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31/12/2021 | FRANCE | N°19NC02847

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 31 décembre 2021, 19NC02847


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Foncière Austerlitz a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 pour un montant de 34 474 euros.

Le jugement de l'affaire a été attribué au tribunal administratif de Nancy par une ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat du 26 mars 2019.

Par un jugement n° 16255

35 du 26 juillet 2019, le tribunal administratif de Nancy n'a que partiellement fait droit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Foncière Austerlitz a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 pour un montant de 34 474 euros.

Le jugement de l'affaire a été attribué au tribunal administratif de Nancy par une ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat du 26 mars 2019.

Par un jugement n° 1625535 du 26 juillet 2019, le tribunal administratif de Nancy n'a que partiellement fait droit à la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 19 septembre 2019 et le 18 janvier 2021, la SARL Foncière Austerlitz, représentée par Me Richert, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 juillet 2019 en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne les avoirs établis au profit de la société Foncière de la Durance :

- elle n'a jamais invoqué l'erreur comptable retenue par les premiers juges mais une erreur de facturation ; or, le tribunal a considéré que seule la correction d'une erreur comptable aurait été de nature à écarter le grief d'acte anormal de gestion ;

- rien ne s'opposait à ce qu'elle établisse les avoirs en litige dès lors que l'administration, qui reconnaît que les factures en litige ne concernent pas des prestations effectuées au bénéfice de la société Foncière de la Durance mais au profit de ses filiales, les sociétés civiles Le Dôme et l'Olivier, n'a pas remis en cause sa bonne foi ni celle de la société Foncière de la Durance ; la question de son intérêt ne se pose pas en présence d'une erreur de facturation ; son abstention d'établir de tels avoirs aurait été anormale en raison de la communauté de dirigeant et d'associés qui exposait le premier au grief d'abus de bien social ;

- l'administration et les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant qu'elle avait commis un acte anormal de gestion en comptabilisant des avoirs destinés à annuler les factures émises à tort à la société Foncière de la Durance ; les avoirs en litige ne sont que la conséquence du redressement ayant concerné la société Foncière de la Durance ; il lui appartenait d'annuler les factures initiales en prenant des avoirs et d'établir de nouvelles factures à l'attention des sociétés Le Dôme et L'Olivier ; le seul grief que l'administration fiscale pouvait lui adresser était celui de ne pas avoir établi de nouvelles factures aux deux sociétés précitées ;

En ce qui concerne la taxe locale d'équipement :

- les dispositions de l'article 302 septies B du code général des impôts, invoquées par l'administration ne lui sont pas applicables dès lors qu'elle n'est ni le constructeur ni la redevable légale de la taxe locale d'équipement ;

- elle a été imposée sur les bénéfices réalisés par la société Les Villas Longchamps, à raison de sa quote-part dans les résultats sociaux de cette société, de sorte que la prise en charge de la taxe locale d'équipement, qui n'est pas contraire à son intérêt, est conforme aux dispositions du 4° du 1 de l'article 39. La taxe ayant été établie à son nom et payée par elle, elle est bien fondée à la déduire, en l'absence de disposition prévoyant l'interdiction de déduction de cette taxe, contrairement à d'autres taxes ;

- la position adoptée par le service est constitutive d'une discrimination pour les entreprises qui acquittent la taxe locale d'équipement pour un immeuble dont elles ne sont pas propriétaires et qui ne peuvent la déduire de leurs résultats imposables alors que les entreprises propriétaires peuvent la déduire ; cette discrimination est contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Foncière Austerlitz ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stenger,

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) Foncière Austerlitz, dont M. A... est le gérant, exerce une activité d'acquisition et de construction d'immeubles en vue de leur revente. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juin 2010 au 31 mai 2013, étendue au 31 décembre 2013 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Par une proposition de rectification du 5 novembre 2014, établie selon la procédure de rectification contradictoire, le service lui a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2011, pour un montant total de 34 474 euros en droits et pénalités, résultant de la remise en cause d'une part, de la déduction de son résultat imposable des avoirs émis le 11 juin 2011, pour un montant total de 75 000 euros, au profit de la SARL Société Foncière de la Durance, qui exerce également une activité de marchand de biens et dont le gérant est également M. A... et d'autre part, de la déduction de la taxe locale d'équipement acquittée pour l'achat de l'ensemble immobilier construit par la société civile immobilière (SCI) Les Villas Longchamps. Sa réclamation préalable a fait l'objet d'une décision de rejet de l'administration le 22 septembre 2016. La SARL Foncière Austerlitz relève appel du jugement du 26 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy n'a pas entièrement fait droit à sa demande de décharge de ces impositions et pénalités.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne les deux avoirs consentis à la société Foncière de la Durance :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ". Aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ".

3. Il résulte des dispositions combinées des articles 38 et 39 du code général des impôts, applicables en matière d'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l'article 209 du même code, que, d'une part, le bénéfice net est établi sous déduction des charges supportées dans l'intérêt de l'entreprise. C'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise que l'administration doit apprécier si les opérations litigieuses correspondent à des actes relevant d'une gestion commerciale normale. D'autre part, les charges doivent être déduites des résultats de l'exercice au cours duquel elles peuvent être considérées comme engagées par l'existence d'une dette certaine dans son principe et dans son montant.

4. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. Par ailleurs, pour l'application de ces dispositions il appartient au contribuable de justifier l'inscription d'une dette au passif du bilan de son entreprise.

