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02/06/2015 | FRANCE | N°13NT02767

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 02 juin 2015, 13NT02767


Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2013, présentée pour M. D... E..., demeurant..., par MeA... ; M. E...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101014 du 8 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2010 du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative prononçant son licenciement en fin de stage ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrativ

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il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'i...

Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2013, présentée pour M. D... E..., demeurant..., par MeA... ; M. E...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101014 du 8 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2010 du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative prononçant son licenciement en fin de stage ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il n'était pas fondé à exciper de l'illégalité de la délibération du jury académique du 5 juillet 2010 qui est l'acte sur le fondement duquel la décision de licenciement a été prise ;

- cette délibération est entachée d'illégalité en l'absence de mention de l'identité du président du jury en méconnaissance de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ne lui permettant pas de connaitre le nom, prénom et qualité de son signataire ;

- le jury ne s'est prononcé qu'au vu du seul rapport d'inspection sans prendre en considération les autres éléments de son dossier notamment l'avis favorable du chef d'établissement du lieu du stage ainsi que de nombreux autres éléments tels que les fiches de bilan et compte-rendu d'observations ;

- il n'a bénéficié d'aucune formation spécifique ni d'encadrement particulier en méconnaissance des dispositions de la circulaire n° 2001-150 du 27 juillet 2001 ; aucun suivi pédagogique effectif et constant ne lui a été prodigué ; il a été placé au cours de sa deuxième année de stage en responsabilité sans bénéficier de formation théorique alors que les visites du conseiller pédagogique ne peuvent être assimilées à un plan de formation spécifique ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il ne lui appartenait pas de contrôler les appréciations portées par le jury sur sa valeur pédagogique alors qu'il doit vérifier l'exactitude matérielle des faits et qu'en l'occurrence ceux qui lui sont reprochés, notamment une réflexion didactique superficielle et des difficultés de communication orale, ne sont pas démontrés ;

- il est fondé à invoquer l'erreur manifeste d'appréciation commise par le jury académique dès lors qu'il n'a démontré aucune insuffisance professionnelle et que les problèmes de gestion de classe ne ressortent pas des appréciations du chef d'établissement ; ses insuffisances pédagogiques et lacunes en termes d'expression orale et écrite ne ressortent pas de son dossier ;

- la décision portant licenciement est insuffisamment motivée ; elle est intervenue en méconnaissance du principe du contradictoire ; il n'a pu consulter son dossier ;

- le ministre n'était pas en situation de compétence liée, il a commis une erreur manifeste d'appréciation en procédant à son licenciement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2014, présenté par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- comme il l'a indiqué en première instance la délibération du jury n'est entachée ni d'erreur de fait ni d'erreur manifeste d'appréciation ; M. E...n'est donc pas fondé à exciper de son illégalité ;

- dès lors qu'il est en situation de compétence lié, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de l'arrêté en litige est inopérant ;

Vu l'ordonnance en date du 27 novembre 2014 fixant la clôture d'instruction au 12 décembre 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 10 décembre 2014, présenté pour M.E..., qui conclut aux mêmes fins que précedemment et, à titre principal, à ce qu'il soit enjoint au ministre de procéder à sa titularisation et reconstitution de carrière sous délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint au ministre de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions d'astreinte ;

- il soutient en outre que le signataire de la décision de licenciement ne bénéficiait pas d'une délégation régulièrement publiée ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 24 décembre 2014, présenté par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche qui conclut aux mêmes fins que précedemment et ajoute en outre que ;

- dès lors que la décision de licenciement est exclusivement fondée sur les rapports réalisés au cours de la deuxième année de stage, les allégations du requérant concernant la première année de stage ne peuvent être prises en compte ;

- le signataire de la décision de licenciement bénéficiait d'une délégation régulière ;

Vu l'ordonnance du 12 décembre 2014 prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative reportant la clôture de l'instruction au 24 décembre 2014 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

Vu le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2015 :

- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- et les observations de Me B...pour M.E... ;

1. Considérant que M. E...a été nommé au 1er septembre 2008 en qualité de professeur certifié stagiaire et affecté dans l'académie de Nantes suite à sa réussite au concours externe du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (CAPES) dans la discipline de physique-chimie ; qu'il n'a pas été titularisé à l'issue de son stage probatoire, lequel a été prolongé pour une durée d'un an à compter du 1er septembre 2009 ; que, par délibération du 5 juillet 2010, le jury académique ne l'a pas déclaré admis à l'examen de qualification professionnelle des professeurs certifiés et s'est prononcé en faveur d'un licenciement ; que, par arrêté du 2 décembre 2010, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative a procédé à son licenciement ; qu'il relève appel du jugement du 8 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 26 du décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 : " A l'issue du stage, la titularisation est prononcée par le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle le stage est accompli, sur proposition du jury mentionné à l'article 24. La titularisation confère le certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré ou le certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement technique. / Les stagiaires qui n'ont pas été titularisés peuvent être autorisés par le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle ils ont accompli leur stage à effectuer une seconde année de stage ; celle-ci n'est pas prise en compte dans l'ancienneté d'échelon. A l'issue de cette année, ils sont titularisés dans les conditions fixées au premier alinéa. / Les stagiaires qui n'ont pas été autorisés à accomplir une seconde année de stage ou qui, à l'issue de la seconde année de stage, n'ont pas été titularisés sont soit licenciés, soit réintégrés dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine s'ils avaient la qualité de fonctionnaire. " ;

