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29/12/2021 | FRANCE | N°19NC02390

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 29 décembre 2021, 19NC02390


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Vermilion Louise SAS a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la liquidation provisoire, à son bénéfice exclusif, de l'astreinte prononcée par le jugement n° 1202143 de ce tribunal du 20 mai 2014 au titre de la période courant à compter du 27 juin 2014 et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800345 du 28 mai 2019, le tribunal administ

ratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Vermilion Louise SAS a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la liquidation provisoire, à son bénéfice exclusif, de l'astreinte prononcée par le jugement n° 1202143 de ce tribunal du 20 mai 2014 au titre de la période courant à compter du 27 juin 2014 et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800345 du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juillet 2019, sous le n° 19NC02390, et un mémoire enregistré le 12 août 2021, la société Vermilion Louise SAS, représentée par le cabinet King et Spalding, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 28 mai 2019 ;

2°) de procéder à la liquidation provisoire à son bénéfice exclusif de l'astreinte prononcée par le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 1202143 du 20 mai 2014, au titre de la période comprise entre le 27 juin 2014 et la date de l'arrêt de la cour procédant à cette liquidation provisoire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation ;

- le tribunal a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en jugeant qu'elle avait renoncé, à compter du 25 septembre 2015, à la demande de mutation ainsi qu'à l'exécution de l'injonction prononcée par le tribunal par le jugement n° 1202143 du 20 mai 2014 ;

- l'injonction prononcée par le jugement n° 1202143 du 20 mai 2014 n'a pas été exécutée ;

- les conditions d'une modération ou d'une suppression de l'astreinte ne sont pas réunies ;

- elle a intérêt à être reconnue comme titulaire du permis de Mairy au regard des investissements qu'elle a réalisés ;

- l'article L. 911-8 du code de justice administrative, qui permet à la juridiction de décider qu'une part de l'astreinte ne sera pas versée au requérant, cette part étant alors affectée au budget de l'Etat, n'est pas applicable dans le présent litige, qui concerne l'Etat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code minier ;

- loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 ;

- le décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lazar, pour la société Vermilion Louise SAS.

Considérant ce qui suit :

1. La société Vermilion Louise SAS relève appel du jugement tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 28 mai 2019 rejetant sa demande de liquidation provisoire de l'astreinte de 10 000 euros par jour de retard prononcée par un jugement du même tribunal n° 1202143 du 20 mai 2014 ayant, d'une part, annulé la décision implicite du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie refusant de prononcer à son profit et à celui de deux autres sociétés la mutation d'un permis exclusif de recherches d'hydrocarbures liquides ou gazeux et, d'autre part, enjoint au préfet de procéder à un réexamen de la demande et de prendre une décision expresse dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le jugement attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de ce jugement doit être écarté.

Sur la demande de liquidation d'astreinte :

3. Aux termes de l'article L. 911-6 du code de justice administrative : " L'astreinte est provisoire ou définitive. Elle doit être considérée comme provisoire à moins que la juridiction n'ait précisé son caractère définitif. Elle est indépendante des dommages et intérêts ". Aux termes de l'article L. 911-7 du même code : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée ". Aux termes de l'article L. 911-8 du même code : " La juridiction peut décider qu'une part de l'astreinte ne sera pas versée au requérant. / Cette part est affectée au budget de l'Etat ".

4. Par un arrêté du 27 juillet 2007, le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables a accordé un permis exclusif de recherches d'hydrocarbures liquides ou gazeux dit " Permis de Mairy " aux sociétés Lundin International, Toreador Energy France et EnCore (EetP) Limited pour une durée de quatre ans. La société Lundin International ayant exprimé son intention de se retirer de la titularité de ce permis, la société Toreador Energy France, devenue par la suite société Zaza Energy France SAS, dont les actifs ont ensuite été rachetés par la société Vermilion Moraine SAS, et la société EnCore (EetP), devenue société Egdon Limited, conjointement avec la société Hess Oil, devenue Vermilion Louise SAS, ont sollicité, le 26 octobre 2010, la mutation du permis à leur profit. Le silence gardé sur cette demande par le ministre pendant le délai de quinze mois prévu par l'article 46 du décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 a fait naître une décision implicite de rejet. Par un jugement n° 1202143 du 20 mai 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé, pour méconnaissance de l'obligation de motivation, cette décision implicite, et a enjoint au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie de réexaminer la demande de la société Vermilion Louise SAS et de prendre une décision expresse, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard.

