Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 15 novembre 1993 présentée par le MINISTRE DU BUDGET ;
Le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 88530-88812-881163-91363 en date du 6 juillet 1993 par lequel le tribunal administratif de Caen a déchargé la société Coval de la fraction de la taxe professionnelle établie au titre des années 1986, 1987 et 1989 et correspondant à l'exclusion de la base imposable du montant de la valeur locative des bacs à lait donnés en location à des exploitants agricoles ;
2 ) de rétablir la société Coval au rôle de la taxe professionnelle exigible au titre des années 1986, 1987 et 1989 ; Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 octobre 1995 :
- le rapport de Mme Coënt-Bochard, conseiller,
- et les conclusions de M. Isaïa, commissaire du gouvernement,
Considérant qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts : "la taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée" ; que selon l'article 1450 du même code : "les exploitants agricoles ... sont exonérés de la taxe professionnelle" ; que l'article 1467 dudit code dispose : "la taxe professionnelle a pour base : a) la valeur locative telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518A et 1518B des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle ..." ; qu'en application de l'article 1469 du même code : "la valeur locative est déterminée comme suit ... 3 ) ... les biens donnés en location sont imposés au nom du propriétaire lorsque la période de location est inférieure à six mois ; il en est de même si le locataire n'est pas passible de la taxe professionnelle ou n'a pas la disposition exclusive des biens loués" ;
Considérant que, par les dispositions précitées de l'article 1469-3 , le législateur a entendu déterminer le redevable de la taxe, dans le cas des locataires de biens, et non dispenser d'impôt certains d'entre eux ; que, par suite, en tant qu'il se réfère aux personnes "passibles" de la taxe professionnelle, l'article 1469-3 doit être interprété comme visant les contribuables effectivement soumis à la taxe ; que dans ces conditions, lorsqu'une entreprise assujettie à la taxe professionnelle donne des biens en location à des exploitants agricoles, lesquels ne sont pas soumis à cette taxe, ces biens sont compris dans les bases d'imposition de cette entreprise ; que la circonstance à la supposer établie, que le terme "passible" figurant à l'article 1469-3 du code général des impôt aurait une signification différente de celle donnée au même terme figurant à l'article 1469-1 est par elle-même sans incidence sur cette signification ; que si les bacs à lait dont est propriétaire la société Coval sont soumis à la taxe professionnelle alors que tel ne serait pas le cas de bacs dont les agriculteurs seraient propriétaires, cette circonstance n'est pas de nature à faire méconnaître le principe d'égalité devant l'impôt, les intéressés étant dans des situations de droit différentes ; qu'enfin la circonstance que la société Coval répercute sur les exploitants agricoles locataires de ses bacs à lait le coût induit par le paiement de la taxe professionnelle est sans incidence sur le principe d'exonération des agriculteurs de ladite taxe prévue à l'article 1450 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a considéré que l'administration n'était pas en droit, en se fondant sur les dispositions combinées des articles précitées du code général des impôts, d'inclure la valeur locative des bacs à lait dans les bases d'imposition de la société Coval ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Coval tant devant la cour que devant le tribunal administratif ;
Considérant que l'instruction du 14 mars 1985 relative à la mise à la disposition des agriculteurs de bacs de réfrigération pour le stockage du lait, applicable à l'année d'imposition contestée, n'a pas eu pour effet de tracer d'autres règles que celles précitées et découlant des dispositions combinées des articles 1447, 1450, 1467 et 1469-3 du code général des impôts ; que cette instruction s'est nécessairement substituée, sur ce terrain, à l'instruction du 20 mai 1976 dont, par voie de conséquence, la société ne peut se prévaloir utilement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a accordé à la société Coval une réduction de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1986, 1987 et 1989 ;
Article 1er - Le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 6 juillet 1993 est annulé.
Article 2 - La société Coval est rétablie aux rôles de la taxe professionnelle exigible au titre des années 1986, 1987 et 1989 à raison de l'intégralité des impositions qui lui ont été initialement assignées.
Article 3 - Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES et à la société Coval.