3. Considérant, en premier lieu, que par une décision du 29 juillet 2010, publiée au JO du 3 octobre 2010, M.C..., adjoint au sous-directeur de la gestion des carrières, a reçu délégation pour signer, pour le compte du ministre, tous actes à l'exclusion des décrets dans la limite des attributions de cette sous-direction ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 2 décembre 2010, qui disposait ainsi d'une délégation régulièrement publiée, manque en fait ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le licenciement d'un stagiaire en fin de stage n'entre dans aucune des catégories de mesures qui doivent être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979 ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire ; qu'il en résulte qu'alors même que la décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne, elle n'est pas - sauf à revêtir le caractère d'une mesure disciplinaire - au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de faire valoir ses observations ou de prendre connaissance de son dossier, et n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et les règlements ; qu'il suit de là que M. E...ne peut utilement soutenir que la décision de licenciement contestée n'aurait pas été précédée d'une procédure contradictoire et en particulier qu'il n'a pas été mis à même de consulter son dossier ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 : " (...) Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. " ; qu'il résulte des dispositions susvisées de l'article 26 du décret du 4 juillet 1972 portant statut particulier des professeurs certifiés que le jury académique se prononce à l'issue d'une période de formation et de stage et qu'il s'agit non d'un concours ou d'un examen mais d'une procédure tendant à l'appréciation de la manière de servir qui doit être faite en fin de stage ; qu'il n'appartient pas au jury de prendre la décision de titularisation ou de licenciement prévue par ces dispositions ; qu'il suit de là que la proposition du jury ne constitue pas elle-même une " décision " au sens des dispositions précitées du troisième alinéa de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, dont la méconnaissance ne peut dès lors être utilement invoquée à l'encontre de l'appréciation du jury académique ;

7. Considérant, en cinquième lieu, que la seule circonstance que le jury académique aurait privilégié les éléments défavorables, en particulier le rapport de l'inspection subie par M. E...le 6 mai 2010, ne peut suffire à établir qu'il n'aurait pas examiné, pour émettre son appréciation, l'ensemble des éléments qui lui étaient soumis et aurait ainsi méconnu les articles 3 et 5 de l'arrêté du 22 août 2005, relatif aux conditions d'accomplissement du stage et de la formation de certains personnels stagiaires de l'enseignement du second degré relevant du ministre chargé de l'éducation, en ne prenant pas en compte l'ensemble des éléments de son " dossier de compétences " ;

8. Considérant, en sixième lieu, que le moyen tiré de ce que M. E...n'aurait pas bénéficié des modalités de formation spécifiques, en particulier d'accompagnement, prévues par la circulaire n°2001-150 du 27 juillet 2001 est inopérant dès lors que cette circulaire est dénuée de valeur réglementaire ; qu'au surplus, il ressort des pièces du dossier qu'il a été suivi par des formateurs et encadré par un conseiller pédagogique tuteur et un conseiller pédagogique en pratique accompagnée ;

9. Considérant, en septième lieu, que le requérant n'établit aucunement que l'appréciation de l'inspecteur d'académie lui reprochant " une réflexion didactique trop superficielle et des difficultés à communiquer efficacement à l'oral avec les élèves " serait fondée sur une inexactitude matérielle ;

10. Considérant, en huitième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que si diverses appréciations, notamment du formateur, du conseiller pédagogique tuteur ou du conseiller pédagogique en pratique accompagnée et du chef d'établissement, soulignent la motivation et la conscience professionnelle de M.E..., elles mentionnent également l'excessive rapidité de son débit de parole, le manque de clarté de ses consignes et ses difficultés pour organiser au mieux le travail de la classe ; que le rapport d'inspection du 6 mai 2010 indique que " Le professeur s'exprime beaucoup, multiplie les consignes et les commentaires et, finalement, tient un discours difficilement compréhensible. (...) se contente bien souvent d'une réponse oui-non à des questions qui appelleraient un minimum de justifications. ... ne sollicite pas réellement la réflexion des élèves (...) éprouve des difficultés dans la gestion de la classe... Finalement, la classe est peu attentive et l'atmosphère n'est pas propice au travail de chacun. " et en tire les conclusions que les compétences " concevoir et mettre en oeuvre son enseignement " et " organiser le travail de la classe " ne sont pas suffisamment acquises, en reprochant à M. E...une maîtrise de la didactique de la discipline insuffisante et le fait qu'il " n'a pas saisi les enjeux de l'enseignement des sciences physiques " ; que, dans ces conditions, ni l'appréciation émise par le jury académique le 5 juillet 2010 ni la décision de licenciement elle-même n'apparaissent entachées d'une erreur manifeste ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de licenciement contestée ; que ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être également rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E...et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président assesseur,

- M. Auger, premier conseiller,

Lu en audience publique le 2 juin 2015.

Le rapporteur,

P. AUGERLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT02767


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02767
Date de la décision : 02/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Paul AUGER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL CADRAJURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-06-02;13nt02767 ?
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