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21/12/2021 | FRANCE | N°20NC03110

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 21 décembre 2021, 20NC03110


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... et Mme A... C... née B... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, d'une part les arrêtés du 18 mai 2020 par lesquels le préfet des Vosges a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, les arrêtés du 15 septembre 2020 par lesquels le même préfet les a assignés à résidence.

Par un jugement nos 2001812-2001813-2002269-2002270 du 21 se

ptembre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nanc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... et Mme A... C... née B... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, d'une part les arrêtés du 18 mai 2020 par lesquels le préfet des Vosges a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, les arrêtés du 15 septembre 2020 par lesquels le même préfet les a assignés à résidence.

Par un jugement nos 2001812-2001813-2002269-2002270 du 21 septembre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a réservé les conclusions tendant à l'annulation des refus de titre de séjour jusqu'en fin d'instance pour être jugées devant une formation collégiale et a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des autres décisions.

Par un jugement nos 2001812-2001813 du 30 octobre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des refus de titre de séjour.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 23 octobre 2020, sous le n° 20NC03110, M. C..., représenté par Me Boulanger, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 septembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 mai 2020 par lequel le préfet des Vosges lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2020 par lequel le préfet des Vosges l'a assigné à résidence ;

4°) d'enjoindre au préfet des Vosges, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, de lui restituer son passeport et sa carte d'identité nationale, dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, du 7° de ce même article, de l'article L. 313-14 du même code ou de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros à au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

s'agissant de la régularité du jugement :

- le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a visé des pièces transmises postérieurement à la date de lecture du jugement ;

s'agissant des arrêtés contestés :

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et assignation à résidence ont été prises en méconnaissance de son droit d'être entendu garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de preuve de la disponibilité d'un traitement médical approprié à son état de santé et d'un accès effectif à ce traitement en Géorgie ;

- un retour dans son pays d'origine l'exposerait à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé, constitutif d'un traitement prohibé par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a également méconnu le 7° de cet article L. 313-11, l'article L. 313-14 du même code et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a entaché sa décision de refus de séjour d'erreur manifeste d'appréciation et a méconnu la circulaire du ministre de l'intérieur du 6 juillet 2012 ;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée en raison de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de la décision portant refus de titre de séjour ;

- la décision portant assignation à résidence méconnait l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de perspective raisonnable d'éloignement ;

- cette décision méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le protocole lourd de la procédure d'assistance médicale à la procréation dans lequel le couple est engagé est incompatible avec l'obligation quotidienne de pointage au commissariat.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 avril 2021, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée le 23 octobre 2020 sous le n° 20NC03112, Mme C... née B..., représentée par Me Boulanger, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 septembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 mai 2020 par lequel le préfet des Vosges lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2020 par lequel le préfet des Vosges l'a assignée à résidence ;

4°) d'enjoindre au préfet des Vosges, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, de lui restituer son passeport et sa carte d'identité nationale, dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, du 7° de ce même article, de l'article L. 313-14 du même code ou de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros à au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

s'agissant de la régularité du jugement :

- le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a visé des pièces transmises postérieurement à la date de lecture du jugement ;

s'agissant des arrêtés contestés :

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et assignation à résidence ont été prises en méconnaissance de son droit d'être entendue garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le préfet a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a également méconnu le 7° de cet article L. 313-11, l'article L. 313-14 du même code et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a entaché sa décision de refus de séjour d'erreur manifeste d'appréciation et a méconnu la circulaire du ministre de l'intérieur du 6 juillet 2012 ;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée en raison de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de la décision portant refus de titre de séjour ;

- la décision portant assignation à résidence méconnait l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de perspective raisonnable d'éloignement ;

- cette décision méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le protocole lourd de la procédure d'assistance médicale à la procréation dans lequel le couple est engagé est incompatible avec l'obligation quotidienne de pointage au commissariat.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 avril 2021, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

