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02/06/2015 | FRANCE | N°14NT00329

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 02 juin 2015, 14NT00329


Vu la requête, enregistrée le 11 février 2014, présentée pour M.B..., demeurant..., par Me Cavelier, avocat ; M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301865 du 12 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux dirigé contre la décision du 25 mars 2013 du préfet du Calvados refusant de lui accorder une carte de résident portant la mention " résident longue durée-CE " ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet

du Calvados, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de réexaminer sa demande d...

Vu la requête, enregistrée le 11 février 2014, présentée pour M.B..., demeurant..., par Me Cavelier, avocat ; M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301865 du 12 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux dirigé contre la décision du 25 mars 2013 du préfet du Calvados refusant de lui accorder une carte de résident portant la mention " résident longue durée-CE " ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de réexaminer sa demande de carte de résident, dans le délai de 15 jours à compter de la date de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de la justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

il soutient que :

- le préfet du Calvados a méconnu les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il dispose d'un revenu mensuel stable et suffisant de 1024,91 euros composé de l'allocation pour adultes handicapés et de l'aide personnalisée au logement ;

- la décision contestée méconnait les stipulations de l'articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de cette même convention ; alors qu'il est présent sur le territoire français depuis plus de dix ans, il est reconnu comme adulte handicapé avec un taux compris entre 50 et 79%, son état de santé ne lui permet pas de travailler et de bénéficier de ressources propres égales au SMIC ;

- la décision du préfet, prise en raison de son handicap présente un caractère discriminatoire ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2014 présenté par le préfet du Calvados, qui conclut au rejet de la requête, par les mêmes moyens que ceux développés en première instance ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 1er juillet 2014, admettant M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2015 :

- le rapport de Mme Loirat, président assesseur ;

- et les observations de Me Cavelier, avocat de M.B... ;

1. Considérant que M.B..., ressortissant géorgien né le 6 janvier 1954, a déclaré être entré en France le 18 juillet 2003 ; que sa demande d'asile a été rejetée le 18 décembre 2003 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis par la Commission des recours des réfugiés le 14 juin 2005 ; qu'il a bénéficié au cours de l'année 2005 d'une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " délivrée pour raisons médicales et régulièrement renouvelée depuis ; qu'il a sollicité, en septembre 2012, la délivrance d'une carte de résident portant la mention "résident de longue durée-CE" sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par une décision du 25 mars 2013, le préfet du Calvados a rejeté sa demande et que son recours gracieux formé à l'encontre de cette décision a fait l'objet d'un rejet implicite né le 15 septembre 2013 ; que par la présente requête, M. B...relève appel du jugement du 12 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de rejet de son recours gracieux ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L.314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France, conforme aux lois et règlements en vigueur, sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles L. 313-6, L. 313-8 et L. 313-9, aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 313-10, aux articles L. 313-11, L. 313-11-1, L. 313-14 et L. 314-9, aux 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 9° de l'article L. 314-11 et aux articles L. 314-12 et L. 315-1 peut obtenir une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-CE " s'il dispose d'une assurance maladie (...) La décision d'accorder ou de refuser cette carte est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et de ses moyens d'existence. / Les moyens d'existence du demandeur sont appréciés au regard de ses ressources qui doivent être stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues aux articles L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles et L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement (...) " ; que l'article R. 314-1-1 du même code dispose que : " L'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-CE " doit justifier qu'il remplit les conditions prévues à l'article L. 314-8 en présentant : / (...) 3° La justification qu'il dispose de ressources propres, stables et régulières, suffisant à son entretien, indépendamment des prestations et des allocations mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 314-8, appréciées sur la période des cinq années précédant sa demande, par référence au montant du salaire minimum de croissance (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, qui doivent être interprétées conformément aux objectifs de la directive du 25 novembre 2003, dont elles assurent la transposition et qui visent à permettre la délivrance d'un titre de séjour de longue durée, valable dans l'ensemble du territoire de l'Union, qu'est exclue dans le calcul des ressources la prise en compte non seulement des prestations énumérées, mais également des autres prestations d'aide sociale, notamment l'allocation aux adultes handicapés mentionnée aux articles L. 821-1 et suivants du code de la sécurité sociale ;

3. Considérant qu'il est constant que M. B...ne percevait sur la période précédant la décision en litige aucun autre revenu que les prestations sociales versées par la caisse d'allocations familiales de Caen, se composant d'une allocation pour adultes handicapés d'un montant mensuel de 776,59 euros et d'une aide personnalisée au logement de 270,63 euros ; que M. B...ne disposait, dès lors, d'aucune ressource propre ; qu'en estimant que ces ressources ne présentaient pas les caractéristiques exigées par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Calvados a fait une exacte application des dispositions de l'article L. 314-8 de ce code, et n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance " ; qu'en se bornant à faire valoir qu'il est établi sur le territoire français depuis 2003 et que la décision en cause, si elle ne compromet pas son droit au séjour en France, le contraint à faire des démarches tous les ans auprès de la préfecture pour le renouvellement de sa carte de séjour temporaire, démarches qui seraient incompatibles avec son état de santé, M. B...n'établit pas que la décision contestée du préfet porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport au but dans lequel elle a été prise ; que dans ces conditions le préfet du Calvados n'a pas méconnu les stipulations précitées ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus par la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques out toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; que M. B...soutient que la décision contestée instaure une discrimination en raison du handicap contraire aux stipulations précitées, dès lors que l'application stricte des dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a pour effet d'exclure du droit à la carte de résident les personnes qui, comme lui, ont été reconnues handicapées et ne peuvent disposer d'autres ressources que l'allocation aux adultes handicapés ; qu'il ne saurait toutefois se prévaloir utilement de la délibération n° 2008-12 du 14 janvier 2008 de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), laquelle est dépourvue de force contraignante et n'ouvre par elle-même aucun droit au bénéfice des justiciables ; que la situation de M.B..., qui ne justifie pas d'une incapacité totale et définitive et bénéficie d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " en raison de son état de santé, régulièrement renouvelée depuis 2005, n'est pas sensiblement différente de celle des étrangers qui, pour une raison indépendante de leur volonté, disposent de ressources inférieures au salaire minimum de croissance ; que dès lors, le préfet du Calvados n'a pas, en s'abstenant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de dérogation, commis de discrimination à l'encontre de M. B...en méconnaissance des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

7. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Calvados, sous astreinte, de lui délivrer le titre de séjour sollicité, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat par application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M.A..., faisant fonction de premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 juin 2015

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT00329 2

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : CAVELIER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 02/06/2015
Date de l'import : 13/06/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14NT00329
Numéro NOR : CETATEXT000030675466 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-06-02;14nt00329 ?
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