La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/04/2015 | FRANCE | N°14NT02557

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 21 avril 2015, 14NT02557


Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2014, présentée par le préfet d'Ille-et-Vilaine ; le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour ;

1°) d'annuler le jugement du 21 août 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 18 août 2014 ordonnant le placement de M. A...B...en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande de M. B...;

il soutient que :

- les faits de l'espèce ont été dénaturés par le premier juge : l'interpellation de M. B...n'est pas consécutive à une ma

noeuvre déloyale de l'administration dès lors d'une part que celui-ci s'est présenté spontanémen...

Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2014, présentée par le préfet d'Ille-et-Vilaine ; le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour ;

1°) d'annuler le jugement du 21 août 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 18 août 2014 ordonnant le placement de M. A...B...en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande de M. B...;

il soutient que :

- les faits de l'espèce ont été dénaturés par le premier juge : l'interpellation de M. B...n'est pas consécutive à une manoeuvre déloyale de l'administration dès lors d'une part que celui-ci s'est présenté spontanément au guichet de la préfecture et dès lors d'autre part que la longueur de son attente s'explique par l'affluence des ressortissants étrangers qui, contrairement au requérant, avaient rendez-vous ;

- le magistrat a commis une erreur de droit au regard de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme Conka c/ Belgique 5 février 2002 n°51564/99 et de la décision du Conseil d'Etat n° 292607 en date du 7 février 2007 ainsi qu'au regard de l'arrêt n°12MA03416 rendu le 20 décembre 2013 par la cour administrative d'appel de Marseille;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 24 mars 2015 présenté pour M. B...qui conclut à titre principal à la confirmation du jugement attaqué et à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 18 août 2014 et demande que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

il soutient que :

A titre principal,

- la circonstance qu'il s'est présenté spontanément en préfecture n'est pas à elle seule de nature à écarter le caractère déloyal de l'interpellation ; le préfet a utilisé un prétexte fallacieux pour le maintenir dans les locaux de la préfecture jusqu'à l'arrivée des services de police ;

- sa demande de réexamen de sa demande d'asile, appuyée sur une lettre de son conseil bangladais en date du 9 juin 2014, un mandat d'arrêt du 8 juin 2014 et un jugement de la cour suprême du Bangladesh du 15 mai 2014, ne présentait pas un caractère dilatoire ;

- il n'a pas formé de demande de réexamen en cours de rétention parce qu'il a été libéré dans un délai de 5 jours suivant son placement en rétention ;

A titre subsidiaire,

- l'arrêté du préfet est entaché d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen complet de sa situation de fait et de droit ;

- le préfet a méconnu les dispositions des articles R. 741-2 et L. 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 1er avril 2015, admettant M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me C...pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 2015 :

- le rapport de Mme Loirat, président assesseur ;

-

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- les observations de Me Salin, avocat de M.B... ;

1. Considérant que M. A...B..., ressortissant bangladais né le 10 octobre 1982, déclare être entré en France le 18 septembre 2010 ; que sa demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 20 décembre 2010 et que ce refus a été confirmé le 20 décembre 2011 par la Cour nationale du droit d'asile ; que par jugement du 23 novembre 2012 le tribunal administratif de Rennes a rejeté le recours formé par l'intéressé contre l'arrêté du 26 mars 2012 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine lui a refusé le séjour au titre de l'asile et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français ; que M. B...a sollicité le réexamen de sa demande d'admission au statut de réfugié, que l'OFPRA a rejeté par décision du 20 juin 2013 ; que le préfet a par arrêté du 28 avril 2014 opposé à l'intéressé une nouvelle décision de refus de séjour au titre de l'asile assortie d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et ordonné son placement en rétention ; que la légalité de ces nouvelles décisions a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Rennes du 2 mai 2014 ; que le préfet a dû mettre un terme à la rétention de M. B...faute d'avoir pu obtenir en temps utile des autorités consulaires bangladaises le laissez-passer nécessaire à l'exécution de la mesure d'éloignement ; que, par la présente requête, le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement du 21 août 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 18 août 2014 ordonnant le placement de M. A...B...en rétention administrative ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger (...) : 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé " ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 du même code dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " La décision de placement est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger et, le cas échéant, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. Elle prend effet à compter de sa notification à l'intéressé. Le procureur de la République en est informé immédiatement " ; qu'aux termes de l'article L. 552-1 de ce code : " Quand un délai de cinq jours s'est écoulé depuis la décision de placement en rétention, le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la détention " ;

