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17/01/2014 | FRANCE | N°12NT00176

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 17 janvier 2014, 12NT00176


Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2012, présentée pour M. F... A..., demeurant..., M. E... A..., demeurant..., et M. C... D..., demeurant..., par Me Foussard, avocat au conseil d'Etat et à la cour de cassation ; M. A... et autres demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901021 du 17 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la ville de Granville à leur verser une indemnité de 204 868 euros, à actualiser en fonction de l'évolution du coût de la construction, avec intérêts au taux légal

et capitalisation des intérêts ;

2°) de condamner la ville de Granvi...

Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2012, présentée pour M. F... A..., demeurant..., M. E... A..., demeurant..., et M. C... D..., demeurant..., par Me Foussard, avocat au conseil d'Etat et à la cour de cassation ; M. A... et autres demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901021 du 17 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la ville de Granville à leur verser une indemnité de 204 868 euros, à actualiser en fonction de l'évolution du coût de la construction, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;

2°) de condamner la ville de Granville à leur verser cette indemnité ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Granville une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens ;

ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularités ; il ne vise pas leur mémoire enregistré le 21 janvier 2011 au greffe du tribunal administratif de Caen ; les premiers juges ont insuffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de l'illégalité du classement de leur parcelle en zone naturelle ;

- la ville de Granville a méconnu les engagements contractuels et unilatéraux pris les 16 janvier 1985 et 9 octobre 2002 ;

- le classement en zone naturelle de leur parcelle par le plan local d'urbanisme approuvé

le 25 janvier 2008 est entaché d'illégalité ; cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune à leur égard ;

- ainsi que l'indique le rapport d'expertise judiciaire, le caractère humide de leur parcelle résulte des travaux réalisés par la commune en 1965 et 1985 ; ces travaux sont à l'origine d'un préjudice anormal et spécial et ouvrent donc droit à indemnisation ;

- s'agissant de l'évaluation des préjudices, ils entendent se référer à leurs écritures de première instance ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2012, présenté pour la ville de Granville, représentée par son maire en exercice, par Me Martin, avocat au barreau de Rennes, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. A... et autres à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que les moyens des requérants ne sont pas fondés ;

Vu l'ordonnance du 5 juillet 2013 fixant la clôture d'instruction au 25 juillet 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 22 juillet 2013, présenté pour M. A... et autres qui concluent aux mêmes fins que la requête et, en outre, à ce que le montant de l'indemnité réclamée à la ville de Grandville soit portée à 444 609,40 euros et à ce que la cour ordonne, sous astreinte, à la ville de Granville de faire cesser la pollution provenant de la zone industrielle et affectant la zone Np et la parcelle AE1, directement située en aval, par la réalisation d'un collecteur d'eaux usées reliant la buse en limite de la propriété du couvent avec le réseau récemment réalisé dans l'impasse MauriceA... ; ils soutiennent que la recherche de l'origine de la pollution du ruisseau canalisé qui traverse des terrains situés en amont de leur parcelle n'a pas été réalisée alors que le rapport d'analyses des eaux superficielles et des sédiments effectué, le 19 juin 2013, conclut à la présence d'hydrocarbures dont la caractéristique correspond à des hydrocarbures de type proche du gasoil et / ou du fuel ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 décembre 2013, présentée pour M. A... et autres ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 décembre 2013, présentée pour la commune de Granville ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2013 :

- le rapport de Mme Buffet, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;

- les observations de Me G..., substituant Me Foussard, avocat de M. A... et autres ;

- et les observations de MeB..., substituant Me Martin, avocat de la commune de Granville ;

1. Considérant que par jugement du 17 novembre 2011, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de M. A... et autres tendant à la condamnation de la ville de Granville à leur verser une indemnité de 204 868 euros, à actualiser en fonction de l'évolution du coût de la construction, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices liés au caractère humide de leur parcelle cadastrée AE 1 dite du " Pré Rabot " ; que M. A... et autres interjettent appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : "La décision (...) contient (...) l'analyse des conclusions et mémoires (...)" ; qu'il ressort de la minute du jugement du 17 novembre 2011, que celui-ci vise et analyse, notamment, le mémoire en réplique de M. A... et autres, enregistré le 21 janvier 2011 au greffe du tribunal administratif de Caen ; que, dans ces conditions, les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative n'ont pas été méconnues ;

3. Considérant, d'autre part, que pour rejeter les conclusions à fin d'indemnité présentées par les requérants à raison de l'illégalité fautive résultant, selon eux, du classement, par le plan local d'urbanisme du 25 janvier 2008, de la parcelle AE 1 en zone naturelle, les premiers juges ont estimé, après avoir rappelé les orientations retenues par les auteurs du plan, que le classement de cette parcelle non bâtie, traversée par un ruisseau, partiellement humide, entourée de plusieurs parcelles, également dépourvues de toute construction n'était pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, ce faisant, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments soulevés devant lui, a suffisamment motivé son jugement sur ce point ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale ;

4. Considérant que les requérants invoquent, à l'appui de leur conclusions indemnitaires, la violation par la commune de Granville d'engagements contractuels ou de promesses résultant des lettres du 16 janvier 1985 et du 9 octobre 2002 du maire, la responsabilité de cette commune à raison de l'illégalité fautive du classement de leur parcelle AE 1 en zone naturelle par le plan local d'urbanisme du 25 janvier 2008, enfin, sa responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics ;