5. Dans un courrier du 25 septembre 2015 adressé à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, les sociétés Vermilion REP SAS, Vermilion Moraine SAS et Vermilion Louise SAS ont conjointement porté à la connaissance de la ministre les conséquences du rachat, par la société Vermilion Moraine SAS, société fille A... la société Vermilion REP SAS, des actifs de la société Zaza Energy France SAS et de ceux de la société Hess Oil France, devenue société Vermilion Louise SAS à la suite de ce rachat, et ont entendu clarifier la situation administrative des divers permis exclusifs de recherches d'hydrocarbures dans lesquels ces sociétés indiquaient avoir des intérêts contractuels, ainsi que l'état des demandes de permis n'ayant pas fait l'objet d'une décision expresse. Ce courrier indique que le groupe Vermilion est vivement intéressé à la poursuite des activités d'exploration d'hydrocarbures conventionnels ayant fait l'objet de trois permis, dits de Mairy, Leudon-en-Brie et Champrose, et relève qu'il est important que la société Vermilion Moraine SAS s'en voie " confirmer la titularité et la validité ". " Sous réserve de ces attributions ", le groupe Vermilion s'engage notamment, par ce courrier, à se désister auprès des services de la ministre des procédures administratives caduques en dehors des demandes d'attribution qu'elle souhaite voir aboutir, mentionnées à l'annexe 3 à son courrier, à se désister des instances pendantes devant les juridictions administratives et à renoncer à la liquidation des astreintes en exécution des jugements qui ont été rendus. Il ressort des termes de ce courrier, éclairés par ceux de l'annexe 3 y étant jointe, que le groupe Vermilion entendait subordonner le désistement de la demande de mutation du permis de Mairy, formée le 26 octobre 2010 au profit des sociétés Toreador Energy France, devenue Zaza Energy France SAS, EnCore (EetP), devenue Egdon Limited et Hess Oil, devenue Vermilion Louise SAS, non à la satisfaction globale de ses demandes d'attribution de la titularité des permis de Mairy, Leudon-en-Brie et Champrose, mais à l'attribution de ce permis à la société Vermilion Moraine SAS et à la société Egdon Limited et à sa prolongation jusqu'au 15 août 2018. Enfin, par un arrêté du 8 décembre 2017, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire a prolongé le permis de Mairy jusqu'au 15 août 2019 et, tenant compte du désengagement exprimé par la société Egdon Limited dans une lettre du 7 juillet 2017, en a prononcé la mutation au profit de la société Vermilion Moraine SAS.

6. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que, par leur courrier du 25 septembre 2015, les sociétés Vermilion REP SAS, Vermilion Moraine SAS et Vermilion Louise SAS, qui s'exprimaient également au nom de la société Egdon Limited, ainsi que de la société Zaza Energy France SAS, dont la société Vermilion Moraine SAS avait racheté les actifs, ont entendu se désister de la demande de mutation formée le 26 octobre 2010, sous la double condition que le permis de Mairy soit prolongé et qu'il fasse l'objet d'une mutation au profit de la société Vermilion Moraine SAS. Eu égard à l'identité de ses auteurs, à son objet et aux termes dans lesquels il est rédigé, ce courrier a eu pour effet de modifier la demande du 26 octobre 2010 dans une mesure telle qu'il devait être regardé comme saisissant les services de l'Etat d'une demande nouvelle, distincte de celle que l'Etat avait été enjoint de réexaminer sous astreinte par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, et impliquant de ce fait une instruction nouvelle par les services de l'Etat compétents. Au demeurant, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire a entièrement fait droit à cette nouvelle demande par son arrêté du 8 décembre 2017. Dans ces conditions, l'obligation d'exécuter le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 1202143 du 20 mai 2014 doit être regardée comme ayant pris fin à la date de réception, par l'Etat, du courrier du 25 septembre 2015, soit le 1er octobre 2015.

7. Il résulte de l'instruction que le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 1202143 du 20 mai 2014 a été notifié le 26 mai 2014 au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui disposait d'un mois, à compter du lendemain de cette date, pour réexaminer la demande du 26 octobre 2010 et y donner suite par une décision expresse. Il résulte par ailleurs de ce qui a été dit au point précédent que la période d'inexécution de ce jugement doit être regardée comme ayant pris fin à la date de réception par l'Etat du courrier du 25 septembre 2015, soit le 1er octobre 2015. Il est constant qu'entre ces deux dates, le ministre n'a pas pris de décision expresse sur la demande du 26 octobre 2010, comme l'y avait enjoint le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. Le montant de l'astreinte, calculé au taux de 10 000 euros par jour pour la période allant du 27 juin 2014 inclus au 1er octobre 2015 inclus, atteint dès lors 4 620 000 euros.

8. Toutefois, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, compte tenu en particulier du motif d'annulation, par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, de la décision implicite de rejet de la demande du 26 octobre 2010, de la satisfaction intégrale finalement donnée à la demande, exprimée le 25 septembre 2015, de mutation du permis de Mairy au profit de la société Vermilion Moraine SAS, à laquelle les sociétés du groupe Vermilion, conjointement auteures de cette demande, avaient subordonné le retrait de la demande formée le 26 octobre 2010 au profit de la société Vermilion Louise SAS, et de la volonté clairement exprimée par les sociétés du groupe Vermilion, dans leur courrier du 25 septembre 2015, de renoncer à la liquidation de l'astreinte dans le cas où il serait satisfait à leur demande de prolongation et de mutation de l'autorisation en cause, il y a lieu de procéder à la suppression de cette astreinte, prononcée à titre provisoire par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Vermilion Louise SAS n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande de liquidation.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Vermilion Louise SAS demande au titre des frais non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Vermilion Louise SAS est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vermilion Louise SAS et à la ministre de la transition écologique.

2

N° 19NC02390


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02390
Date de la décision : 29/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-06-07-01-04 Procédure. - Jugements. - Exécution des jugements. - Astreinte. - Liquidation de l'astreinte.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : LAZAR

Origine de la décision
Date de l'import : 04/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-12-29;19nc02390 ?
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