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30/10/1998 | FRANCE | N°98NT01456

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, 30 octobre 1998, 98NT01456


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 juillet 1998, présentée pour l'Organisme de gestion des écoles catholiques (OGEC) "Collège d'Elbée-Beaupréau", dont le siège est ..., par Me Yves PITTARD, avocat au barreau de Nantes ;
L'association requérante demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement n 96-3319 du Tribunal administratif de Nantes, en date du 12 mai 1998, en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 373 355 F, assortie des intérêts au taux légal, laquel

le représente l'intégralité de la part patronale de cotisation sociale ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 juillet 1998, présentée pour l'Organisme de gestion des écoles catholiques (OGEC) "Collège d'Elbée-Beaupréau", dont le siège est ..., par Me Yves PITTARD, avocat au barreau de Nantes ;
L'association requérante demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement n 96-3319 du Tribunal administratif de Nantes, en date du 12 mai 1998, en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 373 355 F, assortie des intérêts au taux légal, laquelle représente l'intégralité de la part patronale de cotisation sociale afférente au régime de retraite et de prévoyance des cadres dont l'association requérante a fait l'avance pour la période du 1er septembre 1992 au 31 octobre 1995, au profit des maîtres du collège d'Elbée-Beaupréau ;
2 ) de faire droit à sa demande ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement privés ;
Vu la loi de finances pour 1996 (n 95-1346 du 30 décembre 1995) ;
Vu le décret n 96-627 du 16 juillet 1996 portant application de l'article 107 de la loi de finances pour 1996 ( n 95-1346 du 30 décembre 1995) ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 1998 :
- le rapport de M. MILLET, premier conseiller,
- les observations de Me X..., se substituant à M. PITTARD, avocat de l'Organisme de gestion des écoles catholiques (OGEC) "Collège d'Elbée-Beaupréau",
- et les conclusions de Mme JACQUIER, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant au remboursement de l'intégralité des cotisations sociales dont l'association requérante a fait l'avance :
Considérant que l'Organisme de gestion des écoles catholiques (OGEC) "Collège d'Elbée-Beaupréau" a demandé au Tribunal administratif de Nantes la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 373 355 F, représentant l'intégralité de la part patronale de cotisation sociale afférente au régime de retraite et de prévoyance des cadres, institué par la convention collective du 14 mars 1947, dont cette association avait fait l'avance pour la période du 1er septembre 1992 au 31 octobre 1995, au profit des maîtres de ce collège ayant le statut de cadre ; qu'à l'appui de ses prétentions, l'association requérante a fait valoir, d'une part, qu'en vertu de l'article 15 de la loi susvisée du 31 décembre 1959, l'Etat, à qui incombe la rémunération des maîtres contractuels ou agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat, devait supporter les charges sociales légalement obligatoires afférentes à ces rémunérations, dans la mesure où le taux des cotisations n'excède pas ce qui est nécessaire pour assurer l'égalisation, prévue audit article 15, de la situation de ces maîtres et de celle des maîtres titulaires de l'enseignement public et, d'autre part, qu'en l'absence de décret en Conseil d'Etat limitant le remboursement des cotisations à la proportion nécessaire pour atteindre l'égalisation des situations, elle devait obtenir le remboursement par l'Etat de l'intégralité de la somme dont elle avait fait l'avance, alors même que les avantages qui sont la contrepartie de la cotisation au taux unique de 1,5 % fixé à l'article 7 de la convention collective, excéderaient ce qui est nécessaire pour réaliser cette égalisation ; que, par le jugement attaqué, en date du 12 mai 1998, le Tribunal administratif, se fondant sur les dispositions de l'article 107 de la loi susvisée du 30 décembre 1995 et celles du décret susvisé du 16 juillet 1996, n'a que partiellement fait droit à la demande de la requérante ;