III. Par une requête enregistrée le 2 décembre 2020 sous le n° 20NC03518, M. C..., représenté par Me Boulanger, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 mai 2020 par lequel le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet des Vosges, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, du 7° de ce même article, de l'article L. 313-14 du même code ou de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros à au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

s'agissant de la régularité du jugement :

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

s'agissant du refus de titre de séjour :

- le préfet a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit, en l'absence de demande de titre de séjour ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision méconnaît les dispositions l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la circulaire du 28 novembre 2012.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 avril 2021, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

IV. Par une requête enregistrée le 2 décembre 2020 sous le n° 20NC03519, Mme C... née B..., représentée par Me Boulanger, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 mai 2020 par lequel le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet des Vosges, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, du 7° de ce même article, de l'article L. 313-14 du même code ou de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros à au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

s'agissant de la régularité du jugement :

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des disposions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

s'agissant du refus de titre de séjour :

- le préfet a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit, en l'absence de demande de titre de séjour ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision méconnaît les dispositions l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la circulaire du 28 novembre 2012.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 avril 2021, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du bureau d'aide juridictionnelle des 15 décembre 2020 et 4 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... et Mme C... née B..., ressortissants géorgiens, sont entrés en France le 27 juin 2019. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 octobre 2019, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 24 février 2020. Le 25 septembre 2019, M. et Mme C... ont sollicité du préfet des Vosges la délivrance d'une carte de séjour temporaire en faisant état de l'état de santé de M. C.... Par deux arrêtés du 18 mai 2020, le préfet des Vosges a refusé de faire droit à leurs demandes, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par deux arrêtés du 15 septembre 2020, le préfet des Vosges les a en outre assignés à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 21 septembre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi. Par un jugement du 30 octobre 2020, le tribunal en formation collégiale a rejeté le surplus de leurs conclusions dirigées contre les arrêtés du 15 septembre 2020. Par quatre requêtes, qu'il y a lieu de joindre, M. et Mme C... relèvent appel de ces deux jugements.

Sur la régularité des jugements attaqués

En ce qui concerne le jugement nos 2001812-2001813-2002269-2002270 du 21 septembre 2020 :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires (...). Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. / La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée. " ;

3. La minute du jugement du magistrat désigné par le tribunal administratif de Nancy, qui indique que l'audience s'est tenue le 18 septembre 2020 et que la lecture est intervenue le 21 septembre 2020, comporte le visa des pièces produites par Me Géhin le 22 septembre 2020 et non communiquées. Il résulte du rapprochement de ces deux dernières dates que le jugement est entaché d'une irrégularité qui en justifie l'annulation.

En ce qui concerne le jugement nos 2001812-2001813 du 30 octobre 2020 :

4. Si les requérants soutiennent que le jugement du 30 octobre 2020 n'a pas répondu aux moyens tirés, à l'encontre des décisions leur refusant un titre de séjour, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort de leurs écritures devant le tribunal administratif de Nancy qu'aucun de ces moyens n'avait été articulé à l'encontre de ces décisions. Il s'ensuit que le jugement attaqué n'est, contrairement à ce qui est soutenu, pas entaché d'une omission de statuer.

5. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de M. et Mme C... dirigées contre les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français, fixant leur pays de renvoi et les assignant à résidence. Les conclusions dirigées contre les décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour doivent en revanche être examinés dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur les décisions de refus de titre de séjour du 18 mai 2020 :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 8 janvier 2020, que l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Celui-ci, qui soutient souffrir d'une pathologie oculaire nécessitant une greffe de cornée et susceptible de le conduire à la cécité, produit deux courriers du ministère des personnes déplacées internes venues des territoires occupés, du travail, de la santé et des affaires sociales de Géorgie datés des 3 août et 7 septembre 2020, dont il ressort que la banque de couche cornée n'existe pas en Géorgie et qu'un expert ophtalmologue avait conclu à la nécessité d'envoyer le requérant à l'étranger pour son traitement. Toutefois, ces seuls documents, dépourvus de toute autre précision et non étayés, ne permettent pas de remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon lequel le défaut d'un traitement pourrait avoir pour M. D... des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni, en tout état de cause, d'établir que celui-ci ne pourrait pas bénéficier effectivement dans son pays d'origine d'un traitement approprié à son état de santé. Ainsi, en refusant à l'intéressé la délivrance d'une carte de séjour temporaire, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas fait une inexacte application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En deuxième lieu, Mme C... reprend en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, le moyen tiré de ce que la décision lui refusant le séjour en France serait entachée d'une erreur de droit en l'absence d'une demande préalable de titre de séjour. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 8 de leur jugement du 30 octobre 2020.

