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12/06/2014 | FRANCE | N°12NT02640

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 12 juin 2014, 12NT02640


Vu, I, sous le n° 12NT02640, la requête, enregistrée le 5 septembre 2012, présentée pour la Communauté des Communes Giennoises, représentée par son président en exercice, dont le siège est 49 avenue de Chantemerle à Gien (45503), par Me Benjamin, avocat au barreau de Paris ; la Communauté des Communes Giennoises demande à la cour :

1°) d'annuler les jugements n° 10-3830 des 22 septembre 2011 et 5 juillet 2012 par lesquels le tribunal administratif d'Orléans l'a déclarée responsable de l'accident dont a été victime l'enfant C...A...le 26 septembre 2006 et, après avoi

r ordonné, avant dire droit, une expertise médicale, l'a condamnée à verse...

Vu, I, sous le n° 12NT02640, la requête, enregistrée le 5 septembre 2012, présentée pour la Communauté des Communes Giennoises, représentée par son président en exercice, dont le siège est 49 avenue de Chantemerle à Gien (45503), par Me Benjamin, avocat au barreau de Paris ; la Communauté des Communes Giennoises demande à la cour :

1°) d'annuler les jugements n° 10-3830 des 22 septembre 2011 et 5 juillet 2012 par lesquels le tribunal administratif d'Orléans l'a déclarée responsable de l'accident dont a été victime l'enfant C...A...le 26 septembre 2006 et, après avoir ordonné, avant dire droit, une expertise médicale, l'a condamnée à verser à Mme A..., devenue majeure, la somme de 22 000 euros, à la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret la somme de 15 727,28 euros au titre des frais de santé déjà exposés ainsi qu'à lui rembourser les frais futurs sur justificatifs, enfin a mis à sa charge les frais d'expertise pour un montant de 541,80 euros ;

2°) de rejeter tant la demande présentée par Mme A... que les conclusions de la CPAM du Loiret ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient :

- que son appel est recevable y compris à l'encontre du jugement avant dire droit du 22 septembre 2011 ;

- que le jugement du 22 septembre 2011 est entaché d'irrégularité ; qu'en ne statuant

pas sur le moyen exposé dans son mémoire du 28 mars 2011 tiré de ce que sa responsabilité ne pouvait être engagée du fait de la faute exonératoire commise par la victime, le tribunal a entaché son jugement d'insuffisance de motivation en méconnaissance des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

- que le jugement du 5 juillet 2012 est également entaché d'irrégularité faute pour le tribunal d'avoir répondu à l'ensemble de ses moyens et conclusions ;

- qu'en se fondant sur le caractère prétendument dangereux de la manivelle du poteau de volley-ball servant à remonter le filet " qui aurait justifié l'installation d'une protection propre à éviter la survenance d'un accident comportant de graves conséquences " pour engager sa responsabilité, le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit et d'erreur dans la qualification juridique des faits ; que la présence de ce type de manivelle est tout à fait habituelle s'agissant d'un filet de volley-ball et que son existence de même que sa localisation étaient parfaitement connues des usagers de ce type d'installation ;

- que la faute commise par la victime, qui était assise sous le filet et a été imprudente dans ses mouvements, est de nature à l'exonérer totalement de sa responsabilité ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 novembre 2012, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret, par Me Holleaux, avocat au barreau de Paris, qui demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement attaqué du 5 juillet 2012 en tant qu'il ne lui a accordé aucune somme au titre des frais futurs ;

3°) de condamner la Communauté des Communes Giennoises à lui verser la somme de 42 679,58 euros au titre des frais futurs, cette somme portant intérêts à compter de la date d'enregistrement de son premier mémoire devant le tribunal administratif ;

4°) de mettre à la charge de la Communauté des Communes Giennoises la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle fait valoir :

- que les deux jugements attaqués sont suffisamment motivés et qu'il a été répondu à l'ensemble des moyens soulevés ;

- que la responsabilité de la Communauté des Communes Giennoises, qui ne démontre pas que l'ouvrage public en cause a été normalement entretenu, est engagée ; que la manivelle qui est à l'origine du dommage présentait un réel danger pour les usagers ; qu'aucun cache ne protégeait cette tige de métal, d'une longueur d'environ 10 cm, dirigée vers les joueurs, aux bords saillants et à angle droit ; qu'aucune signalisation spécifique ne faisait, par ailleurs, état de cette dangerosité ; que la communauté de communes devait respecter la norme NF EN 1271 qui est spécifique aux poteaux de volley-ball en raison de son homologation le 20 mars 2011, l'équipement incriminé ayant été acheté en 2003 ;