3. Considérant, ainsi que l'a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, que la loi du 16 juin 2011 a prévu que le juge administratif statue rapidement sur la légalité de la décision de placement en rétention d'un étranger, le juge judiciaire n'intervenant désormais qu'au terme d'un délai de cinq jours ; que les dispositions de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de cette loi, prévoient que la décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative après l'interpellation de l'étranger ; que cette interpellation, décidée par le préfet sans intervention du parquet, a, dès lors, la nature d'une décision de police administrative ; que le moyen tiré de l'irrégularité des conditions dans lesquelles l'étranger a été interpellé, qui est relatif à la régularité de la procédure administrative préalable à la décision contestée, peut dès lors être utilement invoqué à l'encontre de la décision le plaçant en rétention ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...s'est présenté spontanément le 18 août 2014 dans les locaux de la préfecture d'Ille-et-Vilaine afin de retirer un dossier de demande en vue d'un nouveau réexamen de sa demande d'admission au statut de réfugié ; que l'intéressé était muni d'un courrier de son avocat destiné aux services préfectoraux, faisant référence à de nouveaux documents reçus du Bangladesh et de nature à justifier cette demande ; que l'intéressé a déclaré lors de l'audience devant le magistrat désigné que les services préfectoraux lui avaient demandé de patienter le temps de retrouver son dossier et qu'à l'issue d'une longue attente il avait été interpellé par les services de la police aux frontières, sans que sa demande ait été prise en compte ; que toutefois, et alors que le préfet soutient sans être contredit que l'attente au guichet n'était due qu'à l'affluence des ressortissants étrangers venus à la préfecture, contrairement à M.B..., sur rendez-vous, cette circonstance n'est pas de nature à établir à elle seule que l'administration aurait entendu profiter de la présence de l'intéressé dans les locaux de la préfecture pour procéder à son interpellation ; qu'il ne peut dès lors être tenu pour établi, dans les circonstances particulières de l'espèce, que l'administration aurait commis une manoeuvre déloyale entachant d'irrégularité la décision de placement de M. B...en rétention ;

5. Considérant que, par suite, le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé pour ce motif son arrêté du 18 août 2014 ;

6. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.B... ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué vise notamment les articles L. 512-1, L. 551-1 et L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique notamment que M. B...s'est soustrait aux deux mesures d'éloignement dont il a fait l'objet, qu'il a réitéré sa déclaration de refus de retour au Bangladesh, qu'il ne présente pas de garanties effectives de représentation propres à prévenir qu'il se soustraie à une mesure d'assignation à résidence et qu'il ne dispose pas de résidence permanente et effective sur le territoire français ; que l'arrêté est ainsi suffisamment motivé en droit comme en fait au regard des dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

8. Considérant que M.B..., qui n'était pas, lors de sa venue spontanée en préfecture, en possession des éléments nouveaux en provenance du Bangladesh au vu desquels il entendait former une nouvelle demande de réexamen de sa demande d'admission au statut de réfugié et qui entendait seulement retirer un formulaire à cet effet, soutient qu'il n'a pas été accédé à sa demande ; que toutefois et dès lors qu'ainsi que le soutient le préfet, le placement en rétention ne s'opposait pas à ce qu'il formulât cette nouvelle demande de réexamen, la décision contestée du préfet d'Ille-et-Vilaine n'est pas intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 741-1 et R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni de celles des articles R. 723-1 et R. 723-3 du même code ;

9. Considérant que la circonstance que le préfet avait dû mettre un terme au précédent placement de M. B...en rétention faute d'avoir pu obtenir en temps utile des autorités consulaires bangladaises le laissez-passer nécessaire à l'exécution de la mesure d'éloignement, n'est pas à elle seule de nature à démontrer qu'il n'existerait aucune perspective raisonnable, au sens du 4° de l'article 15 de la directive européenne du Parlement européen et du Conseil en date du 16 décembre 2008, d'exécuter l'arrêté du 28 avril 2014 obligeant l'intéressé à quitter le territoire français ;

10. Considérant, enfin, que M. B... ne peut utilement se prévaloir des risques encourus dans son pays d'origine pour contester la légalité de la décision de placement en rétention au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que cette décision n'a pas pour objet son éloignement à destination d'un pays donné et ne porte, par conséquent, aucune atteinte au droit à la sécurité de sa personne ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 18 août 2014 décidant son placement en rétention ; que ses conclusions aux fins de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1403704 en date du 21 août 2014 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....

Une copie en sera transmise pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 31 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président assesseur,

- M. D..., faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 avril 2015.

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

1

N°14NT02557 2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT02557
Date de la décision : 21/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LE STRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-04-21;14nt02557 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award