9. En troisième lieu, M. et Mme C... n'ont pas présenté de demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet, qui n'y était pas tenu, n'a pas non plus examiné la possibilité d'admettre les requérants au séjour sur le fondement de cet article. Par suite, les requérants ne sauraient utilement invoquer ses dispositions à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour.

10. En quatrième lieu, les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est dépourvue de caractère réglementaire, constituent seulement des orientations générales adressées par le ministre aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation, ces autorités administratives disposant d'un pouvoir d'appréciation pour prendre une mesure au bénéfice de laquelle la personne intéressée ne peut faire valoir aucun droit. Cette circulaire, qui ne prévoit pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour à l'étranger qui totaliserait les durées de résidence et d'emploi qu'elle indique, ne comporte ainsi pas de lignes directrices dont les intéressés pourraient utilement se prévaloir devant le juge et ne comporte pas davantage une interprétation du droit positif ou d'une règle qu'ils pourraient invoquer sur le fondement des articles L. 312-2 et L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration. Dès lors, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir des critères de régularisation figurant dans la circulaire du 28 novembre 2012.

11. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C... sont entrés en France en juin 2019. Ni l'état de santé de M. C..., ni l'engagement par le couple d'un protocole de procréation médicalement assistée, pour lequel les documents médicaux qu'ils présentent n'établissent pas la nécessité d'une poursuite de prise en charge en France, ni aucune autre considération ne font obstacle à ce qu'ils poursuivent ensemble leur vie privée et familiale dans leur pays d'origine, où ils n'établissent, ni même n'allèguent être dépourvus d'autres attaches familiales ou personnelles. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France des intéressés, les décisions leur refusant le bénéfice d'un titre de séjour n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises. Elles n'ont dès lors méconnu ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au demeurant non invoqué à l'appui des demandes de titre de séjour, et ne sont pas entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle et familiales des requérants

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi du 18 mai 2020 :

En ce qui concerne la légalité externe :

12. Si le moyen tiré de la violation de l'article 41 précité par un Etat membre de l'Union européenne est inopérant, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse qu'aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision défavorable à ses intérêts, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 du même code, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande de reconnaissance de sa qualité de réfugié. Lorsqu'il sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, l'intéressé ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié ou de l'octroi du bénéfice de la protection subsidiaire.

13. M. et Mme C... ont sollicité leur admission au séjour au titre de l'asile. M. C... a en outre sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé. Il leur appartenait, lors du dépôt de ces demandes, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'ils estimaient nécessaires. Il n'est pas contesté qu'ils ont pu faire valoir leurs observations dans ce cadre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de leur droit à être entendus doit être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne la légalité interne :

14. En premier lieu, M. et Mme C... n'ayant pas démontré l'illégalité des décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, ils ne sont pas fondés à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français et fixant leur pays de renvoi.

15. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que les décisions faisant obligation aux requérants de quitter le territoire français méconnaîtraient le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que ces décisions, ou celles fixant leur pays de renvoi exposerait M. C..., compte tenu de son état de santé, à un traitement inhumain ou dégradant prohibé par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur les décisions portant assignation à résidence du 15 septembre 2020 :

16. En premier lieu, les arrêtés contestés du 15 septembre 2020, assignant à résidence M. et Mme C..., sont signés de M. Julien Le Goff, secrétaire général de la préfecture, qui disposait d'une délégation de signature du 22 juillet 2019, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du 24 juillet 2019, l'autorisant à signer les décisions portant assignation à résidence des ressortissants étrangers.