- que la communauté de communes ne démontre pas que Mme A... aurait eu un comportement dangereux à l'origine de son dommage et qu'elle aurait dû avoir conscience d'un quelconque risque ;

- que les différents préjudices subis par Mme A... sont en lien direct avec l'accident survenu le 26 septembre 2006 et ne résultent pas de l'intervention chirurgicale subie le 27 juin 2007 ;

- que l'accord transactionnel conclu entre l'assureur des parents de Mme A... et celui de la communauté de communes ne lui est pas opposable ; que le jugement doit être confirmé s'agissant des dépenses exposées pour son assurée à hauteur de 15 727,28 euros ;

- que le jugement du 5 juillet 2012 attaqué doit être infirmé s'agissant des frais futurs qui présentent un caractère certain et doivent être arrêtés à la somme de 42 679,58 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 novembre 2012, présenté pour la Communauté des Communes Giennoises qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et verse aux débats la délibération du 19 septembre 2008 autorisant son président à ester en justice ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 octobre 2013, présenté pour Mme A... par Me Fergon, avocat au barreau de Paris, qui conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident à la réformation du jugement attaqué du 5 juillet 2012 en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à ses demandes indemnitaires et à la condamnation de la Communauté des Communes Giennoises à lui verser la somme totale de 129 300 euros, enfin à ce que soit mise à la charge de cet établissement public la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle fait valoir :

- qu'il n'y avait pas lieu de défalquer des indemnités à lui verser la somme de 54 000 euros perçue de la part de son assureur, car cette somme était due indépendamment de la réparation par le responsable du dommage et avait fait l'objet d'un accord entre son assureur et celui de la communauté de communes ;

- que la Communauté des Communes Giennoises doit être condamnée à lui verser les sommes de :

- 1 400 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total,

- 400 euros au titre du déficit fonctionnel partiel,

- 67 500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 20 000 euros au titre de la perte de chance,

- 10 000 euros au titre des souffrances endurées,

- 10 000 euros au titre du préjudice esthétique,

- 15 000 euros pour le préjudice d'agrément,

- 5 000 euros au titre des frais médicaux restant à charge à venir ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 mai 2014, présenté pour la Communauté des Communes Giennoises qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu, II, sous le n° 12NT02642, la requête, enregistrée le 10 septembre 2012, présentée pour Mme C... A..., demeurant ... par Me Fergon, avocat au barreau de Paris ; Mme A... demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 10-3830 du 5 juillet 2012 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à ses demandes indemnitaires ;

2°) de condamner la Communauté des Communes Giennoises à lui verser la somme totale de 129 300 euros ;

3°) de mettre à la charge de la Communauté des Communes Giennoises la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle invoque les mêmes moyens que dans l'instance susvisée n° 12NT02640 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2012, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret, par Me Holleaux, avocat au barreau de Paris, qui demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement attaqué du 5 juillet 2012 en tant qu'il ne lui a accordé aucune somme au titre des frais futurs ;

3°) de condamner la Communauté des Communes Giennoises à lui verser la somme de 42 679,58 euros au titre des frais futurs, cette somme portant intérêts à compter de la date d'enregistrement de son premier mémoire devant le tribunal administratif ;

4°) de mettre à la charge de la Communauté des Communes Giennoises la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle invoque les mêmes moyens que dans l'instance susvisée n° 12NT02640 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2013, présenté pour la Communauté des Communes Giennoises, représentée par son président en exercice, par Me Benjamin, avocat au barreau de Paris qui conclut au rejet de la requête de Mme A... et à ce que soit mis à sa charge le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle fait valoir que c'est à bon droit que les premiers juges ont exclu du montant de l'indemnité les sommes versées par l'assureur de la victime à celle-ci ; que l'assureur se trouve pour ces montants subrogé dans les droits de la victime ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 mai 2014, présenté pour la Communauté des Communes Giennoises qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2014 :

- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- les observations de Me Fergon, avocat de Mme A... ;

- et les observations de Me B..., substituant Me Benjamin, avocat de la Communauté des Communes Giennoises ;

