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29/12/2021 | FRANCE | N°21NC01135

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 29 décembre 2021, 21NC01135


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2100003 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2021, M. B..., représenté par Me Roussel, demande à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2100003 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2021, M. B..., représenté par Me Roussel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100003 du tribunal administratif de Strasbourg du 11 mars 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 2 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour en application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, le cas échéant, une carte de résident, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de délivrer, durant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une incompétence de l'auteur de l'acte et d'une incompétence territoriale ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant fixation du pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2021, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est un ressortissant albanais, né le 23 juin 1998. Il a déclaré être entré en France, le 15 octobre 2015, accompagné de ses parents et de sa sœur. Examinée dans le cadre de la procédure accélérée, sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 mars 2016. En conséquence de ce refus, il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 2 août 2016, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 1604880 du tribunal administratif de Strasbourg du 1er décembre 2016. L'intéressé n'ayant pas déféré à cette mesure d'éloignement, il a sollicité, le 1er octobre 2020, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, par un arrêté du 2 décembre 2020, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement n° 2100003 du 11 mars 2021, qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'une incompétence territoriale n'est pas assortie de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Il ne peut, par suite, qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision en litige a été signée, " pour le préfet et par délégation ", par M. Jean-Claude Geney, secrétaire général de la préfecture du Haut-Rhin. Or, par un arrêté du 24 août 2020, le préfet du Haut-Rhin a donné délégation à l'intéressé à l'effet de signer notamment, en toutes matières, les arrêtés ou les décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département du Haut-Rhin, à l'exception " des actes pour lesquels une délégation a été donnée à un chef de service de l'Etat dans le département, des mesures générales concernant la défense nationale et la défense interne du territoire, ainsi que des réquisitions de la force armée, des arrêtés de conflit ". Il n'est pas établi, ni même allégué, que la signature de la décision en litige aurait été déléguée à un chef de service de l'Etat dans le département. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'autorité signataire de cette décision manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

4. En troisième lieu, la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est arrivé sur le territoire français le 15 octobre 2015, à l'âge de dix-sept ans. Il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, le 2 août 2016, à laquelle il n'a pas déféré. Inscrit en dernier lieu au lycée des métiers de l'automobile, du transport et de la logistique " Ettore Bugatti " d'Illzach en vue de l'obtention d'un baccalauréat professionnel en " maintenance des véhicules ", le requérant n'a pas achevé son cursus scolaire et n'a donc pas obtenu son diplôme. Il n'est pas isolé dans son pays d'origine, où vivent notamment ses parents, sa sœur et son frère. S'il se prévaut de son adoption par un ressortissant français, qui a été homologuée par un jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 14 février 2020 au motif que les pièces du dossier attestaient de " l'existence d'une relation affective de nature filiale entre l'adoptant et l'adopté ", il est constant que le juge n'a prononcé qu'une adoption simple, qui ne rompt pas les liens de filiation avec la famille biologique. M. A... produit également plusieurs attestations et photographies, qui permettent d'établir la réalité de son concubinage avec une ressortissante française. Toutefois, si les intéressés font valoir qu'ils vivent ensemble depuis le 27 janvier 2019 et qu'ils ont souscrit un pacte civil de solidarité le 28 janvier 2021, il n'est pas contesté qu'aucun enfant n'est issu de cette relation et que la communauté de vie, qui remonterait au plus tôt au 7 janvier 2020 d'après les factures de téléphone produites, n'était pas suffisamment ancienne et stable à la date de la décision en litige du 2 novembre 2020. Les circonstances que le requérant maîtrise le français, qu'il est bien intégré dans la société française, qu'il est considéré comme un membre de la famille par les parents et les grands-parents de sa compagne, qu'il est bénévole au sein d'une association et qu'il est susceptible d'occuper un emploi d'aide-couvreur au sein de l'entreprise de son père adoptif ne suffisent pas à lui conférer un droit au séjour en France. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En cinquième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".

8. Eu égard aux circonstances qui ont été analysées au point 6 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'admission au séjour de M. A... ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait au regard de motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " I- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...). ".

11. La décision portant refus de délivrance à M. A... d'un titre de séjour étant suffisamment motivée, ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, la décision en litige n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée ne peut être accueilli.

12. En troisième et dernier lieu, M. A... ne saurait utilement invoquer, pour contester la mesure d'éloignement dont il fait l'objet, une méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui concernent la délivrance de titres de séjour. Par suite, ces moyens doivent être écartés comme inopérants.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

13. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

14. En se bornant à faire valoir que l'Albanie est un pays " encore plongé dans une situation d'instabilité politique, gangréné par la corruption et le crime organisé ", le requérant n'établit pas qu'il serait exposé, en cas de retour dans son pays d'origine, à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par le second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite et alors que, au demeurant, la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 mars 2016, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et des dispositions en cause ne peut être accueilli.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 2 décembre 2020 et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

N° 21NC01135 5


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : ROUSSEL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 29/12/2021
Date de l'import : 04/01/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21NC01135
Numéro NOR : CETATEXT000044806102 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-12-29;21nc01135 ?
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