17. En deuxième lieu, les arrêtés du 15 septembre 2020 énoncent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et répondent dès lors à l'obligation de motivation.

18. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 12 du présent arrêt, le droit des requérants d'être entendus, satisfait lors du dépôt de leurs demandes d'asile et de séjour, n'imposait pas à l'autorité administrative de les mettre à même de réitérer leurs observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur les décisions prises en conséquence du rejet de ces demandes. Il en va notamment ainsi des décisions par lesquelles le préfet de Meurthe-et-Moselle les a assignés à résidence. Les intéressés n'ayant pas été privés, lors du dépôt de leurs demandes d'asile et de séjour, ou durant l'instruction de celles-ci, de la possibilité d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'ils estimaient nécessaires, ils ne sont pas fondés à invoquer la méconnaissance de leur droit à être entendus à l'encontre de ces décisions d'assignation à résidence.

19. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré (...) ".

20. Si ces dispositions permettent à l'autorité administrative d'autoriser le maintien provisoire sur le territoire français, en l'assignant à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, d'un étranger se trouvant dans l'impossibilité de quitter le territoire français, de regagner son pays d'origine ou de se rendre dans un autre pays, elles ne conditionnent pas la légalité d'une telle assignation à résidence à la circonstance qu'il existerait, à la date de l'édiction de cette mesure, une perspective raisonnable d'exécution de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de l'intéressé. Par suite, les requérants ne soutiennent pas utilement qu'il n'existait pas, en ce qui les concerne, de perspective raisonnable d'exécution de leur obligation de quitter le territoire français.

21. En troisième lieu, il revient au juge administratif de s'assurer que les obligations de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, susceptibles d'être imparties par l'autorité administrative sur le fondement des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités qu'elles poursuivent. A cet égard, les documents médicaux présentés par les requérants au sujet du protocole de procréation médicalement assistée qu'ils ont engagés ne permettent pas d'établir l'incompatibilité de ce protocole avec l'obligation quotidienne de pointage au commissariat résultant de leur assignation à résidence.

22. En quatrième lieu, les mesures d'assignation à résidence prises à l'égard de M. et Mme C... n'ont pas pour effet de les séparer. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'obligation de ne pas quitter le territoire du département des Vosges et de se présenter du lundi au samedi, y compris les jours fériés, entre 9 heures et 11 heures, au commissariat de police, aux fins de contrôle, fasse obstacle à la poursuite des activités inhérentes à leur vie personnelle et familiale. Ainsi, ces mesures ne portent pas au droit de M. et Mme E... au respect de leur vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquelles elles ont été prises. Par suite, elles ne méconnaissent pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

23. En dernier lieu, eu égard à ce qui a été dit aux points 21 et 22, M. et Mme C... ne sont pas davantage fondés à soutenir que leurs assignations à résidence et les mesures dont elles s'accompagnent constitueraient des traitements inhumains ou dégradants prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

24. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 2001812, 2001813, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des décisions du préfet de Meurthe-et-Moselle du 18 mai 2019 leur refusant la délivrance d'un titre de séjour. Ils ne sont pas davantage fondés à demander l'annulation des décisions du préfet des 18 mai et 15 septembre 2019 leur faisant obligation de quitter le territoire français, fixant leur pays de renvoi et les assignant à résidence.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

25. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. et Mme C....

Sur les frais liés à l'instance :

26. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

27. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que le conseil de M. et Mme C... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy nos 2001812-2001813-2002269-2002270 du 21 septembre 2020 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. et Mme C... devant le tribunal, ainsi que surplus des conclusions de leurs requêtes d'appel n° 20NC03518 et n° 20NC03519, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C..., à Mme A... C... née B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Vosges.

2

N° 20NC03110, 20NC03112, 20NC03518, 20NC03519


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : BOULANGER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 21/12/2021
Date de l'import : 28/12/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20NC03110
Numéro NOR : CETATEXT000044558988 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-12-21;20nc03110 ?
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