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31/07/2003 | FRANCE | N°02NT00838

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4eme chambre, 31 juillet 2003, 02NT00838


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 27 mai 2002, présentée pour la S.A. SOCOTEC, représentée par son directeur en exercice, ayant son siège 'Les Quadrants, 3, avenue du Centre Guyancourt, 78182 Saint-Quentin-en-Yvelines, par Me GABOREL, avocat au barreau de Rennes ;

La S.A. SOCOTEC demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 01-708 en date du 10 mai 2002 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes l'a, par son article 1er, condamnée solidairement et conjointement avec M. X, architecte, la société COBI Engineering et

la société EURL GOBIN à payer la somme de 163 503,05 euros à la commune de ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 27 mai 2002, présentée pour la S.A. SOCOTEC, représentée par son directeur en exercice, ayant son siège 'Les Quadrants, 3, avenue du Centre Guyancourt, 78182 Saint-Quentin-en-Yvelines, par Me GABOREL, avocat au barreau de Rennes ;

La S.A. SOCOTEC demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 01-708 en date du 10 mai 2002 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes l'a, par son article 1er, condamnée solidairement et conjointement avec M. X, architecte, la société COBI Engineering et la société EURL GOBIN à payer la somme de 163 503,05 euros à la commune de La Chapelle Blanche et, par son article 5, l'a condamnée à garantir lesdites sociétés des condamnations prononcées contre elles ;

2°) de rejeter la demande de la commune tendant à sa condamnation ;

3°) de rejeter les appels en garantie de M. X, architecte, de la société COBI Engineering et de la société EURL GOBIN ;

C CNIJ n° 39-06-01-07-02

n° 39-06-01-02

4°) de condamner in solidum ou les uns à défaut des autres, M. X, architecte, la société COBI Engineering et la société EURL GOBIN à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle ;

5°) de condamner la partie perdante à lui verser la somme de 2 286,74 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juillet 2003 :

- le rapport de Mme JACQUIER, premier conseiller,

- les observations de Me SALLIOU substituant Me ANDRE, avocat de la société COBI Engineering Réalisation,

- les observations de Me LE FLOCH substituant Me GAUTIER, avocat de la société GOBIN Entreprise Générale,

- et les conclusions de M. MORNET, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article R.541-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ;

Considérant que, par contrat du 19 mars 1998, la commune de La Chapelle Blanche a confié à la société COBI Engineering et à M. X, architecte, une mission complète de maîtrise d'oeuvre pour la réhabilitation d'un immeuble ancien à usage de mairie et de logements locatifs ; que les travaux de démolition et de maçonnerie ont été confiés par contrat du 29 décembre 1998 à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) GOBIN ; que par contrats du 28 janvier 1999, la commune a confié à la Société SOCOTEC d'une part, une mission dite mission L de contrôle technique portant sur la solidité des ouvrages et des éléments d'équipement indissociables, d'autre part, une mission de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé des travailleurs en application de l'article L.235-4 du code du travail ; que l'apparition, au cours du déroulement du chantier, de lézardes et de fissures tant en façades que dans les pignons, a conduit la commune, au vu d'un rapport d'expertise concluant à l'état de péril imminent de la bâtisse, à faire procéder à sa démolition ; qu'elle a demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Rennes, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à lui verser une provision de 1 072 509,70 F ; que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés a condamné conjointement et solidairement M. X, architecte, la société COBI Engineering, la société EURL GOBIN et la Société SOCOTEC à lui verser une indemnité provisionnelle de 163 503,05 euros ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert que les dommages sont imputables d'une part à l'entreprise GOBIN qui, pendant la phase de démolition, n'a pris aucune des mesures de précaution prescrites par le cahier des clauses administratives particulières tant en ce qui concerne les normes d'élancement des murs que l'étrésillonnage des ouvertures destinées à maintenir la stabilité des parois déjà affaiblies par la présence de conduits de cheminée ; que M. X, architecte, n'a pas respecté les stipulations contractuelles relatives au diagnostic du bâtiment existant et la société COBI Engineering, chargée de la direction des travaux, n'a pas surveillé la méthodologie mise en oeuvre par l'entreprise GOBIN, abandonnant celle-ci à ses improvisations ; que, par ailleurs, la Société SOCOTEC qui était chargée, notamment, d'une mission relative à la solidité de l'ouvrage et de ses éléments indissociables concernant les constructions neuves n'a pas vérifié la compatibilité de ces travaux avec le bâti ancien notamment en ce qui concerne la réalisation des empochements nécessaires à l'appui des nouveaux planchers, lesquels ont également contribué à fragiliser la structure existante ; que ces fautes commises par les constructeurs dans l'exécution de leurs obligations contractuelles sont de nature à engager leur responsabilité ; que la démolition de l'ouvrage ayant résulté de l'exécution des travaux eux-mêmes, la Société SOCOTEC ne saurait se prévaloir de la responsabilité exclusive de l'entrepreneur lorsqu'un bâtiment vient à périr alors qu'il en avait seul la disposition et en assurait la garde ; que, par suite, la Société SOCOTEC, qui dans le cadre de cette mission doit être regardée comme ayant eu la qualité de constructeur, n'est pas fondée à soutenir que le juge des référés, auquel il incombait, dans le cadre des pouvoirs qui lui sont conférés par les dispositions de l'article R.541-1 du code de justice administrative, d'apprécier la responsabilité des constructeurs dans la survenance des désordres, aurait commis une erreur de droit ou aurait mal apprécié sa responsabilité, en la condamnant conjointement et solidairement avec les autres constructeurs, à indemniser la commune ;

