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21/04/2015 | FRANCE | N°13NT02889

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 21 avril 2015, 13NT02889


Vu la requête, enregistrée le 15 octobre 2013, présentée pour M. C... A..., demeurant..., par Me B... ; M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004103 du 9 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 avril 2010 du ministre de l'éducation nationale prononçant à son encontre la sanction de révocation ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au ministre de le réintégrer dans le corps des professeurs certifiés d'éducation musicale et chant choral à compter de

la date d'effet de la sanction et de procéder à la reconstitution de sa carrière dans un ...

Vu la requête, enregistrée le 15 octobre 2013, présentée pour M. C... A..., demeurant..., par Me B... ; M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004103 du 9 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 avril 2010 du ministre de l'éducation nationale prononçant à son encontre la sanction de révocation ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au ministre de le réintégrer dans le corps des professeurs certifiés d'éducation musicale et chant choral à compter de la date d'effet de la sanction et de procéder à la reconstitution de sa carrière dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

il soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé dans la mesure où le ministre n'indique pas en quoi la dignité et la réputation du corps enseignant auraient été atteintes par ses agissements ;

- s'il a effectivement été condamné pour agression sexuelle par jugement du tribunal correctionnel de Nantes du 16 février 2009 devenu définitif, les faits en cause ne peuvent être regardés comme constitutifs d'une faute disciplinaire ; son comportement n'a pas eu pour effet de perturber le bon déroulement du service ou de jeter le discrédit sur l'administration dès lors que les faits incriminés ont eu lieu au sein de la sphère familiale ;

- le juge pénal n'a pas assorti sa condamnation d'une peine complémentaire d'interdiction de l'exercice des fonctions d'enseignant vis-à-vis de mineurs ;

- la sanction de révocation a été prise en méconnaissance du principe " non bis in idem " ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 8 décembre 2014 fixant la clôture d'instruction au 8 janvier 2015, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 janvier 2015, présenté par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- l'arrêté en litige est suffisamment motivé dès lors qu'il énonce les motifs qui ont fondé la décision de sanction en reproduisant une partie du jugement du tribunal correctionnel de Nantes et en précisant que les faits en cause sont incompatibles avec les exigences de la profession bien qu'ils aient été commis en dehors du service ;

- en dépit du fait que les faits incriminés aient eu lieu hors du service, ce seul élément est sans effet sur le bien-fondé d'une sanction disciplinaire compte tenu de leur gravité ;

- la circonstance que le juge pénal n'a pas assorti la condamnation d'une interdiction de l'exercice de la fonction d'enseignant est sans effet sur la légalité de la sanction compte tenu de l'indépendance des procédures pénales et disciplinaires ; pour les mêmes motifs, le requérant ne peut soutenir que l'arrêté a méconnu le principe " non bis in idem " ;

- la sanction infligée était justifiée et n'a pas été entachée d'erreur d'appréciation ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 7 janvier 2015, présenté pour M. A..., qui conclut aux mêmes fins et ajoute en outre que :

le principe " non bis in idem " est garanti par l'article 4 du protocole n°7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance du 9 janvier 2015 prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative reportant la clôture de l'instruction au 30 janvier 2015 ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes du 19 août 2013 admettant M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 2015 :

- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- et les observations de Me B...pour M.A... ;

