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09/06/2022 | FRANCE | N°21NC01403

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 09 juin 2022, 21NC01403


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2019 par lequel le président du conseil départemental de l'Aube a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre.

Par un jugement n° 1902194 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 14 mai et l

e 16 décembre 2021, Mme E..., représentée par Me Lombardi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2019 par lequel le président du conseil départemental de l'Aube a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre.

Par un jugement n° 1902194 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 14 mai et le 16 décembre 2021, Mme E..., représentée par Me Lombardi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 mars 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 22 juillet 2019 ;

3°) de mettre à la charge du département de l'Aube les dépens sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

4°) de mettre à la charge du département de l'Aube une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a fait une inexacte application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 puisque ses conditions de travail sont à l'origine de sa pathologie ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation dans la mesure où les constations médicales ne font pas obstacle à que sa pathologie soit reconnue imputable au service ;

- la décision en litige est entachée d'un défaut de motivation en fait et en droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2021, le président du conseil départemental de l'Aube, représenté par Me Marceau, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme E... une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen tiré du défaut de motivation n'est pas recevable puisqu'il ressort d'une cause juridique non ouverte en première instance ;

- les autres moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Geissmann, représentant le département de l'Aube.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., adjointe technique territoriale des établissements d'enseignement principal de 2ème classe, est employée par le département de l'Aube depuis le 1er août 2008 et affectée au collège d'Othe-et-Vanne à Aix-Villemaur-Palis. Elle a été placée en congé de maladie ordinaire du 29 novembre au 12 décembre 2018, puis, par des congés maladie successifs, du 15 décembre 2018 au 8 juillet 2019. Par un courrier du 14 décembre 2018, Mme E... a présenté une demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la pathologie ayant justifié son congé de maladie. Après un avis du 2 juillet 2019 de la commission de réforme, le président du conseil départemental de l'Aube a rejeté cette demande par un arrêté du 22 juillet 2019. Mme E... relève appel du jugement du 9 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 22 juillet 2019.

2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ".

3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

4. Mme E... qui a sollicité la reconnaissance de sa pathologie comme maladie professionnelle a été expertisée le 23 janvier 2019. Dans son rapport, l'expert, se fondant notamment sur le compte rendu de l'imagerie par résonnance magnétique (IRM) du 30 novembre 2018, considère que Mme E... souffre d'une tendinite simple avec une arthrose acromio-claviculaire et un bec sous acromial agressif. A l'aune de cette expertise, la commission de réforme a émis un avis défavorable en estimant que Mme E... ne souffre pas d'une maladie professionnelle reconnue dans l'annexe II tableau n° 57 du code de la sécurité sociale et qu'il existe une pathologie antérieure aggravée récemment mais dont le lien direct, certain et déterminant avec le service n'est pas démontré. Toutefois, il ressort d'une part du courrier du 2 janvier 2018 du Dr H..., chirurgien orthopédique, que la radiographie est normale et qu'il n'y a pas de calcification de la coiffe mais qu'il ressort en revanche de l'IRM que Mme E... souffre d'une tendinopathie non rompue. Cette analyse tend ainsi à établir que Mme E... souffre bien d'une tendinopathie non rompue non calcifiante correspondant à l'un des affections périarthiculaires reconnues dans l'annexe II tableau n° 57. Ce diagnostic est confirmé par le compte rendu opératoire du 28 mars 2019 réalisé par le même chirurgien et est partagé tant par le Dr F..., médecin de travail qui souligne que les constations anatomiques sur l'IRM ne remettent pas en cause l'origine professionnelle que par le Dr G..., chirurgien et successeur du Dr H.... Ce médecin atteste dans son courrier du 22 avril 2021, produit pour la première fois en appel, qu'" il ne s'agit en rien d'une pathologie arthrosique (...), ni d'une tendinopathie calcifiante [mais] d'une tendinopathie inflammatoire occasionnée par le frottement de l'acromion sur la coiffe lié à des mouvements répétés ". Si les courriers des Drs G... et F... sont certes postérieurs à l'arrêté en litige, ils permettent d'attester de faits existant à la date de cet arrêté. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme E..., après avoir travaillé pendant près de vingt ans comme cantinière, travaille depuis 2012 en qualité d'agent d'entretien. Dans le cadre de ces fonctions, elle a effectué des mouvements de bras et d'épaules répétitifs pour balayer et laver les sols, nettoyé les tableaux avec les bras en hauteur, porté des chaises et fait du repassage. Or, ces gestes sont de nature à justifier l'apparition de la pathologie dont souffre la requérante. Dans ces conditions, Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que le département de l'Aube a refusé de reconnaître sa pathologie comme étant imputable au service.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse une somme au département de l'Aube au titre de ces dispositions. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme de 1 500 euros à la charge du département de l'Aube en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Enfin, l'instance d'appel n'ayant pas donné lieu à des frais susceptibles d'être qualifiés de dépens, au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées par Mme E... et relatives aux dépens ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1902194 du 9 mars 2021 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et l'arrêté du 22 juillet 2019 par lequel le président du conseil départemental de l'Aube a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont Mme E... souffre sont annulés.

Article 2 : Le département de l'Aube versera la somme de 1 500 euros à Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme E... est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par le département de l'Aube sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... épouse E... et au département de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Stenger, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.

La rapporteure,

Signé : C. C...Le président,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au préfet de l'Aube en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

2

N° 21NC01403


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01403
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SARL CAZIN MARCEAU AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-09;21nc01403 ?
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