas vocation à retrouver son ancien poste à la suite de son départ en formation ; que ces mesures n'ont pas excédé le cadre normal du pouvoir d'organisation du service ; que n'ont pas davantage excédé ce cadre l'abaissement de note pour l'année 2008 et l'avertissement dont la requérante a fait l'objet qui, s'ils ont été annulés pour des motifs de forme par le tribunal administratif d'Orléans, étaient motivés par le comportement outrancier et les excès verbaux de l'intéressée, tant à l'égard de son directeur référent qu'à celui du directeur général du centre hospitalier régional d'Orléans ; que d'ailleurs la difficulté de Mme A...à travailler sous les directives d'un supérieur hiérachique avait déjà été signalée en 1999 et 2002 et avait justifié la création d'un poste lui accordant une large autonomie ; que plusieurs incidents relatifs à la gestion de dossiers témoignent que la relation de défiance, dont l'intéressée était responsable pour une bonne part, qui s'était instaurée entre Mme A...et son directeur fonctionnel portait atteinte au bon fonctionnement du service public hospitalier ; que, par suite, les agissements mentionnés par la requérante ne sauraient être regardés comme constitutifs de harcèlement moral ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983: " (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté " ;

5. Considérant que Mme A...a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle dans la demande indemnitaire qu'elle a adressé le 12 juillet 2011 au centre hospitalier régional d'Orléans, qui n'a pas donné suite à cette demande ; qu'il résulte toutefois de ce qui été dit au point 3 que, les agissements du centre hospitalier régional d'Orléans à l'égard de Mme A...ne relevant pas d'un comportement de harcèlement moral, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que le directeur du centre hospitalier aurait commis une faute en refusant de lui accorder le bénéfice de la protection statutaire ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'après l'annulation par le tribunal administratif d'Orléans de la note initiale attribuée à l'agent pour l'année 2008, le directeur général du centre hospitalier régional d'Orléans a fixé cette note à 19.50 par une décision du 17 janvier 2012 ; que par un jugement du 13 novembre 2012, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté le recours formé par Mme A...contre cette nouvelle note ; qu'ainsi, faute pour elle d'établir que sa notation définitive serait entachée d'illégalité, la requérante n'est pas fondée, en tout état de cause, à obtenir l'indemnisation d'un quelconque préjudice professionnel ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier régional d'Orléans, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au centre hospitalier régional d'Orléans.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2015 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller,

Lu en audience publique le 4 juin 2015.

Le rapporteur,

F. LEMOINE

Le président,

I. PERROT

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT03093


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT03093
Date de la décision : 04/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Notation et avancement - Révision des situations.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique.


Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN THOUVENIN COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-06-04;14nt03093 ?
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