1. Considérant que M. A...a été nommé le 9 octobre 1979 en tant que professeur certifié d'éducation musicale ; qu'il a été affecté à compter du 8 septembre 2004 au collège de la Coutancière à la Chapelle-sur-Erdre ; que, par jugement du 16 février 2009, le tribunal correctionnel de Nantes l'a condamné à une peine de cinq ans d'emprisonnement dont trois avec sursis, assortie d'une mise à l'épreuve et obligation de se soumettre à des soins médicaux, pour atteintes sexuelles sur mineures de 15 ans par ascendant légitime ; qu'il avait fait l'objet, à compter du 24 juin 2006, d'une mesure de suspension ; que, dans sa séance du 11 février 2010, le conseil de discipline a émis un avis favorable à la sanction de révocation ; que M. A...relève appel du jugement du 9 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 avril 2010 du ministre de l'éducation nationale prononçant à son encontre la sanction de révocation ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant que l'arrêté en litige vise les textes applicables notamment la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et celle du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique de l'Etat ainsi que le décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires de l'Etat ; que l'arrêté du ministre reprend dans ses motifs une partie du jugement correctionnel précité, concernant les faits dont il a été reconnu coupable, en précisant que, compte tenu de leur extrême gravité et bien que commis en dehors de l'exercice de ses fonctions, ils constituent de graves fautes disciplinaires incompatibles avec les exigences de la profession de l'intéressé et de nature à porter gravement atteinte à la dignité et à la réputation du corps enseignant et au service public d'éducation ; qu'ainsi, la décision, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) " ; que ne peuvent être sanctionnées que les fautes commises par les fonctionnaires dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions ; que, toutefois, en application des dispositions précitées, les faits commis par un fonctionnaire en dehors du service peuvent constituer une faute passible d'une sanction disciplinaire lorsque, eu égard à leur gravité, à la nature des fonctions de l'intéressé et à l'étendue de ses responsabilités, ils ont eu un retentissement sur le service, jeté le discrédit sur la fonction exercée par l'agent ou ont gravement porté atteinte à l'honneur et à la considération qui lui sont portées ;

4. Considérant qu'il est constant que M. A...été condamné à une peine de cinq ans d'emprisonnement, dont trois avec sursis assortie d'une mise à l'épreuve pendant trois ans et obligation de soins pour agressions sexuelles sur mineures de quinze ans par ascendant légitime ; qu'eu égard à la nature des fonctions et aux obligations qui incombent au personnel enseignant ainsi qu'à la nécessité d'assurer le bon fonctionnement du service public de l'éducation nationale et de préserver sa réputation, le ministre a pu, sans erreur d'appréciation, estimer que de tels faits étaient incompatibles avec l'exercice de ses fonctions alors même qu'ils ont eu lieu exclusivement dans la sphère privée et familiale, n'ont pas été rapportés dans la presse ni eu de retentissement dans son exercice professionnel ;

5. Considérant que la procédure disciplinaire engagée à l'encontre d'un agent est indépendante des poursuites pénales diligentées dès lors qu'elles ont des objectifs différents ; que si l'autorité de chose jugée attachée au jugement rendu par le tribunal correctionnel de Nantes s'imposait à l'administration en ce qui concerne les fait constatés, le ministre n'était pas limité dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire par les termes de cette condamnation ; qu'ainsi l'autorité disciplinaire a pu légalement prononcer la sanction de révocation alors même que le juge pénal n'a pas assorti la peine infligée d'une privation des droits civiques ou d'une interdiction d'exercer l'activité d'enseignant ;

6. Considérant, enfin, qu'ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt les procédures pénales et disciplinaires sont indépendantes l'une de l'autre et ont des objets différents ; que, par conséquent, la condamnation pénale dont M. A...a fait l'objet ne fait pas obstacle au prononcé d'une mesure disciplinaire de révocation ; qu'ainsi, l'arrêté contesté du ministre ne méconnaît pas le principe "non bis in idem" tel que prévu par le premier alinéa de l'article 4 du protocole n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui prohibe le fait d'être jugé et condamné deux fois pour les mêmes faits ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur le surplus des conclusions :

8. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A...ainsi que celles tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l'audience du 31 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M.D..., faisant fonction de premier conseiller,

- M. Auger, premier conseiller,

Lu en audience publique le 21 avril 2015.

Le rapporteur,

P. AUGERLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

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N° 13NT02889


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02889
Date de la décision : 21/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Paul AUGER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : VERITE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-04-21;13nt02889 ?
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