Considérant qu'aux termes de l'article 107 de la loi du 30 décembre 1995 : "Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les obligations de l'Etat tenant, pour la période antérieure au 1er novembre 1995, au remboursement aux organismes de gestion des établissements d'enseignement privés sous contrat de la cotisation sociale afférente au régime de retraite et de prévoyance des cadres, institué par la convention collective du 14 mars 1947 et étendu par la loi n 72-1223 du 29 décembre 1972 portant généralisation de la retraite complémentaire au profit des salariés et anciens salariés, sont égales à la part de cotisation nécessaire pour assurer l'égalisation des situations prévue par l'article 15 de la loi n 59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement privés, modifiée par la loi n 77-1285 du 25 novembre 1977 ; cette part est fixée par décret en Conseil d'Etat" ; que l'article 1er du décret du 16 juillet 1996 dispose : "Pour l'application de l'article 107 de la loi du 30 décembre 1995 ... la part de cotisation afférente au régime de retraite et de prévoyance des cadres nécessaire pour assurer l'égalisation des situations prévues à l'article 15 de la loi du 31 décembre 1959 ... est fixée à 0,062 % de la rémunération brute inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale au titre des périodes concernées" ; qu'il résulte de ces dispositions que l'Etat est désormais tenu de rembourser à l'Organisme de gestion des écoles catholiques (OGEC) "Collège d'Elbée-Beaupréau", non pas l'intégralité des sommes dont celui-ci a fait l'avance antérieurement au 1er novembre 1995, au titre des cotisations au régime de retraite et de prévoyance des cadres, mais seulement une part de cotisation calculée selon les prescriptions dudit décret du 16 juillet 1996 ;
En ce qui concerne les moyens tirés de la violation de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant, en premier lieu, que, si la contestation soulevée par l'association requérante, qui est relative à ses relations financières avec l'Etat en ce qui concerne la prise en charge de cotisations patronales de sécurité sociale, porte sur des droits et obligations de caractère civil, au sens des stipulations précitées de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions susreproduites de l'article 107 de la loi du 30 décembre 1995 ont pour objet, non de réduire rétroactivement les obligations financières de l'Etat à l'égard des organismes de gestion des établissements d'enseignement privés, mais d'en réaffirmer l'étendue telle qu'elle a été définie par les prescriptions de l'article 15 ajouté à la loi du 31 décembre 1959 par la loi du 25 novembre 1977 et de permettre ainsi un règlement des dettes de l'Etat à l'égard des organismes de gestion conforme à ces prescriptions ; que, dès lors, les dispositions dudit article 107 ne peuvent être regardées comme portant atteinte au principe du droit à un procès équitable énoncé par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en deuxième lieu, que la fraction des cotisations qui excède ce qui est nécessaire pour parvenir à l'égalisation des situations entre les maîtres de l'enseignement privé et les maîtres titulaires de l'enseignement public, au remboursement de laquelle l'organisme de gestion d'un établissement d'enseignement privé qui l'a acquittée ne détient pas un droit, ne constitue pas un bien dont l'article 107 précité de la loi du 30 décembre 1995 aurait eu pour effet de déposséder cette personne morale ; qu'ainsi, ces dispositions législatives ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit de toute personne physique ou morale au respect de ses biens, garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne ;
Considérant, enfin, qu'il résulte des termes mêmes de l'article 14 de la convention que le principe de non-discrimination énoncé par cet article ne concerne que la jouissance des droits et libertés reconnus par ladite convention et par les protocoles additionnels à celle-ci ; que, dès lors, il incombe à la partie qui se prévaut de la violation de ce principe, d'invoquer devant le juge administratif le droit ou la liberté dont la jouissance est affectée par la discrimination alléguée ; que l'Organisme de gestion des écoles catholiques (OGEC) "Collège d'Elbée-Beaupréau" n'a expressément fait état que d'une discrimination dans l'exercice du droit au respect de ses biens ; que, par suite, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, la méconnaissance des stipulations de l'article 14 ne saurait être utilement invoquée en l'espèce ;
En ce qui concerne les autres moyens de la requête :
Considérant, en premier lieu, qu'il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la conformité des dispositions de l'article 107 de la loi du 30 décembre 1995 au principe d'égalité devant la loi ;
Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article 1er du décret du 16 juillet 1996 ont pour seul objet de fixer, en application dudit article 107, le taux de prise en charge par l'Etat des cotisations patronales acquittées par les organismes de gestion des établissements d'enseignement privés sous contrat ; que, par suite, elles ne sont entachées d'aucune rétroactivité illégale ; que le moyen tiré par l'association requérante de ce que ces dispositions méconnaîtraient la règle de l'égalisation des situations prévue à l'article 15 de la loi du 31 décembre 1959 n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en invoquant à l'encontre du décret du 16 juillet 1996 la violation du principe de gratuité de l'enseignement, la requérante met nécessairement en cause la conformité de l'article 107 de la loi du 30 décembre 1995 à ce principe ; qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la constitutionnalité d'une loi ;

Considérant, enfin, que, devant le Tribunal administratif, l'Organisme de gestion des écoles catholiques (OGEC) "Collège d'Elbée-Beaupréau" avait exclusivement soulevé des moyens tirés de ce que les dispositions de l'article 1er du décret du 16 juillet 1996 méconnaissaient celles de la loi du 31 décembre 1959 et de ce que les dispositions de l'article 107 de la loi du 30 décembre 1995 n'étaient pas compatibles avec certaines stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, si, à l'appui de la présente requête, ladite association se prévaut, en outre, de la faute que le gouvernement aurait commise en tardant à prendre les mesures nécessaires à l'exacte application de la règle de l'égalisation des situations entre les maîtres contractuels ou agréés des établissements d'enseignement privés et les maîtres titulaires de l'enseignement public, un tel moyen, fondé sur une cause juridique distincte de celle qui avait été invoquée en première instance, constitue une demande nouvelle que la requérante n'est pas recevable à présenter pour la première fois en appel ;
Considérant que, de tout ce qui précède, il résulte que l'Organisme de gestion des écoles catholiques (OGEC) "Collège d'Elbée-Beaupréau" n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif, après avoir condamné l'Etat à lui verser la part de cotisation fixée, conformément aux dispositions de l'article 1er du décret du 16 juillet 1996, à 0,062 % de la rémunération brute inférieure au plafond de sécurité sociale, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à l'Organisme de gestion des écoles catholiques (OGEC) "Collège d'Elbée-Beaupréau" la somme de 2 000 F que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de l'Organisme de gestion des écoles catholiques (OGEC) "Collège d'Elbée-Beaupréau" est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Organisme de gestion des écoles catholiques (OGEC) "Collège d'Elbée-Beaupréau" et au ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 98NT01456
Date de la décision : 30/10/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ENSEIGNEMENT - QUESTIONS PROPRES AUX DIFFERENTES CATEGORIES D'ENSEIGNEMENT - ETABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT PRIVES - RELATIONS ENTRE LES COLLECTIVITES PUBLIQUES ET LES ETABLISSEMENTS PRIVES - CONTRIBUTION DE L'ETAT AUX DEPENSES DE FONCTIONNEMENT DES ETABLISSEMENTS PRIVES SOUS CONTRAT D'ASSOCIATION.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 96-627 du 16 juillet 1996 art. 1
Loi 59-1557 du 31 décembre 1959 art. 15, art. 107, art. 14
Loi 77-1285 du 25 novembre 1977
Loi 95-1346 du 30 décembre 1995 art. 107


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MILLET
Rapporteur public ?: Mme JACQUIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1998-10-30;98nt01456 ?
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