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23/11/1995 | FRANCE | N°93NT00501

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1e chambre, 23 novembre 1995, 93NT00501


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 11 mai 1993 présentée par les époux Lionel Y... demeurant Le Pré au Moulin à St-Martin-aux-Chartrains (Calvados), et par les époux André Y... demeurant Chemin des Ormeaux à St-Martin-aux-Chartrains ;
Les époux Y... demandent à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 89977-921760 en date du 2 mars 1993 par lequel le tribunal administratif de Caen n'a que partiellement fait droit à leur demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Martin-aux-Chartrains à réparer les conséquences dommageables d'une pollution de p

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Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 11 mai 1993 présentée par les époux Lionel Y... demeurant Le Pré au Moulin à St-Martin-aux-Chartrains (Calvados), et par les époux André Y... demeurant Chemin des Ormeaux à St-Martin-aux-Chartrains ;
Les époux Y... demandent à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 89977-921760 en date du 2 mars 1993 par lequel le tribunal administratif de Caen n'a que partiellement fait droit à leur demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Martin-aux-Chartrains à réparer les conséquences dommageables d'une pollution de prés dont ils sont, pour les uns propriétaires et pour les autres exploitants ;
2 ) de condamner ladite commune à payer aux époux Lionel Y... une somme de 183 043,55 F, et aux époux André Y... une somme de 64 025 F, avec intérêts de droits, en réparation des préjudices subis ;
3 ) de condamner ladite commune à payer aux époux Lionel Y... une somme de 10 000 F, et aux époux André Y... une somme de 10 000 F, sur le fondement des dispositions de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
4 ) de prononcer une astreinte à l'encontre de la commune par jour de retard à faire exécuter les travaux pour faire cesser les troubles qu'ils subissent ;
5 ) de condamner la commune aux dépens tant de première instance que d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 novembre 1995 :
- le rapport de Mme Coënt-Bochard, conseiller,
- les observations de Maître Djian, avocat des consorts Y...,
- et les conclusions de M. Isaia, commissaire du gouvernement,

Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les parcelles cadastrées B 51 et B 52 sises sur le territoire de la commune de Saint-Martin-aux-Chartrains appartenant aux époux André Y... et exploitées par leur fils Lionel Y... ont été souillées par des eaux polluantes qui se sont répandues dans lesdites parcelles ; que compte tenu des termes du rapport de l'expert commis en référé par le tribunal administratif, il apparaît que le mauvais fonctionnement du réseau communal d'évacuation des eaux pluviales auxquelles se sont mêlées des eaux usées en provenance d'un lotissement situé en amont des parcelles est à l'origine de l'épandage constaté ; que les consorts Y..., qui sont tiers par rapport à l'ouvrage public incriminé, sont par suite fondés à soutenir que la responsabilité de la commune de Saint-Martin-aux-Chartrains est engagée à leur égard ; que toutefois il est avéré que l'appropriation par les consorts Y... d'une partie de la voie communale dont le fossé servait d'exutoire naturel au ruissellement des eaux a contribué à l'imprégnation des parcelles par ces eaux ; qu'ainsi il sera fait une exacte appréciation des circonstances de l'espèce en ne laissant à la charge de la commune que la moitié des conséquences dommageables des déversements en cause ;
Sur les préjudices :
Considérant en premier lieu qu'il n'est pas établi que les affections dont a été victime le cheptel de M. Lionel Y... et les frais vétérinaires et pharmaceutiques que celui-ci a exposés résultent des déversements sus-analysés ; que par suite, en l'absence de lien de causalité entre l'état de santé de son cheptel et les déversements d'eaux usées en cause, il n'est pas fondé à demander que la commune de Saint-Martin-aux-Chartrains soit condamnée à le dédommager de ce chef de préjudice ; qu'en revanche les frais d'analyses d'eaux qui résultent de la nécessité de déterminer la nuisance éventuelle des eaux déversées dans ses herbages présentent un lien de cause à effet avec lesdits déversements, qu'il en est de même pour les frais résultant des prestations d'un expert agricole et de deux constats effectués par Maître X..., huissier de justice ; que dans la mesure où ils sont appuyés de pièces justificatives, il y a lieu d'en accorder le remboursement à M. Lionel Y... ; que compte tenu de ces remboursements et pour tenir compte des troubles dans les conditions d'exploitation subis par M. Lionel Y..., le montant de son préjudice indemnisable doit être fixé à 40 000 F tous intérêts compris au jour du présent arrêt ; que compte tenu du partage de responsabilité retenu, il y a lieu d'allouer à M. Lionel Y... une somme de 20 000 F ;
Considérant en deuxième lieu que les préjudices qui résulteraient d'une perte d'affermage au cours des années 1988 à 1992, d'une impossibilité de ventes des parcelles en cause, ainsi que le préjudice moral allégués par les époux Y... ne sont pas établis ;