1. Considérant que, le 26 septembre 2006, C...A..., alors âgée de 14 ans et élève de 4ème au collège de Poilly-les-Gien, a été victime d'un accident pendant une séance d'éducation physique, qui se déroulait dans un gymnase appartenant à la Communauté des Communes Giennoises ; que la jeuneC..., qui participait à un entrainement de volley-ball, a violemment heurté de la tête la manivelle placée sur le poteau soutenant le filet destiné à ce sport ; qu'elle a perdu l'usage de l'oeil droit et a dû subir plusieurs interventions chirurgicales ; que, par un jugement avant dire droit du 22 septembre 2011, le tribunal administratif d'Orléans a estimé que la responsabilité de la Communauté des Communes Giennoises était engagée en raison du défaut d'entretien normal de l'ouvrage public dont elle était propriétaire et a ordonné une expertise tendant à décrire les préjudices subis par Mme A... ainsi que les séquelles imputables à l'accident dont elle demeurait atteinte ; que, sur la base des conclusions du rapport d'expertise déposé le 12 janvier 2012, Mme A..., devenue majeure, a demandé la condamnation de la Communauté des Communes Giennoises à lui verser la somme totale de 129 300 euros en réparation de tous les préjudices, patrimoniaux et personnels résultant selon elle de l'accident dont elle a été victime ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret a, quant à elle, demandé la condamnation de la Communauté des Communes Giennoises à lui verser la somme totale de 54 406,86 euros correspondant au remboursement des frais médicaux déjà engagés ainsi qu'à ceux destinés à être exposés dans le futur pour son assurée ; que, par un second jugement du 5 juillet 2012, le tribunal administratif d'Orléans a condamné la Communauté des Communes Giennoises à verser, d'une part, la somme de 22 000 euros à Mme A... et, d'autre part, la somme de 15 727,28 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret au titre des débours déjà exposés ainsi que, sur présentation des justificatifs, à rembourser à l'organisme social les dépenses exposées postérieurement au jugement au titre des frais médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport liés aux soins que nécessitera l'état de santé de Mme A..., en lien avec les conséquences de l'accident dont elle a été victime le 26 septembre 2006 ;

2. Considérant que, sous le n° 12NT02640, la Communauté des Communes Giennoises relève appel des deux jugements des 22 septembre 2011 et 5 juillet 2012 ; que, sous le n° 12NT02642, Mme A... sollicite la réformation du jugement du 5 juillet 2012 en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à ses demandes indemnitaires ; qu'enfin la CPAM du Loiret demande dans les deux instances, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement du 5 juillet 2012 en ce qu'il ne lui a pas accordé, au titre des frais futurs, un versement en capital de 42 679,58 euros ; que ces deux requêtes sont dirigées contre les mêmes jugements, qu'elles présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité des jugements attaqués :

En ce qui concerne le jugement du 22 septembre 2011 qui s'est prononcé sur la responsabilité de la Communauté des Communes Giennoises :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans son mémoire en défense présenté le 28 mars 2011 devant le tribunal, la Communauté des Communes Giennoises a fait valoir que sa responsabilité ne pouvait être engagée du fait de la faute totalement exonératoire commise par la victime ; qu'en retenant, par le jugement du 22 septembre 2011, la responsabilité de l'établissement public local sans se prononcer sur ce moyen, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ; que, par suite, ce jugement doit être annulé en tant qu'il a, avant de statuer, dans l'attente d'une expertise, sur l'étendue des préjudices indemnisables, déclaré la Communauté des Communes Giennoises responsable de l'accident dont Mlle A...a été victime sans statuer sur l'ensemble des moyens relatifs au principe de cette responsabilité ; qu'il y a lieu, en conséquence, de se prononcer par la voie de l'évocation sur la responsabilité de cet établissement public ;

En ce qui concerne le jugement du 5 juillet 2012 qui s'est prononcé sur l'étendue des préjudices indemnisables :

4. Considérant que si la Communauté des Communes Giennoises soutient de manière vague et générale que les premiers juges auraient omis de se prononcer sur l'ensemble des moyens et conclusions qui lui étaient présentés, elle n'apporte aucune précision à l'appui de ce moyen ;

Sur la responsabilité de la Communauté des Communes Giennoises, par la voie de l'évocation :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier des clichés joints au dossier de première instance, que la manivelle qu'a heurtée Mme A... se trouvait placée face aux joueurs et que son mécanisme, saillant d'une dizaine de centimètres, était vétuste et n'était couvert par aucun dispositif permettant d'éviter que les pratiquants se blessent à son contact ; que ce positionnement et ces caractéristiques conféraient à l'installation mise à la disposition des collégiens un caractère certain de dangerosité qui est de nature à révéler un défaut d'entretien normal de l'ouvrage ; que, par ailleurs, la communauté de communes ne démontre pas que Mme A... aurait eu un comportement particulièrement dangereux à l'origine de son dommage ni qu'elle aurait été en mesure d'avoir conscience d'un quelconque risque, et que par voie de conséquence la faute de celle-ci serait de nature à l'exonérer en tout ou partie de sa responsabilité ; qu'ainsi Mme A... est fondée à soutenir que la responsabilité de la Communauté des Communes Giennoises est engagée en raison du défaut d'entretien normal de l'ouvrage public en litige et à obtenir réparation de l'intégralité de ses préjudices ;