5. Considérant, en premier lieu, que la lettre du 16 janvier 1985 du maire de Granville se borne à indiquer que la commune " étudiera l'amélioration de l'écoulement " des eaux sur la parcelle AE 1, en procédant en particulier " au curage du fossé situé en amont ", " recherchera l'origine de la pollution du ruisseau canalisé qui traverse des terrains qui ont été remblayés lors de la réalisation de la zone industrielle " et renvoie à une visite sur place le 24 janvier suivant, pour " fixer ensemble les actions à mener " ; que la lettre adressée le 9 octobre 2002 par le maire à Mme A...a pour objet de rappeler les termes d'un projet d'accord portant sur l'échange, à titre gratuit, de parcelles et la construction, en contrepartie, par la commune d'un branchement aux réseaux des eaux usées et des eaux pluviales ;

6. Considérant qu'il n'est pas contesté que le curage du fossé mentionné dans la lettre du 16 janvier 1985 a été effectué ; que si les requérants font valoir que la recherche de l'origine de la pollution du ruisseau canalisé qui traverse des terrains situés en amont de leur parcelle, dans une ancienne zone industrielle, n'a pas été réalisée alors que le rapport d'analyses des eaux superficielles et des sédiments du 19 juin 2013, établi à leur demande, conclut à la présence " d'hydrocarbures dont la caractéristique correspond à des hydrocarbures de type proche du gasoil et / ou du fuel ", ce rapport, contrairement à leur allégations, précise que " les résultats d'analyses sur les sols et sur les eaux superficielles n'ont mis aucun impact notable en évidence ", à l'exception d'un taux de manganèse supérieur à la norme de potabilité, sans d'ailleurs, en imputer la présence à l'ancienne zone industrielle ; qu'ainsi les requérants n'établissent pas que leur terrain " a été utilisé comme zone de phytoremédiation pour dépolluer les eaux venant de la zone industrielle " ; qu'il résulte, par ailleurs, de l'instruction, notamment du rapport d'expertise versé au dossier, que le projet d'échange de parcelles prévu par la lettre du 9 octobre 2002 n'a pas abouti; que la lettre du 21 septembre 2003 de MmeA..., également, produite par les requérants ne révèle pas d'engagements pris par la commune en vue de remédier au caractère humide de cette parcelle ; que, par suite, M. A... et autres ne sauraient rechercher la responsabilité de la commune de Granville à raison de la violation par cette dernière de promesses unilatérales ou d'engagements contractuels ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : "Les zones naturelles et forestières sont dites "zones N". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison soit de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique, soit de l'existence d'une exploitation forestière, soit de leur caractère d'espaces naturels. (...)" ;

8. Considérant qu'il appartient aux auteurs d'un plan d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction ; qu'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des divers secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme ; que leur appréciation peut être censurée par le juge administratif au cas où elle serait ou entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts ou d'un détournement de pouvoir ;

9. Considérant que la parcelle en cause, d'une surface de 3 210 m², dont il est constant qu'elle n'est pas bâtie, jouxte de vastes parcelles elles-mêmes dépourvues de toute construction ; que cette parcelle est traversée en son milieu par un ruisseau ; que, dans ces conditions, et alors même que les travaux d'aménagement réalisés par la commune autour de cette parcelle seraient, par ailleurs, au moins pour partie, à l'origine de son caractère humide, son classement par le plan local d'urbanisme, approuvé le 25 janvier 2008, en zone naturelle 1N défini comme une " zone naturelle de protection, motivée par la qualité des sites, espaces ou milieux naturels et les paysages, ainsi que la protection du risque d'inondation " n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, par suite, les requérants ne peuvent invoquer, à l'appui de leurs conclusions indemnitaires, l'illégalité fautive qui résulterait du classement de cette parcelle en zone naturelle 1N;

10. Considérant, en troisième lieu, que s'il résulte de l'instruction, notamment, du rapport d'expertise judiciaire versé au dossier que le caractère humide de la parcelle considérée est lié à la faible pente du fossé d'écoulement des eaux sur la parcelle (7.3 %o) et à celle de la canalisation (6.33 %o) mise en place en 1985 par la commune au débouché de cette parcelle, sous la rue de la Parfonterie, ce même rapport précise, toutefois, également, qu'il peut être remédié à ces désordres par la réalisation de travaux, notamment, l'abaissement de la canalisation située sous cette rue ; que, dans ces conditions, les requérants ne peuvent prétendre à être indemnisés, au titre des dommages de travaux publics, des préjudices dont ils demandent réparation qui correspondent à la perte de valeur vénale et à la " dépossession " de leur terrain, préjudices qui ne présentent pas un caractère certain ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit au point 6, les conclusions tendant à ce que la cour ordonne à la ville de Granville " de faire cesser la pollution provenant de la zone industrielle et affectant la zone Np et la parcelle AE1 " ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'en vertu du second alinéa de cet article, les dépens sont mis à la charge de la partie perdante, sous réserve de circonstances particulières justifiant qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties ; que M A...et autres sont les parties perdantes ; que, par suite, en l'absence de circonstances particulières justifiant que les dépens soient mis partiellement ou totalement à la charge de la commune de Granville, la somme que les requérants ont exposée au titre de la contribution pour l'aide juridique doit être laissée à leur charge ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Granville, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. A... et autres demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de M. A... et autres, le versement de la somme que la commune de Granville demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Granville tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A..., à M. E... A..., à M. C... D...et à la commune de Granville.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2013 à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Sudron, président-assesseur,

- Mme Buffet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 janvier 2014.

Le rapporteur,

C. BUFFETLe président,

A. PÉREZ

Le greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre de l'égalité des territoires et du logement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT00176 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT00176
Date de la décision : 17/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. POUGET
Avocat(s) : FOUSSARD ; FOUSSARD ; FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-01-17;12nt00176 ?
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