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08/02/1995 | FRANCE | N°92NT01097;93NT00013

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 08 février 1995, 92NT01097 et 93NT00013


VU I) sous le n 92NT01097 la requête, enregistrée au greffe de la cour le 21 décembre 1992, présentée pour ELECTRICITE DE FRANCE - GAZ DE FRANCE, dont le siège social est situé ..., par la SCP Cornet - Vincent - Bouchet - Doucet - Pittard - Martin, avocat ;
ELECTRICITE DE FRANCE - GAZ DE FRANCE demande à la cour d'annuler le jugement n 892110 en date du 4 novembre 1992 en tant que le tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser à M. X... une indemnité de 202 414,62 F correspondant aux frais d'étaiement et de destruction d'un immeuble sis ..., endommagé le 24 juin 19

87 par une explosion de gaz, et de limiter l'indemnité due à M. ...

VU I) sous le n 92NT01097 la requête, enregistrée au greffe de la cour le 21 décembre 1992, présentée pour ELECTRICITE DE FRANCE - GAZ DE FRANCE, dont le siège social est situé ..., par la SCP Cornet - Vincent - Bouchet - Doucet - Pittard - Martin, avocat ;
ELECTRICITE DE FRANCE - GAZ DE FRANCE demande à la cour d'annuler le jugement n 892110 en date du 4 novembre 1992 en tant que le tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser à M. X... une indemnité de 202 414,62 F correspondant aux frais d'étaiement et de destruction d'un immeuble sis ..., endommagé le 24 juin 1987 par une explosion de gaz, et de limiter l'indemnité due à M. X... au titre de ce préjudice à 102 207,31 F ;

VU II) sous le n 93NT00013 la requête, enregistrée le 8 janvier 1993 au greffe de la cour, présentée pour M. X..., demeurant ..., par la SCP Bergot et Bazire, avocat ;
M. X... demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes n 892110 en date du 4 novembre 1992 en tant qu'il a limité l'indemnité mise à la charge d'Electricité de France - Gaz de France à la somme de 553 988,94 F, et de condamner Electricité de France - Gaz de France à lui verser au titre de la valeur vénale de l'immeuble une indemnité de 350 000 F, indexée sur l'indice INSEE du coût de la vie, basé au 20 octobre 1988, de 40 000 F au titre de son préjudice moral, une indemnité mensuelle de 1 325 F correspondant à la perte des loyers subie du 24 juin 1987 jusqu'au paiement par Electricité de France - Gaz de France de la totalité de l'indemnité due, ainsi qu'une indemnité de 10 000 F en application des dispositions de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 janvier 1995 :
- le rapport de Mme LACKMANN, président rapporteur,
- les observations de Me Y..., se subsituant à la SCP Cornet - Vincent - Bouchet - Doucet - Pittard - Martin, avocat d'ELEC- TRICITE DE FRANCE - GAZ DE FRANCE,
- les observations de Me Bazire, avocat de M. X...,
- et les conclusions de M. CHAMARD, commissaire du gouvernement,