Sur le préjudice indemnisable de Mme A..., par la voie de l'effet dévolutif :

En ce qui concerne l'étendue du préjudice :

6. Considérant que la Communauté des Communes Giennoises soutient que les dommages subis par Mme A... postérieurement à la première date de consolidation fixée par l'expert le 1er août 2007 seraient sans lien de causalité avec l'accident dont la jeune fille a été victime le 26 septembre 2006 et qu'ils trouveraient leur origine dans des soins inadéquats à l'origine de la détérioration de son état ; qu'il résulte toutefois des conclusions de l'expertise réalisée le 23 août 2007, à la diligence des assureurs concernés, que l'intéressée ne présentait aucun état antérieur comportant des troubles de la vision ou une autre affection ophtalmologique et que la perte totale de son oeil droit est en lien direct avec le traumatisme oculaire survenu le 26 septembre 2006 ; que l'expert désigné par le tribunal administratif d'Orléans a quant à lui confirmé l'absence totale de troubles visuels antérieurs de la victime et indiqué que la perte totale de l'oeil droit était en relation avec l'accident survenu le 26 septembre 2006 ; que si, en raison des soins rendus nécessaires par l'état de santé de Mme A... postérieurement à la date de consolidation fixée par l'expert qui l'avait examinée en 2007, l'expert judiciaire a fixé une nouvelle date de consolidation au 10 août 2010, soit trois mois après une intervention chirurgicale d'énucléation, il ne résulte nullement des conclusions de l'expert, ni d'aucun autre élément du dossier, que ces derniers soins seraient la conséquence du caractère insuffisant ou inapproprié des soins reçus lors de la première intervention chirurgicale réalisée en 2007 ; qu'au contraire il résulte de manière non contestable de l'instruction que la pathologie apparue en 2010 était en lien direct avec le traumatisme subi en 2006 et qui avait été soigné dans un premier temps par une éviscération réalisée en 2007, laquelle s'est avérée insuffisante eu égard aux conséquences du traumatisme initial ; que c'est par suite à bon droit que les premiers juges ont estimé, contrairement à ce qu'avançait la Communauté des Communes Giennoises, que les soins et préjudices subis par la requérante postérieurement au 1er août 2007 avaient un lien de causalité direct et certain avec l'accident survenu le 26 septembre 2006 dont elle a été déclarée responsable et que, par voie de conséquence, tant Mme A... que la CPAM du Loiret étaient en droit d'en obtenir le remboursement et la réparation ;

En ce qui concerne l'évaluation du préjudice :

Quant aux préjudices à caractère patrimonial :

7. Considérant, en premier lieu, que la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret peut prétendre au remboursement par la Communauté des Communes Giennoises de ses débours pour un montant de 15 727,28 euros correspondant à des frais d'hospitalisation, des frais pharmaceutiques, des soins infirmiers, des frais de consultations médicales, des frais de transport et des frais d'appareillage en relation directe et certaine avec l'état de santé de Mlle A... résultant de son accident du 26 septembre 2006 ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la caisse primaire d'assurance maladie a demandé à être indemnisée des frais médicaux futurs en lien avec l'accident, estimés à 42 679,58 euros, consistant en une consultation spécialisée chaque année, en des frais de prothèse et d'adaptation de celle-ci, suivant un renouvellement au moins tous les six ans et, enfin, en des frais de transport ; qu'il résulte des conclusions de l'expert judiciaire que Mme A... devra renouveler régulièrement sa prothèse oculaire et faire l'objet d'un suivi médical régulier en rapport avec l'accident dont elle a été victime ; que l'imputabilité de ces frais futurs à l'accident survenu à Mme A... ainsi que leur caractère certain sont établis ; que, toutefois, eu égard aux dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale qui limitent le recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale à l'encontre du responsable d'un accident corporel aux seuls préjudices qu'elles ont effectivement pris en charge, le remboursement des prestations qu'une caisse sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec l'accord de ce dernier, comme l'ont rappelé les premiers juges qui ne se sont pas mépris sur les principes applicables en la matière ; que, faute d'un tel accord de la part de la Communauté des Communes Giennoises, la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret peut donc seulement prétendre, pour l'avenir, et ainsi que le retient pertinemment le jugement attaqué, au remboursement des dépenses au fur et à mesure de leur engagement, sur présentation des pièces justificatives ;