En ce qui concerne l'évaluation du montant de la provision :

Considérant que le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'immeuble concerné par les travaux correspond aux frais qu'il doit engager pour ces travaux ; que ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux, lorsque ladite taxe grève les travaux ; que, toutefois, le montant de l'indemnisation doit, lorsque le maître de l'ouvrage relève d'un régime fiscal qui lui permet normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations être diminué du montant de la taxe ainsi déductible ou remboursable ; qu'il est constant que la commune de La Chapelle Blanche n'est pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de ses services administratifs ; que dès lors la taxe sur la valeur ajoutée doit être incluse dans ledit montant ; que par suite, la Société SOCOTEC n'est pas fondée à demander la réformation de l'ordonnance sur ce point ;

En ce qui concerne l'appel en garantie de M. X, de la société COBI Engineering et de la société EURL GOBIN :

Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, M. X, architecte, n'a pas rempli les obligations de la mission de maîtrise d'oeuvre qui lui avait été confiée relative au diagnostic du bâtiment existant ; que la société COBI Engineering qui était chargée de la direction et de la surveillance des travaux n'a pas surveillé la méthodologie mise en oeuvre pour la démolition des travaux par l'entreprise GOBIN ; que l'entreprise GOBIN n'a pas respecté les prescriptions contractuelles qui étaient préconisées, pendant la phase de démolition, afin d'éviter l'affaiblissement de la bâtisse ;

Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, si la responsabilité de la Société SOCOTEC qui était chargée d'une mission relative à la solidité de l'ouvrage et de ses éléments indissociables est engagée, au titre de cette mission, dans la survenance des désordres, elle ne saurait l'être, en revanche, au titre de sa mission de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé des travailleurs, en application de l'article L.235-4 du code du travail ; que, dès lors, à supposer même qu'elle ait commis des fautes dans l'exécution de cette mission au terme de laquelle la Société SOCOTEC était contractuellement chargée d'assurer la sécurité et de protéger la santé des personnes travaillant sur le chantier, le préjudice subi par la commune n'est pas imputable aux fautes contractuelles qui auraient été commises dans l'exercice de cette mission ; qu'il suit de là que la Société SOCOTEC est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés a considéré que sa responsabilité devait également être engagée au titre de cette mission ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ces circonstances et fait droit aux appels en garantie présentés par la Société SOCOTEC en condamnant solidairement M. X, la société COBI Engineering et la société EURL GOBIN à garantir la société SOCOTEC à hauteur de 95 % du montant des sommes mises à sa charge pour la réparation du préjudice subi par la commune ;

Sur l'appel provoqué de la société EURL GOBIN :

Considérant que les conclusions de la société EURL GOBIN tendant à obtenir la garantie de la Société SOCOTEC ont été provoquées par l'appel principal de la Société SOCOTEC ; que la reconnaissance du caractère solidaire des responsabilités encourues par les constructeurs a pour effet de porter atteinte à la situation de la société EURL GOBIN ; qu'ainsi les conclusions susanalysées sont recevables ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard aux fautes commises par les constructeurs dans la réalisation des travaux, cette entreprise est fondée à obtenir la garantie solidaire de M. X, architecte, de la société COBI Engineering et de la Société SOCOTEC à concurrence de 55 % du montant de la condamnation ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la Société SOCOTEC, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à la commune, à la société COBI Engineering et à la société EURL GOBIN la somme que celles-ci demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société COBI Engineering et la société EURL GOBIN à verser à la Société SOCOTEC la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : M. X, architecte, la société COBI Engineering et la société EURL GOBIN sont condamnés solidairement à garantir la Société SOCOTEC à concurrence de 95 % du montant total de la condamnation prononcée par l'article 1er de l'ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Rennes du 10 mai 2002.

Article 2 : M. X, architecte, la société COBI Engineering et la Société SOCOTEC sont condamnés solidairement à garantir la société EURL GOBIN à concurrence de 55 % de la condamnation prononcée par l'article 1er de l'ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Rennes du 10 mai 2002.

Article 3 : L'ordonnance du 10 mai 2002 est réformée en ce qu'elle a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la Société SOCOTEC et de l'appel provoqué de la société EURL GOBIN est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la Société SOCOTEC, de la commune de La Chapelle Blanche, de la société COBI Engineering et de la société EURL GOBIN au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la Société SOCOTEC, à la commune de La Chapelle Blanche, à M. X, à la société COBI Engineering Réalisation, à la société GOBIN Entreprise Générale et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4eme chambre
Numéro d'arrêt : 02NT00838
Date de la décision : 31/07/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEPLAT
Rapporteur ?: Mme Christiane JACQUIER
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : GRETEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2003-07-31;02nt00838 ?
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