Vu la requête, enregistrée le 23 septembre 2013, présentée pour Mme C... B..., demeurant..., par Me Leccia, avocat au barreau de Tours, qui demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1106006 du 14 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 mai 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation ;
2°) d'annuler la décision du 16 mai 2011 ;
3°) d'ordonner au ministre de l'intérieur de faire droit à sa demande de naturalisation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- née en Algérie en 1956, elle est de nationalité française ;
- le ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la décision du 26 août 2013 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a admis Mme A... B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;
Il fait valoir que :
- est inopérant le moyen tiré de ce que la requérante satisfait aux conditions de recevabilité de la naturalisation ;
- il n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2014 :
- le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
1. Considérant, en premier lieu, que, si la requérante, qui indique être de nationalité algérienne et a présenté en 2009 une demande d'acquisition de la nationalité française, soutient, d'une part, que née en Algérie en 1956 elle a conservé la nationalité française en dépit de l'accession de cet Etat à l'indépendance en 1962 et, d'autre part, qu'elle satisfait aux conditions de recevabilité auxquelles est subordonné l'octroi de la nationalité française par décision de l'autorité publique, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs par lesquels les premiers juges les ont eux-mêmes, à bon droit, écarté ;
2. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil :
" L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte tant les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant que son degré d'insertion professionnelle et d'autonomie matérielle ;
3. Considérant que, pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation présentée par Mme A... B..., le ministre s'est fondé sur les circonstances tirées, d'une part, du caractère incomplet de son insertion professionnelle et, d'autre part, du séjour irrégulier sur le territoire français de 2006 à 2007 ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante occupe depuis 2008 des emplois salariés à la faveur de contrats à durée déterminée et de courtes durées ne lui procurant que de faibles ressources propres, insuffisantes à elles seules pour lui permettre d'assurer son autonomie matérielle ; que ses revenus salariaux des années 2009 et 2010, limités à 5 651 et 2 854 euros, étaient complétés, dans une mesure plus importante, par divers revenus de transfert ainsi que, depuis le mois de juin 2009, par l'allocation d'aide au retour à l'emploi puis le revenu de solidarité active ; qu'il ne ressort pas des pièces produites que son état de santé la placerait dans l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle ; que, compte tenu de ces éléments, le ministre, en se fondant sur le caractère incomplet de l'insertion professionnelle de la postulante, en raison de sa situation de demandeur d'emploi ne lui permettant pas de disposer de revenus suffisamment stables pour subvenir durablement à ses besoins, n'a, dans l'exercice du large pouvoir d'appréciation dont il dispose pour apprécier l'opportunité d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la demande, pas commis d'erreur manifeste en décidant d'ajourner à deux ans la demande présentée par Mme A...B... ;
5. Considérant, en outre, qu'il ressort également des pièces du dossier que la requérante a irrégulièrement séjourné sur le territoire français entre le 12 octobre 2006 et le 9 novembre 2007 ; que le ministre peut, sans erreur de droit, opposer le motif de l'irrégularité du séjour pour rejeter ou ajourner la demande de naturalisation d'un postulant, dès lors que l'ancienneté des faits n'est pas telle qu'elle serait de nature à entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'eu égard à la date à laquelle a pris fin le séjour irrégulier de Mme A... B..., le ministre n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en se fondant également sur ce motif pour ajourner la demande de naturalisation ; que la requérante ne saurait utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire ministérielle du 16 octobre 2012 relative aux procédures d'accès à la nationalité française, dépourvue de caractère réglementaire ;
6. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de faire droit à la demande de naturalisation présentée par la requérante ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme à ce titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 21 février 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Iselin, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- M. Durup de Baleine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 mars 2014.
Le rapporteur,
A. DURUP de BALEINE Le président,
B. ISELIN
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT02728 2
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