Considérant que les requêtes n 92NT01097 et n 93NT00013 sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur les conclusions d'ELECTRICITE DE FRANCE - GAZ DE FRANCE :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'immeuble sis ... a été détruit par une explosion de gaz dans la nuit du 23 au 24 juin 1987 ; que l'immeuble voisin, appartenant à M. X..., a été de ce fait gravement endommagé ;
Considérant qu'ELECTRICITE DE FRANCE - GAZ DE FRANCE ne conteste pas que sa responsabilité soit engagée vis-à-vis de M. X..., tiers par rapport à l'ouvrage à l'origine du dommage, et se borne à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à lui verser une indemnité de 202 414,62 F au titre des travaux d'étaiement et démolition de l'immeuble ;
Considérant que, par deux arrêtés des 20 juillet 1987 et 22 octobre 1987, le maire de Brest, en application des dispositions des articles L.511-1 à L.511-4 du code de la construction et de l'habitation, a enjoint à M. X... d'une part d'étayer son mur mitoyen avec le n 7 de la rue et, d'autre part, de procéder à la destruction de son immeuble dans un délai de quatre mois ; que les travaux d'étaiement et de démolition ayant été exécutés par la ville, M. X... s'est vu notifier deux états exécutoires mettant à sa charge 152 401 F et 50 013,63 F au titre desdits travaux ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que M. X... a effectivement supporté la charge de ces travaux ; qu'ELECTRICITE DE FRANCE - GAZ DE FRANCE ne saurait, pour contester le montant de l'indemnité mise à sa charge, exciper à l'encontre de M. X... du fait que la ville de Brest n'aurait pas procédé à un appel d'offres pour exécuter ces travaux et que de ce fait le montant des frais supportés au titre de l'étaiement et de la démolition serait excessif par rapport à la valeur vénale de l'immeuble ;
Considérant dès lors qu'ELECTRICITE DE FRANCE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser à M. X... une indemnité de 202 414,62 F ;
Sur les conclusions de M. X... :
En ce qui concerne la valeur vénale de l'immeuble et les pertes de revenus locatifs :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le tribunal administratif n'a pas fait une insuffisante appréciation de la valeur vénale de l'immeuble en la fixant à 300 000 F ; que, contrairement à ce que soutient M. X..., l'évaluation des dommages qu'il a subis doit être faite à la date où, leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il était possible de procéder à l'édification d'un nouveau bâtiment, sauf à l'intéressé à faire la preuve qu'en raison de circonstances particulières il y a lieu d'évaluer, comme il le demande, le montant du préjudice subi non au 3 novembre 1988, date du dépôt du rapport de l'expert devant le tribunal, mais à la date du présent arrêt ; que, contrairement à ce qu'il soutient, ELECTRICITE DE FRANCE - GAZ DE FRANCE lui a versé l'ensemble des indemnités dues, et notamment en janvier 1991 une provision de 400 000 F mise à sa charge par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rennes en date du 12 décembre 1990 ; que la circonstance que M. X... soit retraité et dispose de revenus limités n'est pas de nature, à elle-seule, à établir qu'il ait été dans l'impossibilité de procéder à la reconstruction de son immeuble à la fin de l'année 1988 ;
Considérant, d'autre part, que le tribunal n'a pas, en tout état de cause, fait une évaluation insuffisante de l'indemnité due en raison de la perte de revenus locatifs en l'évaluant à 38 425 F ; qu'il n'y a pas lieu, pour les motifs exposés ci- dessus, de procéder à l'actualisation de cette indemnité ;
En ce qui concerne le préjudice moral :
Considérant que M. X... n'établit pas que le tribunal ait fait une évaluation insuffisante de son préjudice moral subi en raison de la perte de ce bien de famille, que d'ailleurs il n'occupait pas, en fixant l'indemnité due à ce titre à 5 000 F ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a limité l'indemnité totale mise à la charge d'ELECTRICITE DE FRANCE - GAZ DE FRANCE à la somme de 553 988,94 F ;
Sur les intérêts :
Considérant qu'en cas de manquement par un débiteur à une obligation de payer, la réparation des conséquences du retard du paiement est régie par les dispositions de l'article 1153 du code civil selon lequel "dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal ... Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages- intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance" ;
Considérant, d'une part, que M. X... a droit aux intérêts de la somme de 553 988,94 F à compter du 10 novembre 1989, date de l'enregistrement de sa demande au fond devant le tribunal et non, comme il le soutient, à compter du 16 mars 1988, date de sa demande en référé tendant à la nomination d'un expert ; que les intérêts afférents à la somme de 400 000 F sont dûs jusqu'à la date de versement de la provision mise à la charge d'ELECTRICITE DE FRANCE - GAZ DE FRANCE et, pour le solde de 153 988,94 F, jusqu'au 11 mai 1993 ;

Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en l'espèce le comportement d'ELECTRICITE DE FRANCE - GAZ DE FRANCE soit constitutif d'un mauvais vouloir caractérisé susceptible de justifier l'allocation de dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires ; qu'au surplus, M. X... n'établit pas avoir subi, du fait du retard de paiement incriminé, un préjudice indépendant de ce retard ; que, dès lors, les conclusions de M. X... tendant à la condamnation d'ELECTRICITE DE FRANCE - GAZ DE FRANCE à lui verser 40 000 F de dommages-intérêts doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'ELECTRICITE DE FRANCE - GAZ DE FRANCE et M. X..., alors même que ce dernier obtient le bénéfice d'intérêts moratoires, succombent dans la présente instance ; que leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions précitées doivent être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la ville de Brest tendant également à l'application de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er - La requête n 92NT01097 d'ELECTRICITE DE FRANCE - GAZ DE FRANCE est rejetée.
Article 2 - ELECTRICITE DE FRANCE - GAZ DE FRANCE est condamné à verser à M. X... les intérêts afférents à l'indemnité de cinq cent cinquante trois mille neuf cent quatre vingt huit francs quatre vingt quatorze centimes (553 988,94 F) à compter du 10 novembre 1989 jusqu'à la date de versement de la provision mise à sa charge par l'ordonnance du 14 décembre 1990 pour la somme de quatre cent mille francs (400 000 F) et jusqu'au 11 mai 1993 pour la somme de cent cinquante trois mille neuf cent quatre vingt huit francs quatre vingt quatorze centimes (153 988,94 F).
Article 3 - Le surplus des conclusions de la requête n 93NT00013 de M. X... ainsi que les conclusions d'ELECTRICITE DE FRANCE - GAZ DE FRANCE et de la ville de Brest tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetés.
Article 4 - Le présent arrêt sera notifié à ELECTRICITE DE FRANCE - GAZ DE FRANCE, à M. X..., à la ville de Brest et au ministre de l'industrie, des postes et télécommunications et du commerce extérieur.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 92NT01097;93NT00013
Date de la décision : 08/02/1995
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - DATE D'EVALUATION.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - MODALITES DE LA REPARATION - INTERETS.

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - REGIME DE LA RESPONSABILITE - QUALITE DE TIERS.


Références :

Code civil 1153
Code de la construction et de l'habitation L511-1 à L511-4
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme LACKMANN
Rapporteur public ?: M. CHAMARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1995-02-08;92nt01097 ?
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