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29/12/2021 | FRANCE | N°19NC00811

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 29 décembre 2021, 19NC00811


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2017 par lequel le préfet de la Moselle a modifié l'arrêté du 21 octobre 2016 déclarant d'utilité publique le projet d'aménagement de la zone d'aménagement concerté (ZAC) du Louvois sur les " Péage Vert " et " Arbre Vert " à Phalsbourg, et prononçant la cessibilité des immeubles à exproprier pour sa réalisation, ensemble l'arrêté du 21 octobre 2016, et de mettre à la charge de l'Ét

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2017 par lequel le préfet de la Moselle a modifié l'arrêté du 21 octobre 2016 déclarant d'utilité publique le projet d'aménagement de la zone d'aménagement concerté (ZAC) du Louvois sur les " Péage Vert " et " Arbre Vert " à Phalsbourg, et prononçant la cessibilité des immeubles à exproprier pour sa réalisation, ensemble l'arrêté du 21 octobre 2016, et de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1701542 du 16 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 mars 2019, sous le n° 19NC00811, MM. B..., représentés par Me Marcantoni, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 janvier 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2017 par lequel le préfet de la Moselle a modifié l'arrêté du 21 octobre 2016 déclarant d'utilité publique le projet d'aménagement de la zone d'aménagement concerté (ZAC) du Louvois sur les " Péage Vert " et " Arbre Vert " à Phalsbourg, et prononçant la cessibilité des immeubles à exproprier pour sa réalisation, ensemble l'arrêté du 21 octobre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le fermier exploitant leurs parcelles a été indemnisé avant qu'ils n'aient eux-mêmes eu connaissance de l'avis d'ouverture de l'enquête, en méconnaissance des articles L. 311-1 à L. 311-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- la délibération du 28 avril 2007, par laquelle le conseil municipal de la commune de Phalsbourg a approuvé le projet de réalisation de la ZAC de Louvois, a été adoptée en méconnaissance du droit à l'information des conseillers municipaux garanti par l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ;

- le dossier soumis à enquête publique n'offre pas une analyse fidèle à la réalité de la situation de leurs terrains concernés par le projet de la ZAC ;

- l'avis du commissaire-enquêteur, dépourvu de son avis personnel, est insuffisamment motivé au regard des exigences de l'article R. 112-19 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le projet en cause est dépourvu d'utilité publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2019, la communauté de communes du pays de Phalsbourg, représentée par Me Gillig conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit mis à la charge de MM. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2020, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Le 10 décembre 2021, MM. B... ont déposé un mémoire, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de M. C... B... et de Me Huck pour la communauté de communes du pays de Phalsbourg.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 21 octobre 2016, le préfet de la Moselle a déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement de la zone d'aménagement concerté (ZAC) de Louvois sur les sites " Péage vert " et " Arbre vert " à Phalsbourg et a déclaré cessibles les parcelles nécessaires à sa réalisation. Par un arrêté du 26 janvier 2017, il a modifié son arrêté du 21 octobre 2016 en supprimant les références à la notion de " déclaration de projet " et à " l'état parcellaire n° 1/7 " et a confirmé la déclaration d'utilité publique du projet ainsi que la cessibilité des passerelles nécessaires à sa réalisation. MM. B... relèvent appel du jugement du 16 janvier 2019, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés des 21 octobre 2016 et 26 janvier 2017.

Sur la légalité des arrêtés des 21 octobre 2016 et 26 janvier 2017 :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. En premier lieu, si l'article L. 311-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique oblige l'expropriant, en vue de la fixation des indemnités, à notifier aux propriétaires et usufruitiers intéressés l'avis d'ouverture de l'enquête, l'acte déclarant l'utilité publique, l'arrêté de cessibilité ou l'ordonnance d'expropriation, et si l'article L. 311-2 du même code impose au propriétaire et à l'usufruitier de faire connaître à l'expropriant les fermiers, locataires, ceux qui ont des droits d'emphytéose, d'habitation ou d'usage et ceux qui peuvent réclamer des servitudes, ces dispositions, qui ne déterminent pas, au demeurant, la procédure d'élaboration de l'acte déclarant l'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité, n'étaient pas applicables aux faits de l'espèce et ne s'opposaient pas à ce que le fermier exploitant les parcelles de MM. B... soit indemnisé avant que ceux-ci ne se soient vu notifier l'avis d'ouverture d'enquête publique. Le moyen invoqué en ce sens ne peut dès lors qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " II.- Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas effectué par l'autorité environnementale (...) III.- L'évaluation environnementale est un processus constitué de l'élaboration, par le maître d'ouvrage, d'un rapport d'évaluation des incidences sur l'environnement, dénommé ci-après " étude d'impact ", de la réalisation des consultations prévues à la présente section, ainsi que de l'examen, par l'autorité compétente pour autoriser le projet, de l'ensemble des informations présentées dans l'étude d'impact et reçues dans le cadre des consultations effectuées et du maître d'ouvrage (...) ". L'article R. 122-5 du même code définit le contenu de l'étude d'impact, qui doit être proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et à la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. Selon cet article, l'étude d'impact comporte notamment une description du projet, en particulier une description de la localisation de ce projet et une description des caractéristiques physiques de l'ensemble du projet.

4. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population, ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

5. Si MM. B... ont fait valoir que les documents photographiques ou cartographiques anciens figurant dans l'étude d'impact réalisée en 2015 ne reflétaient pas l'état des travaux d'aménagements réalisés à la date de l'enquête publique, il est constant que le cabinet Ecolor a fourni des documents actualisés dans un mémoire du mois d'avril 2016, antérieur à l'enquête publique et à l'édiction des arrêtés contestés, et a ainsi complété l'étude d'impact de pièces offrant une information fiable quant à la localisation du projet et à ses caractéristiques physiques. Par ailleurs, si l'étude d'impact présente les terrains des requérants comme agricoles alors que ces terrains étaient constructibles, cette qualification a seulement pour objet de décrire, au demeurant sans erreur, les caractéristiques physiques de ces terrains. Par suite, les requérants n'établissent pas que l'étude d'impact aurait comporté des inexactitudes, omissions ou insuffisances ayant eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou ayant été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 112-19 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " (...) Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête rédige un rapport énonçant ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération projetée (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'issue de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique du projet d'aménagement de la ZAC du Louvois sur les sites " Péage vert " et " Arbre vert " et de l'enquête parcellaire, le commissaire enquêteur a émis un avis favorable à ce projet. S'il a rappelé, en termes neutres, les étapes ayant conduit la commune de Phalsbourg à réaliser les acquisitions foncières nécessaires et à permettre l'aménagement de la ZAC Louvois, ainsi que la volonté de la commune d'installer un supermarché sur cette ZAC et la prise en compte de celle-ci par le SCOT du sud mosellan, il a par ailleurs exprimé son avis personnel en soulignant que la finalisation de la ZAC Louvois permettrait d'assurer son équilibre financier ainsi que le bouclage de ses voiries, d'accueillir de nouvelles entreprises, de donner aux pompiers des accès rapides pour la desserte de leur secteur d'intervention, de procéder à un échange foncier avec la SANEF pour l'extension du péage, et de démarrer dans un deuxième temps la ZAC Vauban après déménagement du supermarché. Ce faisant, il a suffisamment motivé son avis favorable à la déclaration d'utilité publique du projet en cause au regard des exigences de l'article R. 112-19 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

En ce qui concerne la légalité interne :

8. En premier lieu, l'illégalité de la délibération du 28 février 2007, par laquelle le conseil municipal de la commune de Phalsbourg a approuvé le projet de réalisation de la ZAC Louvois ne saurait être utilement invoquée par MM. B..., par la voie de l'exception, à l'encontre de la contestation de la déclaration d'utilité publique des travaux nécessaires à l'aménagement de cette zone, laquelle ne constitue pas une mesure d'application de cette délibération et n'a pas été prise sur son fondement.

9. En second lieu, il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

10. Il ressort des pièces du dossier, comme l'ont relevé les premiers juges, que le projet d'aménagement de la ZAC Louvois au niveau des sites " Péage vert " et " Arbre vert " vise à remédier à la saturation de zones industrielles et commerciales existantes, notamment de celle dite des " Maisons rouges ", et à contribuer, par l'accueil de nouvelles activités industrielles, artisanales et commerciales, au développement économique du bassin d'emploi de la commune de Phalsbourg et de ses environs et à la concentration de ces activités en un même point. Les requérants ne contestent pas non plus que ce projet doit, en outre, permettre la création de deux accès sécurisés pour la caserne de pompiers en cours de construction et de favoriser ainsi la desserte de son secteur l'intervention et la réalisation d'un échange foncier avec la SANEF dans le but d'étendre son " entrée-sortie " sur l'autoroute A4. Ainsi, et alors même qu'il serait profitable aux intérêts d'entreprises privées, le projet en cause répond à plusieurs finalités d'intérêt général. Il n'est par ailleurs pas allégué que le projet pourrait être réalisé sans recourir à l'expropriation. Enfin, alors même que le nombre d'emplois susceptibles d'être créés par le projet d'aménagement en cause ne serait pas déterminé avec précision, il ne ressort pas des pièces du dossier que les atteintes à la propriété privée qu'implique l'opération, au demeurant limitées par l'importance des acquisitions foncières amiables intervenues, non plus que le coût financier ou les inconvénients d'ordre social ou économique, seraient excessifs eu égard à l'intérêt que présente cette opération.

11. Il résulte de tout ce qui précède que MM. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

13. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par MM. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des requérants la somme demandée par la communauté de communes du pays de Phalsbourg au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de MM. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté de communes du pays de Phalsbourg au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à M. A... B..., à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la communauté de communes du pays de Phalsbourg et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressé au préfet de la Moselle et à la commune de Phalsbourg.

4

N° 19NC00811


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-01 Expropriation pour cause d'utilité publique. - Notions générales.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : ADVEN AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 29/12/2021
Date de l'import : 04/01/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19NC00811
Numéro NOR : CETATEXT000044635857 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-12-29;19nc00811 ?
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