9. Considérant, en troisième lieu, que si Mme A... demande à nouveau en appel le versement d'une somme de 5 000 euros au titre des dépenses de santé futures, résultant de la nécessité de remplacer sa prothèse oculaire, il résulte de l'attestation du médecin conseil de l'assurance maladie versée devant le tribunal que ces dépenses feront l'objet d'une prise en charge à 100 % du tarif de l'assurance maladie ; que Mme A... ne produit pas davantage en appel qu'en première instance de précisions quant aux frais qu'elle serait amenée à exposer elle-même à ce titre ; qu'ainsi, sa demande doit être écartée ;

10. Considérant, enfin, qu'il résulte des conclusions de l'expert judiciaire que la perte totale de la vision de l'oeil droit des suites de l'accident a influencé la scolarité de Mme A..., sa recherche d'une profession et son adaptation professionnelle et qu'elle a ainsi subi une perte de chance d'effectuer une scolarité normale et de disposer d'une liberté dans le choix de son orientation professionnelle ; que les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation du préjudice ainsi subi par Mlle A...à ce titre en lui allouant une indemnité de 15 000 euros ;

Quant aux préjudices personnels de Mme A... :

11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du rapport d'expertise que Mme A... a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 26 septembre 2006 au 16 octobre 2006, du 26 juin 2007 au 1er août 2007 et, enfin, du 9 mai 2010 au 10 juin 2010, soit une période totale de trois mois ; qu'il résulte également des conclusions de l'expert que la requérante a subi un déficit fonctionnel temporaire partiel du 11 juin 2010 au 10 août 2010, évalué à 27 % ; que les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante évaluation de ces préjudices, qui n'ont fait l'objet d'aucune indemnisation par l'assureur de la victime et dont Mme A... est fondée à demander réparation, en lui accordant la somme de 2 000 euros ;

12. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des conclusions de l'expert judiciaire que Mme A... demeure atteinte d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 27 % ; que si l'intéressée a été indemnisée en 2007 à hauteur de 45 000 euros, cette indemnité ne permet toutefois pas, eu égard aux circonstances de l'accident et à la gravité des dommages subis, de réparer intégralement ce préjudice dont il sera fait, en l'espèce, une juste évaluation en le fixant à la somme totale de 65 000 euros ; que Mme A... peut ainsi prétendre à un complément d'indemnisation d'un montant de 20 000 euros qui sera mis à la charge de la Communauté des Communes Giennoises ;

13. Considérant, en troisième lieu, que l'expert judiciaire indique que les souffrances endurées et le préjudice esthétique subis par Mme A... peuvent être évalués respectivement à 4 et 3 sur une échelle de 1 à 7 ; qu'il est constant que l'intéressée a été indemnisée en 2007, pour ces mêmes chefs de préjudice, par la société d'assurance Pacifica, assureur de ses parents, à hauteur de 6 000 euros et 3 000, sommes qui correspondent, ainsi que l'ont justement estimé les premiers juges, à une évaluation suffisante des préjudices subis ; que la requérante ne peut donc prétendre à une indemnisation complémentaire au même titre ;

14. Considérant, enfin, que l'expert judiciaire indique que la requérante a subi un préjudice d'agrément, résultant d'une difficulté d'appréhension dans l'espace, rendant plus difficiles ou impossibles certaines activités de loisirs ; qu'elle souffre également de la crainte d'une atteinte à son oeil valide ; que les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice d'agrément ainsi subi par en allouant à Mme A... une somme de 5 000 euros ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant total de l'indemnisation des préjudices à caractère patrimonial et personnel auquel peut prétendre Mme A... s'élève à la somme de 96 000 euros ;

Sur les droits à indemnisation de Mme A... :

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur " ; qu'il résulte de ces dispositions que le versement par l'assureur de l'indemnité à laquelle il est tenu en vertu du contrat d'assurance le liant à son assuré le subroge, dès cet instant et à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de son assuré contre le tiers responsable du dommage et qu'il détient seul, ainsi, qualité pour agir et obtenir la réparation du préjudice qu'il a indemnisé ; qu'en revanche cette subrogation n'a pas pour effet de priver l'assuré d'exercer ses droits pour ce qui lui reste dû et qui n'a pas fait l'objet d'une indemnisation par l'assureur ;

