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18/05/2022 | FRANCE | N°21NC02394

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 18 mai 2022, 21NC02394


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 2 septembre 2020 par lequel le préfet de la Marne a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de ses enfants.

Par un jugement n° 2100529 du 22 juillet 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 2 septembre 2020 du préfet de la Marne et lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de regroupement familial présentée par Mme D... A... da

ns un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 2 septembre 2020 par lequel le préfet de la Marne a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de ses enfants.

Par un jugement n° 2100529 du 22 juillet 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 2 septembre 2020 du préfet de la Marne et lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de regroupement familial présentée par Mme D... A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 août 2021, le préfet de l'Aube demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 juillet 2021 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a annulé sa décision du 2 septembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande de Mme D... A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme D... A... la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il ne s'est pas mépris sur la demande de regroupement familial de Mme D... A... ;

- sa décision n'est donc pas entachée d'erreur d'appréciation.

Mme D... A..., à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... A..., ressortissante congolaise, est entrée en France le 28 mai 2016 et bénéficie d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Elle a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2020 par lequel le préfet de la Marne lui a refusé le bénéfice d'une admission exceptionnelle au séjour sur place au bénéfice de ses enfants. Le préfet de la Marne relève appel du jugement du 22 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté du 2 septembre 2020.

Sur la légalité de la décision du 2 septembre 2020 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-5 du même code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail . Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée aux articles L. 821-1 ou L. 821-2 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ou lorsqu'une personne âgée de plus de soixante-cinq ans et résidant régulièrement en France depuis au moins vingt-cinq ans demande le regroupement familial pour son conjoint et justifie d'une durée de mariage d'au moins dix ans .2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; 3° Le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. ".

3. Aux termes de l'article L. 411-6 dudit code : " Peut être exclu du regroupement familial : / (...) / 3° Un membre de la famille résidant en France ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une ou l'autre des conditions légalement requises notamment, comme en l'espèce, en cas de présence des enfants sur le territoire français, bénéficiaires de la demande. Le préfet dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par les dispositions précitées.

4. Il ressort des pièces du dossier que la requérante a sollicité auprès des services préfectoraux le 27 janvier 2020 le bénéfice du regroupement familial sur place au profit de ses trois enfants nés en 2002, 2005 et 2010. Pour refuser sa demande, le préfet de la Marne, après avoir visé l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige, et relatif à la procédure de regroupement familial s'est fondé sur la circonstance que les revenus mensuels moyens de la requérante d'un montant de 710 euros étaient inférieurs au salaire minimum interprofessionnel de croissance qui est fixé à 1 829,10 euros pour une famille comparable. Dans ces conditions, et malgré l'utilisation maladroite de l'expression du " refus d'admission exceptionnelle au séjour " mentionné dans le dispositif de la décision attaquée, il ressort des termes de cette dernière que la demande de la requérante a bien été examinée comme une demande de regroupement familial et que le préfet de la Marne ne s'est pas mépris sur la portée de la demande de Mme D... A.... C'est donc à tort que les premiers juges ont considéré que le préfet avait commis une erreur de droit en se méprenant sur l'objet de la demande dont il était saisi.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que pour annuler la décision portant refus de regroupement familial, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a retenu ce moyen tiré de l'erreur de droit.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... A....

En ce qui concerne les autres moyens :

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que la requérante est entrée en France le 28 mai 2016 accompagnée de ses enfants. Ses trois fils nés en 2002, 2005 et 2010 pour lesquels la requérante a demandé le bénéfice du regroupement familial sur place étaient alors âgés respectivement de 14, 11 et 6 ans. La requérante bénéficie depuis le 16 mai 2017 d'un titre de séjour en sa qualité de parent d'enfant français. Son enfant, B..., né le 5 septembre 2016 en France, souffre de plusieurs handicaps qui nécessitent le suivi d'une équipe pluridisciplinaire et une attention particulière de la part de sa mère ce qui expliquerait son activité professionnelle à temps partiel. Son taux d'incapacité est évalué entre 50 et 80 % selon la décision de la MDPH produite par la requérante. Il ressort des pièces du dossier que la fille aînée de la requérante, qui vit dans le même logement que la famille, aide financièrement celle-ci grâce à ses salaires perçus en qualité d'employé de service hospitalier et des nombreuses fiches de salaire sont produites. Enfin, les enfants pour lesquels le regroupement familial a été sollicité sont bien intégrés, comme le démontrent les certificats de scolarité produits. Ainsi, au regard de la durée et des conditions de séjour en France des enfants de E... A..., la décision de refus de regroupement familial sur place a, dans les circonstances très particulières de l'espèce, porté au respect de la vie privée et familiale des enfants de F... D... A... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et doit être annulée pour ce motif.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que le préfet de la Marne n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé sa décision du 2 septembre 2020. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de la Marne est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère

- Mme Picque, première conseillère

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2022.

La rapporteure,

Signé : S. Roussaux

La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

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N° 21NC02394


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 18/05/2022
Date de l'import : 24/05/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21NC02394
Numéro NOR : CETATEXT000045819441 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-05-18;21nc02394 ?
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