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11/04/2014 | FRANCE | N°12NT01356

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 11 avril 2014, 12NT01356


Vu la requête, enregistrée le 23 mai 2012, présentée pour la SELARL d'architecture Bertrand Penneron, dont le siège est situé 199 boulevard Heurteloup à Tours (37000), par la SCP Cottereau-Meunier-Bardon et Associés, avocats au barreau de Tours ; la SELARL d'architecture Bertrand Penneron demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1101626-1102708 du 22 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Gien à lui verser la somme de 100 203,88 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à com

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Vu la requête, enregistrée le 23 mai 2012, présentée pour la SELARL d'architecture Bertrand Penneron, dont le siège est situé 199 boulevard Heurteloup à Tours (37000), par la SCP Cottereau-Meunier-Bardon et Associés, avocats au barreau de Tours ; la SELARL d'architecture Bertrand Penneron demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1101626-1102708 du 22 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Gien à lui verser la somme de 100 203,88 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter de la présentation du projet de décompte final, au titre du solde du marché de maîtrise d'oeuvre dont elle était titulaire pour la réhabilitation de l'ancien institut médico-éducatif en centre culturel municipal ;

2°) de condamner la commune de Gien à lui verser cette somme ;

3°) de mettre à la charge de commune de Gien le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la mission OPC a vu sa durée sensiblement allongée : 18 mois, en raison de travaux dont ont été chargées les entreprises, valant modification de programme ;

- elle a fait l'objet d'une proposition d'avenant dont l'absence de signature ne saurait justifier le refus de payer ;

- la commune a accepté la modification de la durée d'exécution du programme ;

- les pénalités pour retards aux rendez-vous de chantier lui sont dues ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2012, présenté pour la commune de Gien, représentée par son maire en exercice, par Me Benjamin, avocat au barreau de Paris ;

la commune de Gien conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge de la SELARL d'architecture Bertrand Penneron la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- les justificatifs relatifs aux pénalités ne sont pas probants ; les retards n'ont au demeurant jamais été signalés au maître d'ouvrage ;

- la requérante ne peut se prévaloir des dispositions d'un contrat auquel elle n'est pas partie ; en tout cas, le paiement des pénalités incomberait aux entreprises ;

- la jurisprudence écarte toute automaticité entre l'allongement des délais d'exécution et l'indemnisation du maître d'oeuvre ;

- aucune modification de programme ou de prestations n'a été décidée par le maître d'ouvrage ;

Vu le courrier en date du 1er octobre 2013 adressé aux parties en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance en date du 7 novembre 2013 portant clôture immédiate de l'instruction en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée ;

Vu le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles, alors en vigueur ;

Vu le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mars 2014 :

- le rapport de M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- les observations de Me Marais, avocat de la SELARL d'architecture Bertrand Penneron,

- et les observations de Me Bodkier, avocat de la commune de Gien ;

1. Considérant que, par un marché en date du 14 novembre 2002, la commune de Gien a confié la maîtrise d'oeuvre d'un projet de réhabilitation d'un ancien institut médico-éducatif en centre culturel municipal à un groupement dont la société d'architecture Bertrand Penneron était le mandataire ; que deux avenants au marché, conclus les 13 mai 2004 et 29 août 2006, ont augmenté la rémunération du maître d'oeuvre, pour tenir compte des changements dans le programme et de prestations complémentaires ; que les travaux relatifs à la réalisation du centre culturel se sont achevés fin octobre 2007 avec un retard de dix-huit mois ; que, le 15 avril 2011, en l'absence d'établissement du décompte général par le maître d'ouvrage, la société d'architecture Bertrand Penneron a notifié à la commune un mémoire en réclamation pour obtenir le paiement d'un solde de son marché évalué par elle à 100 203,88 euros TTC correspondant, d'une part, au paiement d'une mission complémentaire d'ordonnancement pilotage et coordination consécutive à l'allongement de la durée du chantier, d'autre part, au versement des pénalités pour absences aux réunions de chantier dues par certaines entreprises ; qu'à la suite de l'intervention d'un refus implicite de la commune de Gien d'y faire droit, la société d'architecture Bertrand Penneron a porté sa demande devant le tribunal administratif d'Orléans et relève appel du jugement du 22 mars 2012 la rejetant ;

Sur les conclusions relatives aux pénalités dues par les entrepreneurs en raison de leurs absences aux rendez-vous de chantier :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 4.6-1 du cahier des clauses administratives particulières applicables au marché : " (...) En cas de retard aux rendez-vous de chantier où l'entreprise aura été convoquée, l'entrepreneur subira une pénalité fixée à 30 euros hors-taxes. Lorsque l'entrepreneur aura une demi-heure de retard, passé ce délai, l'entreprise sera considérée comme absente. En cas d'absence au rendez-vous de chantier, l'entrepreneur subira une pénalité fixée à 76,22 euros hors-taxes. Ces pénalités seront allouées au maître d'oeuvre qui doit pallier ces défaillances par d'autres interventions (courrier, téléphone, etc...) " ; que la société requérante a demandé à la commune de Gien de lui verser à ce titre une somme de 34 184,67 euros TTC, en invoquant les absences de plusieurs entrepreneurs à des rendez-vous de chantier au cours des années 2005, 2006 et 2007 ;