17. Considérant qu'il est constant qu'à la date à laquelle Mme A... a introduit sa demande indemnitaire devant le tribunal administratif d'Orléans la société Pacifica, assureur de ses parents alors qu'elle était mineure, avait versé la somme de 54 000 euros en réparation de son déficit fonctionnel permanent établi à 27 %, des souffrances endurées et du dommage esthétique subi ; que, pour ces préjudices et à concurrence de ces montants, cette société d'assurance s'est, en vertu de la quittance subrogatoire qu'elle a, le 7 mars 2007, fait signer aux parents de C...A..., trouvée subrogée dans les droits et actions de ses assurés ; qu'ainsi et contrairement à ce que soutient Mme A..., il y avait lieu, comme l'ont fait les premiers juges, pour apprécier l'indemnisation devant être mise à la charge de la Communauté des Communes Giennoises, de tenir compte des sommes reçues par l'intéressée de la compagnie d'assurances Pacifica, qui revêtent un caractère indemnitaire ; qu'il y a lieu, dès lors, d'imputer la somme de 54 000 euros sur le montant total des préjudices subis par Mme A... fixé, ainsi qu'il a été dit au point 15. à la somme de 96 000 euros ; que l'indemnité à laquelle Mme A... peut ainsi prétendre s'élève en définitive à la somme de 42 000 euros ; que le jugement du 5 juillet 2012 doit être réformé dans cette mesure ;

Sur les droits à indemnisation de la CPAM du Loiret :

18. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 376-3 du code de la sécurité sociale :

" Le règlement amiable pouvant intervenir entre le tiers et l'assuré ne peut être opposé à la caisse de sécurité sociale autant que celle-ci a été invitée à y participer par lettre recommandée et ne devient définitif que 15 jours après l'envoi de cette lettre " ; qu'en application de ces dispositions l'accord conclu entre les parents de C...A...et la société Pacifica ne peut, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, être opposé à la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret dès lors qu'il n'est ni établi, ni allégué que cette caisse aurait été associée à la transaction précitée, qui ne portait pas sur l'indemnisation des frais médicaux dont la caisse demande le remboursement ; qu'il s'ensuit que la CPAM du Loiret a droit au remboursement des débours exposés pour un montant de 15 727,28 euros ainsi qu'il a été indiqué au point 7 ;

Sur les frais d'expertise :

19. Considérant qu'il y a lieu de laisser à la charge définitive de la Communauté des Communes Giennoises les frais et honoraires de l'expertise confiée au docteur Corbé, liquidés et taxés à la somme de 541,80 euros par une ordonnance du président du tribunal en date du

7 février 2012 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans les instances susvisées, le versement à la Communauté des Communes Giennoises des sommes que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, et à la charge de la Communauté des Communes Giennoises les sommes que la CPAM du Loiret demande au même titre ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Communauté des Communes Giennoises le versement à Mme A... de la somme de 2 000 euros au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 10-3830 du 22 septembre 2011 du tribunal administratif d'Orléans est annulé en tant qu'il a statué sur la responsabilité de la Communauté des Communes Giennoises.

Article 2 : La Communauté des Communes Giennoises est déclarée intégralement responsable des dommages subis par C...A...à raison de l'accident survenu le 26 septembre 2006.

Article 3 : La somme de 22 000 euros que la Communauté des Communes Giennoises a été condamnée par le tribunal administratif d'Orléans à verser à Mme A... est portée à 42 000 euros.

Article 4 : Le jugement n° 10-3830 du 5 juillet 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 3.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 12NT02640 de la Communauté des Communes Giennoises et de la requête n° 12NT02642 de Mme A... est rejeté.

Article 6 : Les conclusions présentées en appel par la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret sont rejetées.

Article 7 : La Communauté des Communes Giennoises versera 2 000 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., à la Communauté des Communes Giennoises et à la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2014, où siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Specht, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juin 2014.

Le rapporteur,

O. COIFFET

Le président,

I. PERROT

Le greffier,

C. GUÉZO

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Nos 12NT02640,12NT02642


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : BENJAMIN ; BENJAMIN ; BENJAMIN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 12/06/2014
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 12NT02640
Numéro NOR : CETATEXT000029100187 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-06-12;12nt02640 ?
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