Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté en date du 27 mai 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui accorder un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et d'annuler l'arrêté du 31 août 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 2102319 du 10 septembre 2021, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Nancy a renvoyé les conclusions dirigées contre l'arrêté en date du 27 mai 2021 en tant qu'il refuse d'admettre M. B... au séjour à une formation collégiale de jugement et a annulé les décisions du 27 mai 2021 portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ainsi que l'arrêté en date du 31 août 2021 portant assignation à résidence.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 5 octobre 2021 et le 5 avril 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 10 septembre 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nancy.
Il soutient que la juge de première instance a commis une erreur d'appréciation en considérant que sa décision était entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....
Par un mémoire en défense enregistré le 31 mars 2022, M. A... B..., représenté par Me Jeannot, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement du 10 septembre 2021, à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et à ce qu'une somme de 1 800 euros soit mise à la charge du préfet de Meurthe-et-Moselle sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 3 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,
- et les observations de Me Jeannot, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... né le 1er janvier 2002 au Mali, est entré sur le territoire français selon ses déclarations le 30 juillet 2018 et a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance par jugement du 3 octobre 2018. Le 17 juillet 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Le 31 décembre 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a demandé de bien vouloir transmettre à l'appui de sa demande des documents établissant sa nationalité et son identité. M. B... a présenté le 8 janvier 2020 une carte d'identité malienne, un extrait d'acte de naissance et un acte de naissance qui ont été considérés comme frauduleux par la police aux frontières. Le centre de coopération policière et douanière espagnol a indiqué que les empreintes correspondaient à un ressortissant ivoirien né le 1er janvier 1997. Un nouveau rapport d'expertise documentaire du 21 avril 2021 a conclu au caractère frauduleux des nouveaux documents d'état civil produits le 7 avril 2021. Par un arrêté du 27 mai 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. Le 30 août 2021, il a été interpellé par les services de la police aux frontières de Villers-lès-Nancy et placé en garde-à-vue dans le cadre d'une affaire de faux documents. Par un arrêté en date du 31 août 2021, le préfet l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement n° 2102319 du 23 novembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté les conclusions à fin d'annulation de M. B... dirigées contre le refus de titre de séjour du 27 mai 2021. Par la présente requête, le préfet de Meurthe-et-Moselle fait appel du jugement du 10 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé les décisions du 27 mai 2021 portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ainsi que l'arrêté en date du 31 août 2021 portant assignation à résidence.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B... est célibataire et sans enfant, ne justifie d'aucun lien privé ou familial en France même s'il se prévaut d'une relation avec une ressortissante française, ni d'aucune insertion sociale particulière même s'il a obtenu son CAP en juillet 2021 et qu'il dispose d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée, qu'il ne démontre pas être dépourvu d'attache dans son pays d'origine où résideraient toujours sa mère et sa fratrie et qu'il n'apporte aucune précision sur l'ancienneté, l'intensité et la stabilité de la relation sentimentale qu'il a déclaré avoir engagée. En outre, la circonstance que son contrat de jeune majeur ait été reconduit est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors que M. B... n'a pas été en mesure d'établir son identité et sa nationalité, comme cela résulte notamment du jugement du 23 novembre 2021 du tribunal administratif de Nancy devenu définitif. Par suite, le préfet de Meurthe-et-Moselle est fondé à demander l'annulation du jugement du 10 septembre 2021.
3. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Nancy et dirigées contre les décisions du 27 mai 2021 portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ainsi que l'arrêté en date du 31 août 2021 portant assignation à résidence.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 27 mai 2021 portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, il résulte du jugement du 23 novembre 2021 du tribunal administratif de Nancy devenu définitif que le refus de titre de séjour du 27 mai 2021 est légal. Par suite, les moyens tirés de son illégalité ne peuvent être soulevés par la voie de l'exception à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
5. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que le préfet de Meurthe-et-Moselle ne s'est pas cru tenu d'assortir le refus de titre de séjour d'une mesure d'éloignement mais qu'il a prononcé cette dernière après avoir pris en considération l'ensemble des éléments relatifs à sa situation. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) " et aux termes de l'article R. 611-1 de ce même code, " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Toutefois, lorsque l'étranger est assigné à résidence aux fins d'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français ou placé ou maintenu en rétention administrative en application du titre IV du livre VII, l'avis est émis par un médecin de l'office et transmis sans délai au préfet territorialement compétent ".
7. M. B... soutient que la procédure d'édiction de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est entachée d'irrégularité, au regard des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute pour le préfet de Meurthe-et-Moselle d'avoir procédé à la saisine pour avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Toutefois, il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet à la date de sa décision, n'avait pas été saisi d'une demande de titre de séjour pour raisons de santé et que l'intéressé n'avait présenté aucun élément justifiant que sa situation soit examinée au regard de son état de santé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 611-3-9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence d'un avis du collège des médecins de l'OFII doit être écarté.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 2, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ni que sa décision aurait porté atteinte à sa vie privée et familiale.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 27 mai 2021 portant obligation de quitter le territoire français.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 31 août 2021 l'assignant à résidence :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
11. En deuxième lieu, si aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.
12. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
13. En l'espèce, il ressort du procès-verbal d'audition du 6 juillet 2021 à 10h05 que l'intéressé a été informé que l'autorité préfectorale était susceptible de prononcer à son encontre une mesure d'éloignement assortie d'une assignation à résidence, ce qui lui a été de nouveau indiqué lors de l'audition du 31 août 2021 à 14h40. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.
14. En troisième lieu, la décision contestée vise les dispositions légales, mentionne notamment les différentes procédures concernant la vérification de son identité et de sa nationalité, ainsi que ses deux demandes de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation est écarté comme manquant en fait.
15. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté comme dépourvu de précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, la mesure d'assignation ne l'empêche pas sur sa demande de se rendre aux audiences juridictionnelles auxquelles il serait convoqué.
16. En dernier lieu, la mesure est justifiée par l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet et par son absence aux convocations de la police aux frontières du 19 juillet 2021 et de la préfecture du 9 août 2021. En tout état de cause, cette mesure ayant pour objet de favoriser la mise en œuvre de la mesure d'éloignement, la circonstance qu'elle l'empêche de poursuivre sa scolarité et de travailler alors qu'il a vocation à quitter le territoire est sans incidence sur la légalité de l'assignation à résidence.
17. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 31 août 2021 l'assignant à résidence.
18. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Nancy ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2102319 du 10 septembre 2021 du tribunal administratif de Nancy est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nancy ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 25 mai 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- M. Rees, président-assesseur,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 juin 2022.
La rapporteure,
Signé : M. C...La présidente,
Signé : S. Vidal
La greffière,
Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 21NC02655