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18/09/2014 | FRANCE | N°13NT01881

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 18 septembre 2014, 13NT01881


Vu la requête, enregistrée le 26 juin 2013, présentée pour M. C... A..., demeurant..., par Me Saglio, avocat au barreau de Brest ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 13-732 du 24 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2013 du préfet du Finistère lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le Sénégal comme pays de destination ou tout pays où il serait légalement admissible ;

2°)

d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, sous astreinte de...

Vu la requête, enregistrée le 26 juin 2013, présentée pour M. C... A..., demeurant..., par Me Saglio, avocat au barreau de Brest ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 13-732 du 24 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2013 du préfet du Finistère lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le Sénégal comme pays de destination ou tout pays où il serait légalement admissible ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, ou à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

il soutient que :

- le jugement rendu par le tribunal administratif de Rennes est irrégulier, car son conseil n'a pas reçu l'avis d'audience et que, par suite, les parties n'ont pas été régulièrement convoquées à celle-ci ;

- il entend reprendre les mêmes moyens de légalité externe et interne que devant le tribunal administratif ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il vit avec une ressortissante française et entretient une relation sentimentale sérieuse avec celle-ci ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 août 2013, présenté par le préfet du Finistère, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- la procédure étant écrite, M. A... a pu présenter ses conclusions et faire valoir ses moyens ; la réalité de la convocation à l'audience ne peut être établie que par le greffe du tribunal administratif de Rennes ;

- l'arrêté contesté est signé par M. Jaeger, secrétaire général de la préfecture, qui a reçu délégation de signature par l'arrêté n° 2012-342-002 du 7 décembre 2012, publié au recueil des actes administratifs ;

- l'arrêté contesté est suffisamment motivé car il vise le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise, au vu des éléments de fait explicitement rappelés, que M. A... ne peut prétendre à la délivrance du titre de séjour sollicité, qu'il n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour en application des dispositions de ce code, et mentionne qu'il ne contrevient pas aux articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- M. A... ne remplit pas les conditions posées à l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne dispose que d'un contrat de travail à temps partiel en qualité d'étudiant et que la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, interrogée sur sa situation, a classé sans suite son dossier au vu des informations de son employeur qui a indiqué qu'il n'avait jamais envisagé de lui proposer un contrat de travail à temps plein ;

- la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en effet

M. A... n'est entré sur le territoire national qu'à l'âge de 24 ans, sa relation avec une ressortissante française est très récente, il est célibataire et sans enfant à charge et il ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine ;

- le délai de trente jours pour quitter le territoire national a été fixé au regard de la situation de M. A... à la date à laquelle la décision a été prise, et en considération du fait que l'intéressé n'a fait valoir aucun motif de prolongation de ce délai de départ ; cette décision n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

Vu la décision du 19 août 2013 du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes accordant à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Saglio pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2014 :

- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller ;

1. Considérant que M. A..., ressortissant sénégalais, est entré sur le territoire national le 20 septembre 2009, muni d'un passeport sénégalais sous couvert d'un visa D en qualité d'étudiant ; qu'il a bénéficié de trois titres de séjour portant la mention " étudiant ", dont le dernier est arrivé à expiration le 30 septembre 2012 ; qu'il a sollicité le 10 octobre 2012 un changement de statut et la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ; qu'il relève appel du jugement en date du 24 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2013 du préfet du Finistère portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative :

" Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative [...], du jour où l'affaire sera appelée à l'audience " ;

3. Considérant que le dossier de première instance transmis à la cour par le tribunal administratif de Rennes ne contient aucune pièce suffisamment probante, et en particulier, aucun accusé de réception, permettant d'établir de manière certaine que l'avis pour l'audience du 26 avril 2013 a été adressé dans les formes prévues par les dispositions précitées du code de justice administrative ; qu'ainsi, dès lors qu'il ne résulte pas des pièces du même dossier que le conseil du requérant ait été présent ou représenté lors de cette audience, et sans qu'y fassent obstacle les mentions du jugement attaqué indiquant que les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique, M. A... est fondé à soutenir que ce jugement a été rendu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander l'annulation ; qu'il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Considérant qu'aux termes d'un arrêté en date du 7 décembre 2012, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Finistère a donné délégation à M. B... Jaeger, secrétaire général de la préfecture, " à l'effet de signer, en toutes matières, tous les actes relevant des attributions du préfet, à l'exclusion des arrêtés de délégation de signature et des évaluations des directeurs et chefs de service de l'État " ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte contesté doit être écarté ;