Considérant en troisième lieu que Mme Lionel Y... n'était pas partie à l'instance devant le tribunal administratif ; que par suite elle ne peut prétendre que c'est à tort que le tribunal ne lui a pas reconnu un droit à indemnité ; qu'en tout état de cause elle n'établit pas avoir subi un préjudice distinct de celui de son mari ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'aux termes de l'article 217 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les dépens comprennent les frais d'expertise ... Ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties" ;
Considérant que la commune de Saint-Martin-aux-Chartrains et les époux André Y... sont parties perdantes à l'instance ; qu'aucune circonstance particulière à l'affaire ne justifierait que les frais de l'expertise ordonnée en référé soient mis en totalité ou partiellement à la charge d'une autre partie ; que par suite les frais d'expertise doivent être répartis par moitié entre la commune de Saint-Martin-aux-Chartrains et les époux André Y... ;
Sur les conclusions à fins d'astreinte :
Considérant que les conclusions présentées par les consorts Y... tendant à ce que soit ordonné à la commune de Saint-Martin-aux-Chartrains, sous astreinte, de faire exécuter des travaux publics sont irrecevables ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Lionel Y... est fondé à soutenir que le tribunal administratif de Caen a fait une évaluation insuffisante de son préjudice ; que les époux André Y... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que ledit tribunal a rejeté leur demande ; que la commune de Saint-Martin-aux-Chartrains est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fixés à 65 % sa part de responsabilité dans la survenance des dommages en cause dans la présente affaire, et a mis à sa charge la totalité des frais d'expertise ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de rejeter l'ensemble des demandes des parties présentées sur le fondement des dispositions précitées de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er - La somme de huit mille francs (8 000 F) que la commune de Saint-Martin-aux-Chartrains a été condamnée à payer à M. Lionel Y... par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Caen du 2 mars 1993 est portée à vingt mille francs (20 000 F) tous intérêts compris au jour du présent arrêt.
Article 2 - Les frais d'expertise ordonnée en première instance sont mis à la charge de la commune de Saint-Martin-aux-Chartrains à hauteur de 50 % et à la charge des époux André Y... à hauteur de 50 %.
Article 3 - Le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 2 mars 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 - Le surplus des conclusions présentées par M. Lionel Y... et les conclusions présentées par M. et Mme André Y... et par Mme Lionel Y... sont rejetés.
Article 5 - Le surplus du recours incident de la commune de Saint-Martin-aux-Chartrains est rejeté.
Article 6 - Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Lionel Y..., à M. et Mme André Y... et à la commune de Saint-Martin-aux-Chartrains.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 93NT00501
Date de la décision : 23/11/1995
Type d'affaire : Administrative

Analyses

67-03-03-03 TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CAUSES PAR L'EXISTENCE OU LE FONCTIONNEMENT D'OUVRAGES PUBLICS - CONDITIONS DE FONCTIONNEMENT DE L'OUVRAGE


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R217, L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Coënt-Bochard
Rapporteur public ?: M. Isaia

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1995-11-23;93nt00501 ?
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