5. Il résulte de l'instruction que lors de la vérification de comptabilité de la société Foncière de la Durance, le service a remis en cause, sans être contesté sur ce point, deux factures des 1er juin 2008 et 2009, émises par la SARL Foncière Austerlitz, au motif que ces factures concernaient en réalité des prestations réalisées au seul bénéfice des SCI Le Dôme et L'Olivier, toutes deux détenues à part égales par la société requérante et la société Foncière de la Durance. Or, à la suite de la vérification de comptabilité de la SARL Foncière Austerlitz, le vérificateur a constaté, dans la proposition de rectification du 5 novembre 2014, que la société requérante avait comptabilisé, le 1er juin 2011, deux avoirs au débit du compte de produits 706000 " Prestations de services " pour des montants de 35 000 euros et 40 000 euros au profit de la société Foncière de la Durance, correspondant à l'annulation des deux factures précitées. L'administration a également relevé que la société requérante n'avait pas refacturé les prestations de service en litige aux SCI Le Dôme et L'Olivier et que l'émission de ces avoirs lui avait permis de diminuer son résultat fiscal en supportant des charges incombant en réalité à d'autres sociétés que la société Foncière de la Durance sans en retirer de contrepartie. Au vu de ces éléments, le service a estimé que la société Foncière Austerlitz avait commis un acte anormal de gestion et que les sommes correspondantes devaient être réintégrées dans son bénéfice imposable.

6. Si la société requérante fait valoir que les avoirs en litige ont régulièrement permis la correction d'une erreur de facturation, elle n'en justifie pas alors qu'il est constant qu'elle n'a pas facturé les prestations de service en litige aux SCI Le Dôme et L'Olivier, et que la société Foncière de la Durance, pour le compte de laquelle les factures originelles des 1er juin 2008 et 2009 avaient été émises, n'a pas davantage refacturé ces prestations auxdites sociétés civiles. Dès lors, en l'absence de tout justificatif de l'existence d'une contrepartie pour la société Foncière Austerlitz, et alors que la société Foncière de la Durance, dont la gérance est également assurée par M. A..., n'a pas contesté que les prestations de service en litige avaient été réalisées au bénéfice des SCI précitées, l'administration a pu à bon droit estimer que la comptabilisation de ces avoirs ne relevait pas d'une gestion commerciale normale et réintégrer dans les bénéfices imposables de la société requérante les sommes litigieuses de 35 000 euros et 40 000 euros au titre de l'exercice clos en 2011.

7. En second lieu, si la société requérante soutient qu'elle avait indiqué dans ses écritures de première instance que les avoirs litigieux résultaient de la correction d'une erreur de facturation et non pas d'une " erreur comptable ", cette mention dans le jugement attaqué, dont on comprend d'ailleurs à la lecture des développements précédents qu'elle vise une erreur de facturation, est sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit c'est à bon droit que l'administration a procédé à la réintégration des sommes en litige dans les bénéfices imposables de la société Foncière Austerlitz au titre de l'exercice clos en 2011.

En ce qui concerne la taxe locale d'équipement :

8. En premier lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 4° Sous réserve des dispositions de l'article 153, les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice, à l'exception des taxes prévues aux articles 238 quater et 990 G et, pour les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à des opérations au titre desquelles la taxe due peut être totalement ou partiellement déduite par le redevable lui-même, du montant de la taxe déductible. (...) " L'article 302 septies B du même code précise toutefois que : " (...) II. Constituent du point de vue fiscal, un élément du prix de revient de l'ensemble immobilier : a. la taxe locale d'équipement visée à l'article 1585 A ".

9. Il résulte de l'instruction que la société Foncière Austerlitz s'est acquittée de la taxe locale d'équipement relative à un programme immobilier sis à Plobsheim, en lieu et place de la SCI " Les Villas Longchamps ", constructeur de l'opération, et donc seul débiteur légal de cette contribution fiscale. Il n'est pas allégué que cette imposition aurait été mise à sa charge de la société requérante en vertu de clauses contractuelles. La société requérante ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article 39 du code général des impôts dès lors qu'elle n'était pas la redevable légale de la taxe en litige qui constitue, en application de l'article 302 septies B du code général des impôts, un élément du prix de revient de l'ensemble immobilier et n'est dès lors pas déductible du résultat fiscal de la société requérante. La circonstance que cette dernière était titulaire de l'autorisation de construire avant qu'elle ne la transfère à la SCI " Les Villas Longchamps " dont elle détient 50 % du capital social ne fait pas obstacle à l'application de l'article 302 septies B. Par suite, c'est à bon droit, en application des dispositions combinées des articles 39 et 302 septies B précités, que le service a remis en cause la déduction de la taxe locale d'équipement acquittée par la société requérante pour l'achat de l'ensemble immobilier construit par la SCI Les Villas Longchamps.

10. En second lieu, aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus par la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens de ces stipulations, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi.

11. Il résulte des termes mêmes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le principe de non-discrimination qu'il édicte ne concerne que la jouissance des droits et libertés reconnus par ladite convention et par les protocoles additionnels à celle-ci. Par suite, la société requérante, qui ne se prévaut d'aucun autre droit ou liberté reconnu par la convention, dont la jouissance aurait été affectée par la discrimination alléguée, ne saurait utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 14 de cette convention, qui n'est pas autonome.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Foncière Austerlitz n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Foncière Austerlitz est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à la SARL Foncière Austerlitz et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

4

N° 19NC02847


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02847
Date de la décision : 31/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-01-04-09 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net. - Charges diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-12-31;19nc02847 ?
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