5. Considérant que l'arrêté contesté énonce les considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde, et mentionne en particulier la demande de changement de statut présentée le 10 octobre 2012 par M. A..., l'avis émis le 22 janvier 2013 par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ainsi que les différents éléments caractérisant la situation personnelle de l'intéressé au regard des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des dispositions législatives et réglementaires applicables, notamment celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cet arrêté ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-10 de ce code : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail (...) " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. A..., le préfet du Finistère s'est fondé sur l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), qui a classé sans suite la demande de l'intéressé au motif que son employeur, la SARL Rio Bravo, lui avait indiqué ne jamais avoir eu le projet de transformer l'emploi à temps partiel de l'intéressé en emploi à temps plein ; que la Direccte a précisé en outre qu'aucune demande de changement de statut n'émanait de la société ; que, dès lors, et à supposer même que l'employeur de M. A... lui aurait fait une promesse verbale d'embauche à temps plein, l'intéressé ne remplissait pas, à la date de l'arrêté contesté, les conditions posées par l'article

L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susmentionnées ; que, par suite, l'arrêté du 25 janvier 2013 du préfet du Finistère n'a pas été pris en méconnaissance des dispositions de cet article ;

8. Considérant que si M. A... se prévaut de sa relation avec une ressortissante française, il n'est pas contesté que cette relation a débuté au mois de décembre 2012 ; qu'eu égard au caractère très récent de celle-ci, le requérant n'établit pas l'existence d'une vie commune stable et durable avec sa partenaire ; qu'en outre il est sans enfant à charge et n'établit pas, ni même n'allègue, être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris : que, par suite, il ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés, à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doivent être rejetés ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire (...) / 2. Si nécessaire, les Etats membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux ou sociaux (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue des dispositions de l'article 37 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " (...) II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) " ;

11. Considérant que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fixent, de façon générale, un délai de trente jours pour le départ volontaire de l'étranger qui fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'un tel délai de trente jours s'entend comme une période minimale de trente jours, telle que prévue par l'article 7 de la directive précitée à titre de limite supérieure du délai devant être laissé pour un départ volontaire ; que les dispositions de l'article L. 511-1 ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative prolonge, le cas échéant, le délai de départ volontaire d'une durée appropriée pour faire bénéficier les étrangers dont la situation particulière le nécessiterait, de la prolongation prévue par le paragraphe 2 de l'article 7 de la directive ; que, par suite, les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont compatibles avec les objectifs de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 ; qu'ainsi M. A... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers seraient incompatibles avec les dispositions de l'article 7 de la directive 2008/115/CE en ce qu'elles restreindraient la possibilité d'accorder un délai de départ volontaire supérieur à 30 jours ; que, si M. A... soutient que le préfet aurait dû lui accorder un délai de départ supérieur à trente jours, il ne ressort pas des pièces du dossier que sa situation particulière, à la date de la décision litigieuse, aurait justifié un délai de départ plus long, que l'intéressé n'a au demeurant pas sollicité ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes doit être rejetée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la demande de M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions du requérant tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet, sous astreinte, de lui délivrer un titre de séjour, ou de procéder à un nouvel examen de sa demande et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement, par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à l'avocat de M. A... de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 13-732 du tribunal administratif de Rennes en date du 24 mai 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... A... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera adressée au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2014, où siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 septembre 2014.

Le rapporteur,

V. GÉLARDLe président,

I. PERROT

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT01881


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01881
Date de la décision : 18/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SAGLIO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-09-18;13nt01881 ?
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