La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/06/2015 | FRANCE | N°14NT00834

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 04 juin 2015, 14NT00834


Vu la requête, enregistrée le 31 mars 2014, présentée par le préfet d'Ille-et-Vilaine ; le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400848 du 25 février 2014 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 20 février 2014 portant à l'encontre de M. D...B...obligation de quitter le territoire français sans délai à destination de l'Algérie ainsi que la décision du même jour plaçant l'intéressé en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant

le tribunal administratif de Rennes ;

il soutient qu'aucun élément ne permet d'établir ...

Vu la requête, enregistrée le 31 mars 2014, présentée par le préfet d'Ille-et-Vilaine ; le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400848 du 25 février 2014 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 20 février 2014 portant à l'encontre de M. D...B...obligation de quitter le territoire français sans délai à destination de l'Algérie ainsi que la décision du même jour plaçant l'intéressé en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rennes ;

il soutient qu'aucun élément ne permet d'établir à la date de l'arrêté litigieux tant la communauté de vie de M. B...avec sa compagne présumée que la contribution de l'intéressé à l'entretien et à l'éducation de " son " premier enfant, qu'il n'a d'ailleurs pas reconnu ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 avril 2015, présenté pour M. B...par Me Le Bourhis, avocat au barreau de Rennes, qui conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et au versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de la renonciation de celui-ci à percevoir la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

il soutient que :

- c'est à juste titre que le tribunal administratif a annulé l'arrêté contesté au motif qu'il était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- à titre subsidiaire, l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- le préfet a porté atteinte à sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté contesté est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 8 septembre 2014 admettant M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Le Bourhis pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 2015 :

- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller,

- et les observations de MeF..., substituant Me Le Bourhis, avocat de M. B...;

1. Considérant que le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement du 25 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 20 février 2014 portant à l'encontre de M. B...obligation de quitter le territoire français sans délai à destination de l'Algérie ainsi que sa décision du même jour plaçant l'intéressé en rétention administrative ;

2. Considérant que si M. B...a produit des attestations établies par MmeE..., ressortissante française résidant en Ille-et-Vilaine, par plusieurs membres de la famille de celle-ci et par des amis, confirmant la relation amoureuse qu'ils entretiennent et le fait qu'il est le père d'un garçon né le 5 novembre 2012 et qu'à la date de l'arrêté contesté Mme E...était à nouveau enceinte, il a cependant également indiqué lors de son audition par les forces de police, le 20 février 2014, être célibataire et sans enfant à charge et vivre depuis son arrivée en France en région parisienne, d'abord chez des amis puis " maintenant " à Saint-Denis ; que le requérant, qui a reconnu par anticipation, le 24 janvier 2014, l'enfant à naître de MmeE..., n'a en revanche effectué aucune démarche pour reconnaître le premier fils de celle-ci ; que l'intéressée, contactée téléphoniquement le 20 février 2014 par un agent de police, a confirmé avoir eu un fils avec M. B... et être de nouveau enceinte, tout en précisant que celui-ci ne vivait pas avec elle " actuellement " ; que les seules actes médicaux émanant d'un médecin et d'un dentiste, installés respectivement à Bruz et à Chartres de Bretagne et consultés les 7, 28 et 30 octobre 2013, ne suffisent pas à établir l'effectivité et la stabilité de la relation de couple invoquée par le requérant, lequel n'établit pas davantage participer à l'entretien et à l'éducation de " ses " enfants ; que, dans ces conditions, en l'absence de plus amples justificatifs, et alors par ailleurs que l'intéressé reconnaît n'avoir effectué aucune démarche en vue de la régularisation de son séjour en France et ne pas travailler ni disposer d'aucune ressource, qu'il ne justifie pas de son insertion à la société française et n'est pas dépourvu de toutes attaches familiales en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans, c'est à tort que le magistrat délégué a estimé que la décision contestée portant à l'encontre de M. B... obligation de quitter le territoire français sans délai à destination de l'Algérie était entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle et familiale ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour ;

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi :

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a été signé par M. C... G..., chef du bureau du séjour et de l'éloignement à la préfecture d'Ille-et-Vilaine ; que, par un arrêté du 19 février 2014 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet d'Ille-et-Vilaine a accordé à M. A...I..., directeur de la règlementation et des libertés publiques, et en cas d'absence ou d'empêchement de ce dernier à M. G..., une délégation de signature portant expressément sur les décisions d'éloignement et les décisions distinctes fixant le pays de renvoi ; qu'il n'est pas soutenu que M. I...n'était pas absent ou empêché à la date des décisions contestées ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux du 20 février 2014 doit être écarté ;

5. Considérant, par ailleurs, que, compte tenu de ce qui a été dit au point 2, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doivent également être écartés ;

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " (...) II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...)" ;

7. Considérant que la décision contestée est suffisamment motivée en fait et en droit ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle et familiale de M.B... ;

8. Considérant que, selon ses propres allégations, M. B... est entré irrégulièrement en France au cours du mois de novembre 2010 ; qu'il est constant que l'intéressé n'a pas sollicité de titre de séjour ; que, par suite, il entrait dans le champ d'application des dispositions du a) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permettent au préfet d'obliger l'intéressé à quitter le territoire français sans délai ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne le placement en rétention administrative :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ;

10. Considérant que l'arrêté de placement en rétention administrative contesté est suffisamment motivé en droit et en fait ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle et familiale de M.B... ;

11. Considérant que, pour placer M. B...en rétention administrative, le préfet s'est fondé sur ce que l'intéressé, qui avait un passeport, avait cependant manifesté sa volonté de se maintenir en France en dépit de la mesure d'éloignement prise à son encontre et ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes et notamment de domicile stable ; que le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que la décision de placement en rétention prise à son encontre serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, et ce, alors même que la France et l'Algérie ont signé un protocole permettant la délivrance de laissez-passer consulaires dans certaines situations prédéfinies ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 20 février 2014 portant obligation à l'encontre de M. B...de quitter sans délai le territoire français et fixant son pays de renvoi ainsi que son arrêté de même date plaçant l'intéressé en rétention administrative ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la demande de M.B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1400848 du magistrat délégué du tribunal administratif de Rennes en date du 25 février 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rennes ainsi que les conclusions présentées par lui en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... B....

Une copie sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2015, où siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- Mme Gélard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 4 juin 2015.

Le rapporteur,

V. GÉLARDLe président,

I. PERROT

Le greffier,

M. H...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 14NT00834


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00834
Date de la décision : 04/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : LE BOURHIS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-06-04;14nt00834 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award