3. Considérant, d'une part, que, pour justifier sa demande, la société d'architecture Bertrand Penneron se contente de produire le tableau récapitulatif qu'elle avait joint à sa note d'honoraires du 12 juin 2009, établi de façon unilatérale, faisant état d'absences de certaines entreprises à diverses réunions de chantier ; que ce tableau n'est étayé d'aucun document, et notamment pas des procès-verbaux des réunions de chantier, dont elle avait pourtant annoncé la production ; que, d'autre part et en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante ait en sa qualité de maître d'oeuvre signalé au maître d'ouvrage, en cours d'exécution du chantier et avant la notification des décomptes généraux des marchés de travaux qu'elle avait pour mission d'établir, les absences répétées dont elle fait état, en lui proposant d'infliger aux entreprises concernées les pénalités prévues aux stipulations précitées de l'article 4.6-1 du cahier des clauses administratives particulières des marchés de travaux ; que la société d'architecture Bertrand Penneron n'est dès lors pas fondée à soutenir que la commune de Gien devrait lui verser une somme correspondant au montant de ces pénalités, qui n'ont pas été mises à la charge des entreprises en cause et dont le maître d'ouvrage ne saurait être lui-même directement redevable ;

Sur les conclusions relatives à la rémunération d'une mission complémentaire OPC :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée : " La mission de maîtrise d'oeuvre donne lieu à une rémunération forfaitaire fixée contractuellement. Le montant de cette rémunération tient compte de l'étendue de la mission, de son degré de complexité et du coût prévisionnel des travaux " ; qu'aux termes de l'article 30 du décret du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé, repris à l'article 9 du cahier des clauses administratives particulières applicables au marché : " Le contrat de maîtrise d'oeuvre précise, d'une part, les modalités selon lesquelles est arrêté le coût prévisionnel assorti d'un seuil de tolérance, sur lesquels s'engage le maître d'oeuvre, et, d'autre part, les conséquences, pour celui-ci, des engagements souscrits. (...) En cas de modification de programme ou de prestations décidées par le maître de l'ouvrage, le contrat de maîtrise d'oeuvre fait l'objet d'un avenant qui arrête le programme modifié et le coût prévisionnel des travaux concernés par cette modification, et adapte en conséquence la rémunération du maître d'oeuvre et les modalités de son engagement sur le coût prévisionnel " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le titulaire d'un contrat de maîtrise d'oeuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l'ensemble de ses charges et missions, ainsi que le bénéfice qu'il en escompte, et que seules une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l'ouvrage peuvent donner lieu à une adaptation et, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération ; que la prolongation de sa mission n'est de nature à justifier une rémunération supplémentaire du maître d'oeuvre que si elle a donné lieu à des modifications de programme ou de prestations décidées par le maître d'ouvrage ; qu'en outre, le maître d'oeuvre ayant effectué des missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d'oeuvre et qui n'ont pas été décidées par le maître d'ouvrage a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations, nonobstant le caractère forfaitaire du prix fixé par le marché si, d'une part, elles ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, ou si, d'autre part, le maître d'oeuvre a été confronté dans l'exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l'économie du contrat ;

6. Considérant, d'une part, que si, en cours d'exécution du contrat, des prestations qui n'avaient pas été retenues au moment de l'attribution du marché, ont été demandées par le maître d'ouvrage, elles ont été prises en compte, en application de l'article 9 du CCAP applicable au marché, par les avenants 1 et 2 signés les 13 mai 2004 et 29 août 2006, qui prévoyaient notamment des compléments de la rémunération due à la société requérante ; que, d'autre part, s'il est constant que les travaux qui devaient être achevés en avril 2006 n'ont été terminés qu'en octobre 2007, prolongeant d'autant la durée de la mission " ordonnancement-pilotage-coordination " (OPC) confiée à la société requérante, il ne résulte pas de l'instruction que cette prolongation de la durée de la mission ait été la conséquence de modifications de programme ou de prestations décidées par le maître d'ouvrage, lesquelles ne résultent pas de la seule conclusion d'avenants aux contrats des entreprises prolongeant la durée d'exécution des travaux ; qu'enfin, la prolongation de la durée de la mission ne saurait en elle-même être assimilée à une modification dans la consistance du projet au sens des dispositions précitées de l'article 30 du décret du 29 novembre 1993 ou des stipulations de l'article 9 du cahier des clauses administratives particulières applicables au contrat ; que, dans ces conditions, la société d'architecture Bertrand Penneron n'est pas fondée à demander le paiement d'une somme supplémentaire de 66 019 euros TTC au titre de la prolongation de sa mission OPC ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société d'architecture Bertrand Penneron n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Gien, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société d'architecture Bertrand Penneron demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société d'architecture Bertrand Penneron une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Gien et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société d'architecture Bertrand Penneron est rejetée.

Article 2 : La société d'architecture Bertrand Penneron versera à la commune de Gien la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'architecture Bertrand Penneron et à la commune de Gien.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2014 à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 avril 2014.

Le rapporteur,

B. MADELAINE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au préfet du Loiret en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT013562

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT01356
Date de la décision : 11/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Bernard MADELAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : BENJAMIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-04-11;12nt01356 ?
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